L’admission de la Palestine au statut d’Etat observateur aux Nations-Unies est une victoire diplomatique pour l’Autorité Palestinienne. Mais les effets secondaires sont tels que cette avancée pourrait constituer un recul pour le processus de paix. Du point de vue de la communauté internationale il n’y a là aucun changement de fond, puisque l’ONU avait déjà adopté en 1947 le principe de deux Etats en Palestine, l’un juif et l’autre arabe. Mais du point de vue israélien cette initiative renforce l’impression que les palestiniens ne veulent en aucun cas entendre parler de fin du conflit, qu’il s’agisse des modérés ou des partisans de la violence.
Même si Israël acceptait de faire certaines des concessions que réclament les palestiniens, cela ne pourrait s’accomplir qu’au moyen de négociations directes. Il n’en est cependant pas question pour l’Autorité Palestinienne, tétanisée comme elle l’est par l’idée même de négocier, parce que ce qu’elle craint par-dessus tout, c’est qu’Israël lui propose un arrangement acceptable.
Il est vrai que certains dirigeants palestiniens désirent être perçus comme œuvrant pour l’amélioration du sort de leur peuple, et qu’ils sont même disposés à faire des efforts dans ce sens. Le problème est qu’ils ne veulent en aucun cas payer ce qu’ils considèrent comme le prix ultime, qui serait de mettre un terme au conflit. Toute la stratégie arabe en la matière consiste depuis les origines à ne jamais aller au-delà d’un cessez-le-feu, de manière à ne jamais reconnaître le droit de l’Etat Juif à l’existence.
Qu’il s’agisse de l’armistice de 1948 ou de l’arrêt récent des bombardements du Hamas, les palestiniens ne considèrent les cessations d’hostilités que comme des pauses de guerre, qui elle doit continuer à tout prix jusqu’à la liquidation d’Israël. Les accords d’Oslo, censés paver la route de la paix, n’ont été pour les palestiniens que l’occasion de préparer l’Intifada , consistant à enterrer toute perspective de paix sous des milliers de juifs explosés dans des autobus ou des lieux publics, en Israël ou ailleurs. Même après sa déroute de la Guerre des Six-Jours en 1967, le monde arabe a adopté la résolution dite des « Trois Non « : Non à la paix avec Israël, non à la reconnaissance d’Israël, non à la négociation avec Israël.
Nous en sommes, au fond, toujours là.
Le gel des constructions israéliennes en Cisjordanie est une condition que pose l’Autorité Palestinienne pour revenir à la table de négociations, mais c’est un non-sens complet. D’une part la seule manière de déterminer où se situe la frontière entre Israël et la Palestine consiste à en débattre entre les principaux intéressés; d’autre part le gouvernement israélien a gelé les constructions pendant dix mois en 2010 sans que l’Autorité palestinienne ne se manifeste, ce qui démontre à quel point les palestiniens sont empêtrés dans leur marasme.
Cela va faire quatre ans que le gouvernement israélien actuel est au pouvoir, or si l’Autorité Palestinienne s’était mise à table dès le début, les contours de la Palestine auraient peut-être été définis et la question résolue, ou au contraire, du point de vue palestinien, la mauvaise foi d’Israël démontrée. Quoi qu’il en soit, l’obsession de l’élimination d’Israël aboutit à une réalité sur le terrain qui consiste à ce que les palestiniens préfèrent laisser Israël continuer à construire sur ce qu’ils considèrent comme leurs terres, plutôt que d’arrêter ces constructions par des frontières mutuellement consenties.
Quand il s’est avéré il y a plus de trente ans que le Président Sadate était sérieux dans son désir d’aboutir, Israël a restitué le Sinaï à l’Egypte. Nul ne peut prédire aujourd’hui sur quoi de véritables pourparlers entre israéliens et palestiniens pourraient déboucher, mais l’Histoire démontre qu’Israël a su faire les gestes qu’il fallait quand la paix était à la clé. Quoi qu’il soit, et même si les positions semblent inconciliables, seul un face-à-face serait à même de le démentir et de déclencher une dynamique où les deux côtés se dépasseraient sous l’effet d’un moment de grâce, ou chacun pourrait donner plus qu’il ne l’avait envisagé au départ.
Jabotinsky, intellectuel et figure majeure du sionisme disait en 1923 à peu près ceci dans son manifeste « La Muraille d’acier » : « Notre credo est pacifique, mais c’est une autre question que de savoir si nos objectifs peuvent être atteints pacifiquement. Cela ne dépend pas de nos relation avec les Arabes, mais de la relation des Arabes au sionisme. Tant qu’ils auront la moindre illusion qu’ils peuvent se débarrasser de nous, ils n’y renonceront pas. Ce n’est que quand aucune brèche n’apparaîtra de notre côté que les extrémistes arabes perdront leur ascendant. C’est alors, et alors seulement, que les modérés seront disposés à discuter avec nous. Dans ces conditions, et dans ces conditions seulement, les deux peuples pourront vivre en bon voisinage et en paix. »
Près d’un siècle plus tard cette doctrine n’a pas pris une ride.