Gideon Levy ou le droit de critiquer Israël

Gideon Levy est un chroniqueur  du  journal israélien Haaretz, où il dit régulièrement son rejet de l’establishment de son pays tout en reconnaissant volontiers qu’il y jouit d’une liberté d’expression totale. Il fait indéniablement preuve de courage en affichant ses opinions en Israël, mais est en même temps conforté par une audience de par le monde, puisque ses positions sont répercutées dans des organes irréductiblement hostiles à Israël. Alors qu’il revendique son attachement à Israël, il sert d’alibi à ceux-là mêmes qui sont déterminés  à liquider son pays, avec ou sans occupation.

Bien qu’à mon avis que Gideon Levy fasse fausse route du point de vue de la pensée, force m’est de reconnaître qu’elle est d’une grande cohérence, et que son inquiétude pour Israël parait sincère. Cette contestation s’inscrit d’ailleurs dans la tradition juive de par ses accents divinatoires. Il est tellement pénétré par ses analyses que plus il est isolé, plus il raidit  sa posture, tel le prophète Jérémie prédisant la chute de Jérusalem.  Il  est doué d’une espèce de force tranquille qui fait qu’il ne doute jamais de rien. Quant à ses contradicteurs, tout se passe comme s’il mesurait la justesse de ses idées à l’aune de l’irritation de ses adversaires.

Gideon Levy dit que l’occupation israélienne est illégale – comme si lui savait avec précision où se trouvaient les frontières d’Israël – mais omet de tenir compte de ceux qui donnent le ton dans l’autre camp – Hezbollah, Hamas, Iran -, qui estiment eux que Tel-Aviv et Haifa sont également en territoire occupé.

Israël s’est retiré de Gaza et du Sud-Liban avec le résultat que l’on sait. Gideon Levy pense néanmoins qu’Israël n’a pas à poser de conditions pour mettre fin à l’occupation. Pourtant cela tombe sous le sens qu’Israël craint de se retrouver dans la situation d’avant 1967, où il n’y avait pas d’occupation, mais où le pays était néanmoins harcelé par des voisins armés jusqu’aux dents.

Gideon Levy emboîte le pas à des  nations qui condamnent  Tsahal, alors que ces mêmes nations sont d’une barbarie sans nom chaque fois qu’ils se trouvent dans des situations analogues. L’Allemagne et le japon sont encore aujourd’hui subordonnés à des conditions imposées par les Alliés en 1945. Quand ceux-ci ont mis un terme à la guerre ils l’ont fait dans des conditions épouvantables pour les civils allemands et japonais. Pourtant personne de sensé ne doute aujourd’hui que les Alliés défendaient une juste cause. Ils ont occupé l’Allemagne pendant des décennies, et n’ont mis fin à cette occupation qu’après avoir acquis la certitude que l’Allemagne ne constituait plus un danger.

Gideon Levy suggère que la paix soit imposée de l’extérieur alors que cette doctrine s’avère d’une inefficacité patente, particulièrement ces temps-ci. Pour ma part j’ai la conviction qu’Israël fera le moment venu les concessions qui s’imposeront. Non pas sous la pression de puissances étrangères ni sous l’impulsion d’un homme providentiel, mais poussé par le bon sens du peuple israélien.

La dialectique de Gideon Levy est d’une simplicité biblique : quand les palestiniens commettent des crimes c’est parce qu’Israël les y accule. Ils ne sont donc jamais coupables de rien, tout comme l’enfant qui assassine ses parents et puis en appelle à la clémence du juge en tant qu’orphelin . Gideon Levy absoud le camp palestinien de tout, puisque la cause est toujours bonne dès lors que l’on est sous occupation. Il omet de rappeler que le monde arabo-musulman est pour quelque chose dans l’enlisement de cette occupation, et surtout des évènements 1967 qui en sont l’origine.

Gideon Levy est pris d’autisme lorsqu’il est reçu et acclamé de par le monde par des ennemis d’Israël qui camouflent à peine leur antisémitisme, rebaptisé antisionisme pour la circonstance. Il est vrai qu’il ne sympathise pas avec les islamistes, mais il n’en reste pas moins que sa dialectique les sert abondamment dans leur acharnement contre Israël.

Mon propos n’est pas de faire changer d’avis Gideon Levy, mais bien d’attirer l’attention de ceux qui l’écoutent sur le caractère unilatéral de sa critique. Il le reconnait d’ailleurs lui-même d’une certaine manière, parce que quand on lui reproche son peu d’empathie pour ses concitoyens qui souffrent, il répond qu’il y a bien assez de monde pour s’en soucier, et que pour sa part il préfère se pencher sur le sort de l’autre camp. La démocratie israélienne, c’est aussi ça.

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