Antisémitisme et modernité

Un juif vivant aujourd’hui en Occident n’a pas à craindre les institutions ni le pouvoir en place. Mais peut-on croire que c’est définitif au regard de l’Histoire, en France où ailleurs, alors qu’il y a encore des gens en vie qui ont connu le « Statut des Juifs », quand on trouvait en plein Paris des panneaux « interdit aux juifs et aux chiens » ? Et comment oublier que, bien après la Shoah, l’Europe de l’Est, l’Union Soviétique et la plupart des pays arabes pratiquèrent un antisémitisme d’État dont on n’ose imaginer les effets si Israël n’avait été là pour accueillir les masses de juifs en déshérence ?

La modernité n’a rien changé à l’antisémitisme. De l’Argentine à la Russie, du Danemark à l’Afrique du Sud, de la Malaisie au Pakistan, du Venezuela à l’Iran, dans le monde entier des institutions ou des personnes juives sont le théâtre de violences physiques ou verbales de manière récurrente. L’idée que l’antisémitisme appartient au passé et serait dû à l’ignorance et à l’obscurantisme est fausse. Heidegger, Céline, Luther, Érasme, Maurras, Balzac, Wagner, Proudhon n’étaient ni ignorants ni obscurantistes.

Si Israël disparaissait, les juifs pourraient se retrouver à la merci d’un antisémitisme que rien n’arrête en temps de crise. Pense-t-on que l’Histoire est finie, que tout est dit sur la société humaine et qu’il n’y plus qu’à se laisser porter par la logique de la modernité pour que tout aille pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Oublie-t-on que Voltaire fut un antisémite virulent ? Le Siècle des Lumières a permis l’émancipation des juifs, mais n’a en rien diminué l’antisémitisme. Au contraire : l’émancipation l’a renforcé, parce qu’en sortant des ghettos et  en devenant des citoyens à part entière, les juifs furent perçus comme des concurrents au plan intellectuel, politique, scientifique et économique.

Avancer qu’Israël n’a pas résolu la question juive parce que la guerre y sévit est inepte. C’est oublier que la France et ses voisins n’ont eu de cesse que de guerroyer tout au long de l’Histoire avant d’arriver à une pacification relative. Qui remet en question la légitimité de la France malgré les zones d’ombres qui certaines de ses frontières, en métropole comme ailleurs ? Pourquoi l’État d’Israël n’aurait-il les mêmes droits ?

Qui défendait les juifs avant l’État d’Israël ? Pour un seul Zola, combien de Maurras, combien de Drumont, combien de Brasillach, combien de Céline, combien de Laval ?

Le fait que la France ne soit pas officiellement antisémite ne change rien à l’intemporalité de la question juive, dont la seule solution légitime, pragmatique, pratique, praticable, pratiquée et qui sans aucun doute possible a fait ses preuves, c’est l’État d’Israël. Il y a une extraordinaire cécité à ne pas voir que la sécurité relative des juifs en Diaspora s’adosse à l’État d’Israël. Comment ne pas comprendre que chaque antisémite, qu’il soit une personne, un groupement ou un régime sait aujourd’hui que l’État d’Israël riposte à la judéophobie sans faillir, quel que soit l’endroit de la planète où elle se manifeste.

Quand le Conseil de l’Europe chercha un maestro pour adapter « l’Ode à la Joie » en hymne européen, il ne trouva rien de mieux que de confier la tâche à Von Karajan, immense musicien, mais ancien membre du parti nazi, pour chanter la fraternité humaine. Les nazis ont aujourd’hui pratiquement disparu, mais d’autres fanatiques promettent à leur tour d’éliminer ceux qui s’opposent à leur vision du monde.

On peut penser dans notre vieille Europe que ce nouveau fléau n’est qu’un mauvais rêve, que cela passera comme une mauvaise grippe. On peut le penser. Mais les juifs en Israël, sous le feu des missiles, n’ont que faire de ce que pense l’Europe, cette Europe judéophobe dont le sol n’est pas encore sec du sang juif versé dans l’indifférence la plus totale, toutes nations confondues. L’Europe et ses penchants criminels, comme dit Jean-Claude Milner, l’Europe amnésique traînant sa gueule de bois après un vingtième siècle sinistre, l’Europe titubant dans les relents des improbables noces nazies et staliniennes, l’Europe avachie qui s’ébroue, attend et remet tout à des lendemains qui forcément déchanteront.  Non, décidément non, cette Europe-là n’a pas de leçons à donner aux juifs.

Nationaliser les banques ?

Les banques font leur métier en permettant aux acteurs du commerce et de l’industrie de se couvrir contre les fluctuations du marché. Il y d’une part ceux qui désirent prévenir certains risques, et d’autre part ceux qui veulent bien prendre ces mêmes risques moyennant un prix fixé par l’offre et la demande. Ce mécanisme est indispensable au bon fonctionnement de l’économie, parce qu’il permet de faire circuler des liquidités plus rapidement que s’il fallait attendre les échanges physiques de marchandises ou de services.

Le problème que cela pose est que la dîme prélevée par les institutions financières  ne peut ni être contrôlée ni moralisée, parce que le système est aveugle, obéit à sa propre logique, et cherche à atteindre à la plus grande efficacité sans que personne y soit pour quelque chose. Ces bénéfices sont générés dans tous les cas de figure, que le marché baisse ou monte, parce qu’à toute perte il y à contrepartie positive.

Au fil d’une crise financière majeure qui a secoué le monde entier, il a suffit d’un coup de pouce sous la forme de crédits d’urgence ouvert par la Banque Centrale américaine pour que les grands financiers de Wall Street  renouent avec une profitabilité plus grande que jamais, ceci alors que l’économie globale peine à se ressaisir.

Ce processus est inhérent au système, et n’a pas grand-chose à voir avec de la fraude. Faute de pouvoir le réguler il me semble que les banques dont c’est le métier de parier sur l’activité économique devraient être nationalisées. Ainsi le produit de ces paris tomberaient dans les caisses de l’Etat et pourraient venir au secours du commerce été de l’industrie le cas échéant.

J’ignore si ce point de vue est réaliste, mais laisser le système bancaire engranger des bénéfices monstrueux tout en risquant l’argent de la collectivité ne me paraît pas acceptable du point de vue même du libéralisme. S’il est vrai  chacun doit est libre de parier avec son propre argent, il est déraisonnable que certains aient le privilège de le faire avec l’argent des épargnants et celui de l’Etat tout en ne prenant qu’un risque à sens unique, consistant à empocher le profit quand il existe, et à être renfloué quand la mise est perdue, le tout sans jamais y aller de sa poche. C’est ce cercle vicieux  qui abouti à ce que les grandes banques d’affaires gagnent souvent et ne perdent jamais, puisque qu’elles ne font jamais que perdre l’argent des autres. Ce procédé semble plus proche de celui de la Nomenklatura ex-soviétique que du capitalisme bien compris.

Maïmonide et le monothéïsme

Le point de vue que je mets en avant concernant est celui de Maïmonide. La raison pour laquelle j’aime le faire connaître provient du fait que ce personnage hors-norme est considéré par tous les courants du judaïsme – tous sans exception – comme la référence absolue depuis Moïse lui-même. Il y a donc consensus autour de la conception Maïmonidienne du judaïsme, puisqu’aucun érudit juif ne la conteste aujourd’hui (ce qui ne fut pas le cas au cours du siècle qui a suivi sa mort).

Maïmonide a écrit une œuvre monumentale, aussi bien scientifique, théologique que philosophique, dont son « Guide des Egarés » (ou « Guide des Perplexes »). Cet ouvrage, écrit en arabe mais pensé en hébreu, en grec et en latin, se veut une explication magistrale et exhaustive du monothéisme.

C’est cependant un témoignage dont n’est pas absent un certain élitisme. Maïmonide part de l’idée qu’il n’y a qu’une infime partie du peuple capable de participer du débat philosophique. Cependant il craint que le commun des mortels ne cherche à l’angoisse métaphysique un exutoire dans la superstition ou l’idolâtrie. Il pose donc que l’idolâtrie est à combattre en priorité parce qu’elle constitue un danger en ce qu’elle brouille la Raison.

Mais selon Maïmonide la Raison n’évacue en rien la question de Dieu, puisqu’elle ne saurait venir à bout de la question de l’Infini. Le judaïsme réduit donc la question de Dieu à sa plus simple expression en disant que Dieu est, tout en posant qu’il est impossible d’appréhender ce qu’il est, puisque sa manière d’être ne ressemble en rien à ce que nous entendons par là. On peut en revanche appréhender ses œuvres, c’est-à-dire le Monde.

C’est là qu’intervient la Thora, allégorie de la condition humaine face à la Nature. Maïmonide pense que si baser son mode de vie sur la Thora au moyen de l’exégèse du Talmud n’a pour effet ne fût ce que de contenir l’idolâtrie, alors l’essentiel du judaïsme est accompli. Vu sous cet angle, on comprend le scepticisme juif face au christianisme, qui apparait comme une régression païenne, et qui illustre ce contre quoi Maïmonide met en garde.

Désir

Lui :
– J’ai envie de baiser
– Moi aussi
– Ca ne veut rien dire
– Qu’est ce qui ne veut rien dire
– Ton envie. Ce n’est qu’une réaction à la mienne
– Il n’y a que la tienne compte, d’envie?
– Il n’y a que la mienne qui existe
– Qui décide
– Les faits
– Quels faits
– Le fait que c’est moi le premier qui aie exprimé l’envie
– Ca disqualifie la mienne ?
– Oui, parce que je ne saurai jamais si elle était sincère
– Pourquoi
– Parce que tu n’as fait que répliquer pour me faire plaisir
– C’est mal de faire plaisir?
– Tu confirmes
– Je confirme quoi
– Que tu avais envie de baiser juste pour me faire plaisir
– Je n’ai pas dit ça, mais maintenant je n’ai plus envie
– Je le savais
– Tu savais quoi
– Que tu n’avais pas envie de baiser
– J’avais envie, mais tu m’as fait débander
– Les femmes ça ne bande pas alors ça ne peut pas débander non plus.
– Je n’aime pas quand tu dis « les femmes », ni quand tu les désignes par « ça ».
– Il n’empêche que ni les femmes ni toi ça bande
– Tu continues à dire « les femmes » et « ça »
– Pardon. Mais on est bien d’accord que tu ne bandes pas
– Tu n’as pas le sens de la métaphore. C’était une image
– Mensongère. Tu voulais me faire croire que tu éprouvais du désir comme un homme
– Je n’ai pas de désir
– Je n’en sais rien… en tout cas pas comme un homme
– Et alors
– Alors c’est un mensonge de plus
– De plus que quoi
– De plus que ceux qui veulent faire accroire que les femmes sont comme les hommes
– Tu penses que les femmes n’éprouvent pas de désir
– Peut-être que oui, mais elles n’ont pas besoin d’un homme.  Un sex-toy fait l’affaire.
– Tu en sais des choses
– Pas la peine de persifler, c’est une femme qui me l’a dit
– Pas flatteur
– Pour qui
– Pour toi
– Pourquoi
– Parce qu’elle préférait baiser avec un morceau de plastique qu’avec toi
– Elle n’a pas dit qu’elle préférait. Elle a dit que c’était pareil
– Pas un peu mieux avec toi qu’avec le plastique
– Non, un peu mieux avec le plastique qu’avec moi
– Pourquoi elle baisait avec toi alors
– Parce que je lui apportais autre chose que mon corps. Me prêter son cul juste en échange du mien lui semblait déséquilibré. Elle pensait que son corps valait plus que ça
– Il lui fallait quoi en plus
– Je ne sais pas, moi… de l’attention, de l’argent, des cadeaux…
– Oublions cette bonne femme. C’est un mauvais exemple. C’est une pute
– Tandis que toi tu n’en es pas, naturellement
– Non, parce que je ne te demande rien
– Mais tu ne donnes rien non plus
– Comment
– Tu ne me donnes pas ton cul
– Mais il y a à peine cinq minutes je te le proposais
– Non tu le refusais
– C’est toi qui n’en voulais pas
– Seulement quand j’ai compris que ton offre n’était pas sincère, qu’elle ne venait pas du cul
– Qu’est ce qui t’a fait penser ça
– Le fait que c’est moi qui aie dit mon envie de baiser
– Je t’ai emboîté le pas
– Plutôt par charité, et acter par la même occasion que c’était moi qui étais demandeur
– Tu n’étais pas demandeur de moi. Tu étais demandeur tout court
– Comment ça
– Tu as dit j’ai envie de baiser
– Et alors
– C’était juste une envie. Tu n’as pas dit que tu avais envie de moi
– Pour baiser il faut d’abord avoir envie, ensuite on choisit avec qui
– Pour baiser il faut d’abord choisir avec qui, ensuite on a envie

Dieu est une question dans le judaïsme, pas une réponse

Le monothéisme selon  Maïmonide est avant tout le rejet de la superstition sous toutes ses formes. Mais l’idée d’un Dieu unique n’est pas forcement synonyme de monothéisme.  Si les peuples de l’Antiquité avaient révoqué leurs multiples divinités pour n’en garder qu’une seule cela n’en aurait pas pour autant fait des monothéistes.

Pour Maïmonide,  toute représentation anthropomorphique ou matérielle de Dieu est exclue.  Il ne peut être décrit sous aucune forme. Même se représenter Dieu en imagination est une entorse à ce principe. Même lui parler est insensé, parce qu’il n’a ni corps, ni lieu, ni nom. Il y a de nombreux termes pour l’invoquer, mais en vérité Dieu n’a pas de nom du tout. Le tétragramme YHVH qui le désigne dans la Thora est énigmatique, mais est du point de vue syntaxique il est plus plus proche du verbe que du substantif.

On ne peut donc décrire Dieu ni se le représenter parce qu’il ne se manifeste sous aucune forme, à aucun moment, pour personne. L’homme doit se servir de sa raison aussi naturellement que l’oiseau doit se servir de ses ailes. Pas plus que l’oiseau n’a besoin de Dieu pour voler, l’homme n’a  besoin de Dieu pour raisonner.

Mais s’il est impossible d’appréhender Dieu alors pourquoi s’en soucier ? Parce qu’il est des questions auxquelles la raison ne peut apporter de réponse : la finitude, la perplexité de constater qu’il y ait quelque chose plutôt que rien, le bien et le mal. Le judaïsme tente d’établir une passerelle entre ces questions et la condition humaine.

Quand la Thora dit que l’homme a été créé à l’image de Dieu, cela n’implique pas que Dieu ait un corps ou un lieu. La ressemblance réside en ce que l’homme participe du monde des idées. L’existence du monde des idées infère l’éternité, et conduit à penser que toutes les idées sont contenues dans une idée première. C’est une manière de formuler que tout se tient. Que les notions telles que le temps, la matière, le mouvement, l’énergie et la conscience participent d’une seule et même chose. Le judaïsme cherche à établir un lien entre cette unicité et la conscience individuelle.

Quand un prophète « voit » ou « parle » avec Dieu cela signifie que l’intuition, l’intelligence et l’inspiration sont en marche et dégagent une vision. C’est le summum de ce à quoi un être humain peut accéder en consacrant sa vie à l’étude.

Le Dieu du monothéisme juif s’est retiré du monde au moment de le créer. Il ne faut donc pas compter sur lui, mais avec lui. Maïmonide pense qu’il est inepte d’attribuer à Dieu un rôle dans des évènements comme les tempêtes, la perte des moissons ou les tragédies personnelles.

Maimonide pense que les miracles sont des phénomènes naturels.  Il se range parmi ceux qui tentent de décrypter les lois de la nature plutôt que de ceux qui voient la main de Dieu dans des phénomènes inexplicables. Il pense qu’il n’y a jamais lieu d’interpréter la Thora de manière littérale, et que tout ce qui y est irrecevable du point de vue de la raison relève de la métaphore.

Le judaïsme est  un code de conduite au niveau individuel et pour la vie en société. C’est sa fonction première. L’homme est libre de décider comment conduire sa vie. Il a par son action un rôle à jouer dans le cours de l’Histoire.

Dieu est une question dans le judaïsme, pas une réponse.

Le Talmud et la peine de mort

La Thora dit « Tu ne tueras point », mais dit aussi qu’il y a des cas où il est permis de tuer. C’est ainsi que Moïse, voyant un soldat égyptien sur le point de frapper à mort un esclave, intervient pour terrasser le soldat et sauve la vie de l’esclave.

Dans un ordre d’idée inverse, bien que la peine de mort existe, le Talmud impose des conditions extrêmes pour la prononcer et n’accorde cette autorité qu’à des juridictions obéissant à des règles strictes. Les conditions sont ainsi faites qu’en pratique aucun tribunal ne saurait être en mesure de la prononcer. Dans le traité « Sanhedrin » du Talmud il est écrit que pour le constat valide d’un meurtre il faut deux témoins. Ceux-ci doivent avoir l’occasion de dissuader par la parole le meurtrier potentiel. Celui-ci doit répondre de manière explicite et audible qu’il persiste dans son intention de tuer, sans quoi on peut supposer qu’il n’a pas entendu que les témoins essaient de le dissuader. On ne peut donc pas savoir s’il aurait changé d’avis en entendant leurs injonctions.

Lors d’un premier débat à ce sujet, le Talmud met en garde les magistrats en estimant qu’un tribunal qui prononcerait une peine de mort tous les sept ans serait considéré comme brutal. Plus tard, deux sages renforcent cette idée en estimant que même un tribunal qui ne prononcerait la peine de mort que tous les soixante-dix ans devrait être considéré comme brutal. Le dernier mot est à Rabbi Akiva, figure majeure  du Talmud, qui conclut en disant que si un jour le peuple juif devait reconstituer son appareil judiciaire, la peine de mort ne devrait jamais être prononcée.

L’approche du Talmud l’emporte  en sagesse sur le principe de l’abolition pure et simple de la peine de mort. En effet, si le Talmud refuse d’en abolir le principe, la Halakha (Loi juive) impose qu’il ne convient de ne la mettre en pratique que dans des cas rarissimes et extrêmes. Le droit israélien ne repose pas sur la Halakha, mais il est frappant de constater que l’exécution d’Eichmann a reflété ce point de vue en n’appliquant la peine de mort que dans des circonstances  exceptionnelles.

Yom Kippour

Yom Kippour est la fête la plus importante du calendrier juif. C’est un jour de jeûne, d’introspection, de retour sur soi et de méditation sur nos rapports avec le prochain et l’autre, l’étranger. Tout s’arrête, la rumeur du monde est suspendue La pendant vingt-quatre heures. C’est une expérience extraordinaire que d’être en Israël à Yom Kippour. La majorité des gens ne sont pas pratiquants, mais la culture israélienne a transformé ce concept en lui donnant une version laïque, un peu comme les athées fêtent Noël en Occident

C’est une journée sans voitures, une journée verte, une journée de calme, de promenade, et d’une manière générale une journée où le respect de l’environnement coule de source. Il s’agit de quelque chose de beaucoup plus radical que les journées sans voiture en Europe. C’est tout Israël qui s’arrête. Il n’y pas une seule voiture en mouvement en dehors des ambulances ou voitures de police occasionnelles.

C’est aussi la belle saison du point de vue climatique. Le soleil est radieux, les rayons caressent sans mordre, le ciel est d’un bleu profond et le petit matin est frais. Tout le monde, vieillards, handicapés en chaises roulantes ou enfants en poussette vadrouillent sans bruit sur les routes désertes. Absence de circulation, mais aussi fermeture des commerces, administrations, restaurants, musées, aubettes, kiosques ou autres marchands ambulants. Pas de musique, pas de baffles à décibels barbares, pas de manifestations, pas d’attroupements. Juste des humains qui déambulent dans une sérénité en contraste profond avec ce pays qui en temps normal bruisse à toute heure. Je n’ai connu de silence analogue qu’en montagne, l’hiver, par grand bleu et grand froid, quand la nature est figée et le vent absent.

Le livre de Job

Job est un homme juste et bon. Il est heureux, entouré d’une famille aimante, jouit d’une bonne santé et est prospère.

Dieu le met à l’épreuve en le dépouillant de tout, y compris de sa santé.

Satan essaie d’amener Job à se dire qu’il n’était peut-être pas aussi vertueux qu’il le pensait, le pousse à s’interroger et à faire son examen de conscience. Mais Satan est une métaphore du doute qui se glisse chez Job, qui se met à réfléchir aux fautes qu’il a pu commettre sans en avoir eu conscience. Il interpelle vigoureusement Dieu pour essayer de lui arracher en quoi il peut bien avoir failli. Mais Dieu garde le silence. Et c’est cette pesante non-réponse qui éclaire Job. Il comprend enfin qu’il n’y a aucun rapport entre son bonheur d’antan et sa vertu, et que la seule raison d’être bon, c’est d’être bon, qu’il n’y a rien à attendre en échange, sans quoi ce ne serait pas de la vertu.

La foi ne repose sur aucune preuve et peut faire l’objet d’aucune démonstration, sans quoi ce serait de la science. Le livre de Job, l’épisode de la Ligature d’Yitzhak et l’Ecclésiaste balaient toute velléité de baser la foi sur les notions de récompense ou de punition.

La foi juive pose que l’homme distingue le bien du mal. On peut gloser à l’infini sur l’Infini, mais croire, pour un juif, c’est croire que la morale fait partie intégrante de la personne humaine aussi bien que la matérialité de son corps, et que l’homme a le devoir de traduire cela en pratique.

Croire, c’est avoir la conviction qu’aucune épreuve, aucun revers, aucune barbarie, aucun malheur d’aucune sorte ne peut ébranler la notion de morale. Penser que la morale est fondée sur un jeu de récompenses et de punitions est un contresens. La morale doit être parce qu’elle doit être. Elle est en soi sa justification et son essence. Mais le judaïsme est pragmatique, et admet que l’on puisse être mû par l’intérêt en pratiquant le bien.

Négociations préalables aux négociations

On peut trouver qu’Israël devrait être plus accommodant avec les nouvelles exigences américaines parce que c’est notre principal allié et que la sécurité d’Israël repose, au moins partiellement, sur cette alliance.

On peut trouver qu’Israël devrait être plus accommodant avec les nouvelles exigences américaines parce que c’est le principal allié et que la sécurité d’Israël repose, au moins partiellement, sur cette alliance. Il se peut qu’un gouvernement israélien qui serait plus sensible à cet argument aurait droit à un meilleur traitement de la part des américains,  mais cela ne fait que déplacer le problème. La vraie question est de savoir si la stratégie que propose Obama a des chances d’être payante. En d’autres mots, de savoir ce qui changerait sur le fond.

En attendant on ne voit pas quel gouvernement israélien pourrait accepter de faire des concessions majeures avec comme unique contrepartie l’ouverture de négociations. Il semble que ce serait faire les choses à l’envers. Après tout, si on trouve légitime de poser des conditions préalables à la négociation, Israël pourrait exiger de l’Autorité palestinienne, avant même de s’asseoir à table, de renoncer au droit de retour des réfugiés, à Jérusalem, au retour des frontières de 1967 et de reprendre le contrôle de Gaza.

On reproche aux israéliens d’avoir violé des dispositions de la « Feuille de Route ». Mais le fait que la moitié de la future Palestine (Gaza) est ouvertement opposée à l’existence d’Israël et dénonce à l’avance tout accord entre Israël et l’Autorité palestinienne, n’est ce pas aussi une violation de la feuille de route ?  Pourtant Israël ne s’en sert pas pour refuser de négocier.

Quand les palestiniens et leurs alliés voudront vraiment faire la paix cela se saura. Au moment où Sadate a atterri à Jérusalem en novembre 1977, et avant même qu’il eût prononcé un seul mot, tout le monde savait qu’Israël allait restituer le Sinaï et que l’Egypte signerait un traité de paix. C’est cela qu’il faut aujourd’hui à Israël. Rien  de moins.

Le discours que Mahmoud Abbas n’a pas prononcé pour le 60e anniversaire de la Nakba

Je suis le Président de l’Autorité Palestinienne. Je suis né en Palestine en 1935, à Safed.  J’ai aujourd’hui le devoir de vous dire qu’après avoir vainement lutté contre les juifs pendant plus de soixante ans, j’ai changé d’avis. Frères palestiniens, laissez-moi vous raconter comment ça s’est passé.

J’ai  combattu le droit des juifs à se constituer en tant que nation en Palestine. Je me suis opposé au vote de l’ONU de 1947 annonçant le partage en deux Etats, l’un juif et l’autre arabe. Je sais aujourd’hui que la Nakba fut une catastrophe pour tout le monde. Mes frères d’armes et moi-même sommes coupables d’avoir inondé la région d’une mer de sang et de larmes en refusant de vivre en paix avec le voisin juif. Sachez, frères palestiniens, que la Nakba ne commémore pas la création de l’Etat d’Israël le 14 mai 1948, mais bien l’attaque concertée du lendemain – le 15 mai 1948 – des armées arabes avec objectif de l’éliminer au lieu de vivre en paix à ses côtés.

Aujourd’hui encore, une partie importante du monde arabo-musulman souhaite la destruction de l’Etat d’Israël en tant que tel et non pas la rectification de ses frontières. Je reconnais pour ma part que j’ai fait fausse route, et que le conflit israélo-arabe n’a jamais été un problème territorial, mais bien la conséquence de la négation de l’autre, le prochain, le juif. Frères palestiniens, sachez que l’Etat d’Israël est une héritière des Lumières, une démocratie moderne qui adhère à l’esprit et à la lettre de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Sa légitimité en tant qu’Etat juif relève du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Les juifs sont venus en Palestine sous l’impulsion du sionisme. Ces pionniers ont construit à mains nues un pays magnifique sur des terroirs ingrats ou des régions domaniales, ou achetées au prix fort à des propriétaires lointains et indifférents. Aucune de ces terres ne furent jamais prise par la force. Aucune armée ne vint jamais les conquérir. Bien avant la Deuxième Guerre Mondiale les juifs avaient édifié les bases de leur Etat. La sécurité sociale, les syndicats ouvriers, le système de transport, la police, l’université, la langue, l’agriculture, le système politique, la littérature hébraïque, tout cela était bien en marche dès les années 1920. Je reconnais aujourd’hui que les juifs ont autant que nous, palestiniens, le droit d’avoir leur Etat, ceci à la fois au nom du passé lointain et du passé récent. Je regrette que nous n’ayons pas nous aussi su saisir l’occasion de créer un Etat moderne, prospère et démocratique en lieu et place de pleurer la Nakba.

Nos alliés arabes et nous-mêmes avons refusé la partage de la Palestine, et nous sommes embarqués dans une aventure épouvantable en rêvant de chasser les juifs de Palestine, oubliant qu’eux aussi étaient chez eux. La rhétorique des deux camps a poussé en 1948 des centaines de milliers de palestiniens à fuir en attendant qu’Israël fût liquidé. Simultanément les pays arabes expulsèrent, spolièrent et contraignirent à l’exil près d’un millions de juifs. Ces juifs victimes d’un nettoyage ethnique refirent leur vie ailleurs, mais les victimes palestiniennes de la première guerre israélo-arabe de 1948 devinrent au fil des générations des apatrides qu’aucun pays ne voulut jamais intégrer. Soixante ans se sont écoulés depuis, mais on en est toujours là.

J’ai œuvré pour la destruction d’Israël, et rédigé une thèse mensongère concernant le sionisme. Je fus parmi les fondateurs du Fatah en 1959 et de l’Organisation de la Libération de la Palestine en 1964. La Cisjordanie et Gaza étaient alors contrôlés par la Jordanie et l’Egypte. Au lieu de proposer aux palestiniens la souveraineté, l’Egypte, la Jordanie et la Syrie, soutenus par l’ensemble du monde arabe, attaquèrent Israël en 1967 en vociférant qu’ils jetteraient les juifs à la mer. Ce fut la Guerre des Six-Jours. Les troupes israéliennes repoussèrent l’offensive arabe de manière tellement radicale que dans leur élan ils investirent la Cisjordanie, Gaza, le Golan et le Sinaï. Ensuite ce fut les tristement fameux « NON » de Khartoum : NON à l’existence d’Israël, NON à la paix, NON à la négociation. Depuis lors, chaque fois qu’un Etat arabe a désiré mettre un terme au conflit, Israël a réglé les contentieux territoriaux, retiré ses troupes et signé des traités de paix.

Je désire aujourd’hui emboîter le pas à Sadate d’Egypte et à Hussein de Jordanie, et conclure une paix sans ambigüité. Mais pour qu’une paix juste soit possible, la signature d’un traité ne suffira pas. Il nous faudra aussi mettre en place un processus de réconciliation. Je m’adresse à vous, peuple israélien. Je voudrais vous présenter mes excuses ainsi que celles des factions palestiniennes et de l’ensemble du monde arabo-musulman pour les souffrances que nous avons été amenés à vous infliger tout au long de ce siècle. Pour avoir contribué à chasser vos parents et grands-parents du Moyen-Orient et du Maghreb au nom de notre rejet de l’Etat d’Israël, je vous exprime nos regrets. Pour avoir refusé à des centaines de milliers d’entre eux d’y revenir, pour avoir spolié et chassé des communautés juives. Pardon pour avoir exercé des politiques discriminatoires à l’égard des juifs dans en terre d’Islam. Pardon pour avoir persécuté les juifs et autres minorités religieuses ou ethniques qui préexistaient l’arabisation du Moyen-Orient.

Dans ce processus de réconciliation il sera important que les voix de toutes celles et de tous ceux qui ont souffert soient entendues, y compris les voix de mes frères palestiniens qui ont perdu des proches, victimes collatérales des armées régulières et du terrorisme, et aussi de l’aveuglement de leurs leaders qui n’ont pas eu la prescience de créer l’Etat palestinien dès 1948. Ce que je dis aujourd’hui ne pourra calmer la douleur de celles et ceux qui ont souffert, mais c’est à partir de là que pourront se construire des ponts entre nos peuples, que pourra se tourner la page d’un passé douloureux et qu’ensemble nous écrirons un nouveau chapitre dans l’histoire de cette région afin d’offrir enfin à nos enfants et à nos petits-enfants la possibilité de vivre dans la paix et le respect mutuel.

Nous autres, frères palestiniens, devons maintenant réaliser avec le peuple juif la vision prophétique contenue dans la déclaration d’’indépendace de l’Etat d’Israël, qui dit: « Nous tendons la main de l’amitié, de la paix et du bon voisinage à tous les Etats qui nous entourent et à leurs peuples. Nous les invitons à coopérer avec la nation juive indépendante pour le bien commun de tous. L’Etat d’Israël est prêt à contribuer au progrès de l’ensemble du Moyen Orient. »

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