Régis Debray ou le combat de trop

Régis Debray est un inlassable combattant pour la justice. Quand il était jeune il est parti en Bolivie faire la révolution aux côté de Che Guevara, qui pensait qu’en allumant des foyers révolutionnaires un peu partout dans le monde on finirait par venir à bout de l’hégémonie américaine. Cela n’a pas vraiment réussi, mais l’important était de participer.

Beaucoup de temps s’est écoulé depuis, mais le tenace, le vigilant, l’ardent Régis Debray demeure paré pour combattre l’injustice quel que soit l’endroit du monde où elle se manifeste. Ces temps-ci il a trouvé un adversaire à sa mesure, autrement puissant que le régime bolivien qu’il combattit naguère. Le danger contre lequel il nous met en garde dans son dernier ouvrage au moyen de sa belle plume rappelle par certains aspects celui que mentionne déjà une chronique vielle de 2500 ans, appelée « Esther »: « un peuple dispersé et à part parmi les peuples, ayant des lois différentes de celles de tous les peuples et n’observant point les lois du roi. Il n’est pas dans l’intérêt du roi de le laisser en repos ».

L’avantage du nouvel engagement de Régis Debray, c’est qu’il n’est nullement obligé de voyager pour combattre. L’adversaire est à sa porte, mais aussi aux portes de tous les hommes de mauvaise volonté. Comme rien de ce qui est humain ne saurait être étranger à Régis Debray, son combat vise à ramener dans le droit chemin ceux qu’il caractérise comme des « fanatiques ». Tâche ardue, parce que le magma qu’il pourfend est multiforme, multiculturel, multiethnique et caméléonesque. Certains de ces individus peuvent même être des amis. Mais une majorité de quinze millions de conjurés qui encerclent une minorité de sept milliards d’assiégés est une affaire trop sérieuse pour qu’un intellectuel du format de Régis Debray s’en détourne.

La horde en question se perpétue au moyen de la pensée, ce qui fait qu’au moindre génocide elle renaît de plus belle. A l’occasion elle fait fleurir le désert, et depuis des millénaires pérennise le livre le plus grandiose jamais écrit. Régis Debray pense qu’il faut réagir, d’autant plus que cette tribu s’est mise à riposter quand elle est attaquée, alors que traditionnellement elle subissait. Cette engeance sera difficile à défaire, parce qu’elle se dissimule maintenant dans un pays expressément si petit qu’on ne le trouve même pas sur la carte.

Régis Debray nous invite à faire entendre raison à ce peuple avant qu’il s’avère que Régis Debray se trompe sur toute la ligne, et qu’il n’y comprend rien, comme dit Claude Lanzmann, réalisateur de l’inoubliable « Shoah ».

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