L’écrivain israélien A.B. Yehoshua connaît une certaine notoriété à travers le monde grâce aux nombreuses traductions de son œuvre et au prix Médicis qu’il vient de recevoir. C’est un intellectuel de gauche connu pour ses prises de opinions pacifistes.
Il vient d’accorder un entretien au quotidien italien « La Repubblica » pour commenter l’opération israélienne « Pilier de Défense » à Gaza. L’évolution de sa pensée par rapport à ses prise de positions antérieures est frappante. Il dit que « le temps est venu pour Israël d’admettre que Gaza est un ennemi et doit être traité comme tel. Les Israéliens pensent aujourd’hui qu’un retrait complet de Cisjordanie aurait les mêmes conséquences qu’à Gaza et laisserait Jérusalem et Tel Aviv à la merci des roquettes. »
Ce qu’avance Yehoshua ne relève pas de la stratégie, mais aborde au contraire le fond du conflit. D’une manière paradoxale il propose une mise à niveau du Hamas en estimant que ce mouvement n’est pas une organisation terroriste, mais un gouvernement au plein sens du terme, et donc comptable de ses actes vis-à-vis de ses voisins et de la communauté internationale. En élevant le Hamas du rang de bande d’illuminés à celui de régime politique Yehoshua suggère de réévaluer les options d’Israël face aux agressions de Gaza. Vu sous cet angle Israël n’est plus confronté à des voyous, mais à un Etat-voyou. Yehoshua pense donc que le problème ne doit plus être envisagé dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, mais dans celui de la guerre contre l’axe Iran – Gaza qui a juré la perte d’Israël.
Le conflit israélo-palestinien est trop complexe pour être réduit à la seule dimension du Hamas, mais il ne fait aucun doute que ses dirigeants ont manqué de bon sens après le départ des israéliens en 2005. C’est une illustration frappante de l’adage qui veut que les palestiniens ne ratent jamais l’occasion de rater une occasion.
Israël a évacué Gaza en espérant que cela entraînerait un cercle vertueux articulé sur le développement économique. Des responsables palestiniens avaient à l’époque exprimé leur soulagement en voyant les israéliens partir et assurèrent que Gaza s’avèrerait un « miracle économique », un « Singapour du Moyen Orient » et « un cas d’école pour le monde entier ». Des projets grandioses furent évoqués. Réseau routier, port en eau profonde, centrale électrique, système d’égouts, aéroport, hôtels de tourisme, toutes ambitions auxquelles les places financières ne manqueraient pas de s’associer.
Au lieu de s’activer dans ce sens, des sommes considérables furent englouties avec pour seul objectif de s’attaquer aux civils d’Israël sans le moindre début de raison. Les israéliens de leur côté investirent des moyens colossaux dans la seule arme que l’on puisse qualifier de noble: des batteries anti-missiles qui pulvérisent des roquettes en plein vol mais épargnent les gazaouis à proximité des rampes de lancement.
A Gaza il y a des opprimés et des oppresseurs. Les opprimés sont palestiniens, mais les oppresseurs aussi. Le petit peuple n’a pas droit au chapitre, mais n’est pas dupe de la propagande, et sait parfaitement que si le Hamas cessait de lancer des roquettes sur Israël le calme reviendrait à Gaza. Mais le Hamas n’a que faire du petit peuple et préfère entretenir le mirage de la future liquidation de l’Etat Juif.
La poursuite des bombardements par le Hamas ne fait que renforcer l’opinion publique israélienne dans l’idée que si Israël évacuait la Cisjordanie, le scénario de Gaza s’y reproduirait. Dans ces conditions la partie la plus densément peuplée du pays serait à un jet de pierre du Hamas. Quant à l’Autorité palestinienne, supposée être l’interlocuteur d’Israël, elle refuse de s’asseoir à la table de négociation avec Israël, sans doute parce qu’elle craint que la paix ne la prive de la guerre.