L’Etat d’Israël a-t-il le droit de se défendre du boycott de soi-même?

Une loi vient d’être adoptée à la Knesset, qui prévoit des sanctions en cas d’appel au boycott économique, culturel ou intellectuel de personnes ou d’institutions en Israël ou en Cisjordanie.

Cette loi va être difficile à mettre en œuvre. Certaines ONG ont déjà fait appel à la Cour Suprême afin qu’elle en vérifie la conformité. Il se peut qu’après examen la loi soit invalidée au motif qu’elle constitue une atteinte à la liberté d’expression et au droit de manifester. Mais quoi qu’il en soit, elle soulève des questions de fond concernant la démocratie et son fonctionnement, ceci aussi bien du côté des partisans que des détracteurs de la loi.

En considérant les tenants du boycott on peut s’interroger sur l’aspect moral qui consiste à récuser son propre pays. On peut aussi s’interroger sur le refus d’artistes et d’enseignants de se produire alors qu’ils sont payés par l’Etat et donc par les contribuables auxquels ils refusent leurs prestations. Mais les boycotteurs prétendent ne revendiquer que le droit d’exprimer des opinions politiques. Tout en appelant au boycott ils sont d’avis qu’ils exercent une prérogative compatible avec la démocratie.

Les adversaires du boycott soulèvent quant à eux la question des limites de la liberté d’expression, même quant celle-ci elle est réputée être totale. Certaines de ces limites relèvent du bon sens, mais d’autres sont bel et bien imposées par la loi dans la plupart des pays démocratiques. La preuve en est que l’apologie du racisme, de l’homophobie, du négationnisme, de la misogynie ou du nazisme constituent des délits, en contradiction apparente avec la liberté d’expression.

L’appel au boycott de certaines ONG peut donc en soi constituer un déni de démocratie, parce que cela revient à tenter d’imposer ses objectifs autrement qu’au moyen du débat politique. En clair cela signifie que faute de pouvoir peser d’un poids suffisant par les urnes, cette frange fait appel à des forces étrangères pour pallier à l’électorat qui lui fait défaut. Ce qu’elle n’obtient pas par le jeu démocratique, elle cherche à l’obtenir par une pression de l’extérieur, parfois par des régimes hostiles à Israël. Les initiatives de mouvements tels JCall et Jstreet – par ailleurs bien intentionnés – relèvent elles aussi d’une démarche consistant à combattre l’opinion majoritaire israélienne par une solution imposée de l’extérieur. Certaines ONG israéliennes font par ailleurs uniquement appel à l’étranger pour financer leurs activités, ne trouvant pratiquement pas de support dans l’opinion publique israélienne elle-même.

La gauche israélienne s’oppose à la loi anti-boycott mais peine depuis de nombreuses années à s’imposer sur l’échiquier politique et cherche à se faire entendre à l’occasion de la controverse. Depuis les accords d’Oslo, censés paver le chemin de la paix, la stratégie de la gauche s’est effondrée et son message est devenu inaudible. Les massacres de civils israéliens lors de l’Intifada, le double langage du leadership palestinien, l’islamisme et l’antisémitisme comme idéologie palestinienne, et finalement le rejet des palestiniens du plan Clinton qui leur donnait pourtant satisfaction sur l’essentiel, tout cela a laminé la gauche israélienne et confirmé aux yeux de l’opinion publique qu’elle avait fait fausse route. Non pas par rapport à son désir de paix, sincère à n’en pas douter, mais à son pacifisme à tout crin qui a ouvert une brèche aux éléments les plus irréductibles parmi les palestiniens, qui se sont engouffrés par la violence dans ce qu’ils percevaient comme une manifestation de faiblesse.

Depuis les accords d’Oslo les palestiniens n’ont eu de cesse que de préparer la guerre, alors que les israéliens attendaient la paix. Dix-huit ans plus tard, les terroristes du Hezbollah, le Hamas et d’autres groupes violents soutenus par des Etats-voyous ont plus que jamais pour objectif la liquidation d’Israël. A côté de cela stagne une Autorité Palestinienne certes non-violente, mais chétive et tétanisée, incapable de parler vrai à son peuple et de pratiquer le virage idéologique qui ouvrirait la voie à la fin du conflit.

La loi contre le boycott est sans doute moralement fondée, mais il est peut-être préférable de ne pas légiférer sous peine de crouler sous une bureaucratie qui pourrait faire plus de tort que de bien. Cette loi est par ailleurs l’occasion pour des groupuscules qui ne représentent pas grand-chose de faire entendre leur voix, à laquelle peu de monde prête attention en Israël en temps normal.

Si cette loi était abrogée par la Cour Suprême alors il ne resterait plus qu’aux israéliens à boycotter les boycotteurs, et on verrait bien qui des uns ou des autres sont les plus légitimes dans la seule démocratie du Moyen-Orient.

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