Je suis honoré d’être accueilli à Jérusalem par son Université qui est l’une des sources du progrès dans le monde.
Laissez-moi d’abord vous dire ceci. J’ai, dans mon discours du Caire d’il y a un an, commis une maladresse que j’aimerais rectifier. Dans ce qui pouvait apparaître comme une association d’idées douteuse, j’ai énuméré la Shoah et le malheur du peuple palestinien dans un même souffle. J’aimerais vous dire avec force que quelle que soit la souffrance du peuple palestinien, elle ne peut en aucun cas se comparer à la Shoah. Ayant visité aujourd’hui même le Mémorial de Yad Vashem je ne brandirai pas d’arguments pour étayer cette dissemblance, parce qu’ils m’apparaissent comme tellement évidents que la décence même m’interdit de les évoquer.
Il va de soi que non seulement ces choses ne se comparent pas, mais que ni israéliens ni juifs ne peuvent être tenus pour responsables du drame palestinien. Celui-ci est la conséquence du refus historique des nations arabes de reconnaître à Israël le droit à l’existence en 1948. C’est cela, et cela uniquement, qui a entravé l’instauration d’une paix juste et durable tout au long de six décennies de larmes et de sang. C’est donc cela, et cela d’abord, qui doit être réparé.
Il est intolérable que des régimes arabes conditionnent la reconnaissance de l’Etat d’Israël à la solution du problème palestinien, alors que ce refus de reconnaissance en est justement la cause première. C’est de ce cercle vicieux qu’il faut sortir, or je pense qu’il y a moyen de le faire de manière pacifique.
Dès mon accession à la Présidence des Etats-Unis j’ai mis le conflit israélo-arabe en tête de mes priorités en pensant que la clé du problème consistait à mettre fin à l’occupation de terres conquises par Israël lors de la Guerre des Six-Jours en 1967. J’étais tellement soucieux de ressusciter le processus de paix que j’ai perdu de vue une donnée historique fondamentale : j’ai omis de prendre en compte que le monde arabe voulait déjà liquider Israël à une époque où les israéliens n’occupaient aucune terre arabe selon les critères mêmes de la Communauté Internationale.
En préparant mes dossiers mes collaborateurs m’ont signalé que l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) fut créée en 1964, soit trois ans avant la Guerre des Six-jours. Je leur ai demandé ce que l’OLP voulait libérer en 1964. Ils m’ont dit que c’était Tel-Aviv, Haïfa et l’Etat d’Israël tout entier que le monde arabe voulait nettoyer ethniquement de ses juifs. Le problème n’était donc pas territorial, or je constate qu’il ne l’est toujours pas de nos jours puisque la majeure partie des nations qui contestaient le droit à l’existence à Israël sont encore toujours sur cette ligne.
Je dois admettre que j’ai commis une faute politique en considérant la construction juive en Judée-Samarie comme centrale. Il m’est apparu que si dans les conditions géopolitiques actuelles Israël retournait aux frontières de 1967 ce ne serait que régresser à la situation antérieure, qui était un état de guerre larvé mais permanent entre Israël et ses voisins. Parmi ces ennemis il y a en outre aujourd’hui le régime iranien qui s’est ajouté et qui suggère d’effacer l’Etat d’Israël de la carte.
Au bout d’une analyse fine je suis venu à la conclusion que la solution ne résidait ni dans les mains des israéliens, ni dans celles des palestiniens, ni dans celles des américains, mais très logiquement dans les mains de ceux qui sont à l’origine du conflit, c’est-à-dire le monde arabe dans son ensemble. C’est à celui-ci que je m’adresse aujourd’hui.
J’appelle solennellement les nations arabes à reconnaître sans délai l’Etat d’Israël ainsi que l’ont déjà fait la Jordanie et l’Egypte. Je les invite à nouer des relations diplomatiques, à ouvrir leurs espaces aériens, à promouvoir les échanges commerciaux et à normaliser leurs relations avec Israël dans l’acception la plus large du terme. Suite à cela je ne doute pas qu’Israël mettra tout en oeuvre pour établir un climat de bon voisinage avec le futur Etat palestinien.
J’espère de tout cœur que mon appel trouvera un écho chez les dirigeants arabes, et qu’ils comprendront que la responsabilité d’instaurer la paix au Moyen-Orient leur incombe. Puissent-ils faire preuve de sagesse et de courage en s’inspirant du geste fort que fut le voyage à Jérusalem du regretté Anouar el-Sadate.