Obama ou l’art de se défiler

Le Président des Etats-Unis Barack Obama semble ne rien comprendre au Moyen-Orient. Lors de son premier mandat il a réussi le tour de force de ne pas visiter Israël – l’allié le plus proche et le plus sûr des Etats-Unis – mais s’est précipité en Egypte pour soutenir Moubarak, après quoi il a été le premier à le laisser tomber quand le vent a tourné. Quand Obama a fini par venir en Israël lors de son deuxième mandat, il n’a pas voulu s’adresser aux députés de la Knesset – seul vrai Parlement de la seule vraie démocratie du Moyen-Orient – mais a choisi de parler directement aux israéliens afin de dénigrer leurs représentants comme si Israël était un de ces pays méditerranéens en quête de printemps.

Que les opinions publiques des Etats-Unis en particulier ou du monde libre en général rechignent à s’attaquer à la Syrie et à s’immiscer ainsi dans les affaires intérieures d’un pays souverain est une position respectable. Il faut reconnaitre que les interventions en Afghanistan, en Irak et en Libye ne semblent pour le moment pas avoir contenu le terrorisme international ni amélioré le sort des populations locales, pas plus qu’elles n’ont installé de démocratie crédible. Mais faute d’avoir des solutions pour les zones de conflit, le monde libre devrait s’abstenir d’envenimer la situation par des ultimatums sans effets contre des dictatures qui ne sont pas forcément pires que leurs opposants. Pour le moment les fanfaronnades d’Obama contre la Syrie n’ont réussi qu’à susciter un bruit de bottes dans cette région malade, où les remèdes sont parfois pires que la maladie.

L’interdiction des armes chimiques a été décrétée une première fois en 1925 à l’occasion du « Protocole de Genève ». Mais quelques années plus tard il y eut la Deuxième Guerre Mondiale, qui sans armes chimiques a néanmoins occasionné cinquante millions de morts, avec pour apothéose le rasage  des villes d’Hiroshima et de Nagasaki au moyen de la bombe atomique. En 1993 le « Protocole de Genève » a été consolidé par un nouvel accord international, à savoir la « Convention sur les Armes Chimiques ». Mais à peine un an plus tard le génocide du Rwanda a fauché  huit cent mille êtres humains à coups de machette. Au lieu de compter les morts, l’ONU envisage peut-être maintenant de réunir une conférence internationale pour délibérer d’une « Convention sur les Machettes » afin de prévenir d’autres génocides.

La question que pose le conflit en Syrie n’est pas celle de l’utilisation d’armes chimiques, mais bien celle du meurtre de civils, étant bien entendu que le droit d’ingérence suppose que les faits soient établis de manière irréfutable. Comme il semble que cette guerre ait causé à ce jour plus de cent mille morts par des moyens conventionnels, on ne voit pas au nom de quoi Obama a estimé devoir attendre que quelques victimes supplémentaires soient exterminées par des moyens chimiques. Les morts conventionnels seraient-ils moins morts que les morts chimiques?

En réalité il s’avère qu’Obama n’a jamais eu l’intention d’attaquer la Syrie autrement qu’au moyen de paroles creuses. Et si maintenant les syriens décidaient de détruire leurs stocks d’armes chimiques sous contrôle international, cela changerait quoi ? Recevraient-ils une reconduction du permis de tuer tel qu’il existe actuellement ? La question de fond, qui est celle de la liquidation de populations civiles serait-elle résolue, même partiellement ? Les millions de réfugiés qui ont fui les combats reprendraient-ils confiance et rentreraient-ils chez eux ? La vérité est que les seuls pays qui ont un rôle positif dans cette affaire sont certains voisins de la Syrie, dont Israël, qui apportent quotidiennement et en silence une aide humanitaire aux  victimes.

La Constitution américaine permet au Président de décider d’une opération militaire sans s’en référer aux représentants du peuple. L’esprit de cette disposition est d’éviter qu’en cas de crise des décisions de cette importance ne soient tributaires de calculs politiciens qui pourraient prendre le pas sur l’intérêt général. Il appartient donc au seul Président des Etats-Unis de prendre ses responsabilités, or c’est précisément ce dont Obama se défile. Il est maintenant obligé de tout mettre en œuvre pour emmener l’opinion publique à le suivre afin de ne pas perdre la face. Pour ce faire il se démène pour démontrer à quel point le régime syrien est criminel, mais cette rhétorique même le conduit à une impasse, parce que si Obama plaide la dangerosité extrême de Bachar Assad, alors ce n’est plus cohérent avec le plan annoncé, qui consiste à ne pas le renverser.

Il est probable que les iraniens tirent par rapport à leurs ambitions nucléaires des enseignements de la confusion d’Obama. Ce qui est sûr, c’est que ses rodomontades n’impressionnent plus personne malgré la formidable puissance des Etats-Unis. Dans le passé il est également  arrivé à Israël de considérer qu’il y avait en matière d’armements de destruction massive des lignes rouges que ses ennemis n’avaient pas intérêt à franchir. La différence c’est que les israéliens n’ont jamais jugé utile de le claironner haut et fort, mais le moment venu ils ont su agir avec discernement, de manière responsable et efficace. Il est probable que cette politique vient d’être renforcée en Israël grâce à un Président américain qui ne comprend rien – ou qui ne veut rien comprendre – au Moyen-Orient.

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