Il y a une douzaine d’années le sociologue Edgar Morin publiait une tribune cosignée par deux autres intellectuels[1] dans le journal « Le Monde ». Il s’agissait d’un brûlot intitulé « Israël-Palestine : le cancer », posant que les palestiniens avaient le droit pour eux dans tous les cas de figure. Mais au delà de ce postulat creux le texte était truffé de contrevérités, d’élucubrations et de mensonges visant à diaboliser Israël. Plus tard la revue « Controverse » publia une étude qui pulvérisait les sophismes de Morin.
Suite à cette tribune Avocats sans frontières et France-Israël engagèrent une procédure pour antisémitisme. Lors d’un premier procès les plaignants furent déboutés, mais plus tard la Cour d’Appel condamna Morin pour « diffamation raciale et apologie des actes de terrorisme ». Finalement la Cour de Cassation mit un terme aux poursuites en considérant que la tribune relevait de la liberté d’expression.
La gauche dont se réclame Morin n’a jamais réussi à éliminer l’antisémitisme dans ses rangs malgré un antiracisme de façade. Il dénonçait d’ailleurs lui-même dès 1959 dans son livre « Autocritique » le dévoiement du communisme et les raisons qui l’emmenèrent à s’en désolidariser. Il reconnaissait à quel point il s’était fourvoyé au cours de sa jeunesse par rapport à sa condition juive:
« Déjà avant guerre, j’avais peur de réagir en Juif aux événements politiques, et j’étais heureux de m’opposer, pacifiste, au « bellicisme » de la plupart des autres. Au cours de l’été 1940, je me disais : « Mieux vaut le salut de 40 millions de Français que celui de 500 000 Juifs. » Les premières mesures raciales me renforcèrent dans cette sorte d’acceptation attristée … « J’étais même prêt a accepter l’immolation des Juifs si le salut des autres Français était à ce prix – si la fatalité de l’Histoire l’exigeait.
Morin nous révélera-t-il un jour ce que la fatalité de l’Histoire exige d’Israël ?
[1] Sami Naïr, homme politique franco-algérien et Danièle Sallenave, écrivaine.