Précis de l’identité juive

Israël se définit comme Etat Juif, mais cette définition relève d’une identité, et non pas d’une religion. La religion juive est certes liée à la judéité, mais n’en est pas synonyme. Les Juifs étant un peuple, la judéité constitue l’ensemble de ce qu’on produit les Juifs, dont la religion. Il est vrai qu’en Israël celle-ci bénéficie de privilèges eu égard à l’Histoire, mais c’est également le cas de pays de tradition chrétienne comme le Royaume-Uni, la Norvège, le Danemark, l’Argentine ou la  Grèce, qui n’en sont pas pour autant des théocraties. La France quant à elle est dotée d’une loi séparant l’Eglise de l’Etat, mais cela n’empêche pas les jours fériés d’y être catholiques, ni la religion d’y jouir dans certains cas d’un statut officiel[1], ce qui fait que le clergé peut être payé par l’Etat et les évêques nommés par le Président la République.

De nos jours de nombreux Juifs à travers le monde sont athées tout en se revendiquant juifs à part entière.  Les ultra-religieux les appellent Apikorsim, référence à Epicure[2]. Mais alors que l’épicurisme a souvent une connotation péjorative, cette pensée est en réalité a l’opposé de l’acception courante, qui en est une caricature.

Epicure estimait que l’homme était autonome, maître de soi, de son corps, des ses actes et de ses pensées.  Quant au monde, il était soumis d’après lui aux seules lois de la Nature, qu’il se représentait comme un télescopage  d’atomes se combinant de manière aléatoire. Cette doctrine de l’absurde impliquait que l’aspiration au bonheur était la seule chose qui vaille.  Le bonheur ne consistait cependant pas pour Epicure à courir les plaisirs, mais plutôt à éviter la souffrance, à surmonter l’angoisse de la mort, à cultiver l’amitié, à se contenter des désirs naturels et nécessaires, et à ne pas hypothéquer la vie en escomptant l’immortalité. Epicure recevait indifféremment femmes, hommes et esclaves dans son Jardin[3], parce qu’il estimait que chacun était en mesure d’améliorer son sort en se cultivant. Il écartait par ailleurs toute idée d’intervention divine, et ne prétendait pas enseigner autre chose que ce que lui-même ne fût à même de comprendre. A noter que Maimonide[4] fait d’une certaine manière écho à cela en professant qu’on ne peut rien dire de Dieu[5], sauf qu’on ne peut rien en dire.

Les Apikorsim considèrent que la Thora[6] constitue un corpus dont chaque élément est imprégné par l’époque où il fut rédigé, ce qui en explique la diversité stylistique et l’hétérogénéité conceptuelle. Quoi que l’on en pense, il est établi que la tradition juive se nourrit de controverses, or  le Talmud[7] n’est rien d’autre qu’un gigantesque verbatim d’arguties et de palabres avec pour fil conducteur la raison.

Pour les Apikorsim ce n’est pas faire injure à la Thora que de la ranger parmi la littérature, pur produit de l’homme. Ils y  sont attachés autrement que les Juifs orthodoxes, fils spirituels des pharisiens. C’est ainsi qu’alors que les Apikorsim considèrent que la Thora fait partie du patrimoine de l’humanité, les orthodoxes estiment pour leur part qu’elle n’a de pertinence que pour les pratiquants. Les Apikorsim  adhèrent quant à eux à tout ce qui dans la Thora rejoint la pensée humaniste. Par exemple, ce qu’ils retiennent de la fête commémorant la Sortie d’Egypte[8], c’est le rejet de l’esclavage. Cette mise en évidence du droit à la liberté constitue d’ailleurs l’une des contributions les plus importantes du judaïsme à la civilisation occidentale.

La plupart des Juifs font circoncire leurs fils, célèbrent la bar-mitsva et se marient de manière rituelle tout en étant agnostiques. Beaucoup jeûnent à Yom Kippour et allument des bougies la veille de Shabbat en estimant contribuer ainsi à la continuité du judaïsme en tant que culture. L’adhésion au culte et la revendication de l’identité sont cependant deux démarches distinctes. Il est vrai que le peuple juif a une histoire particulière eu égard à la Diaspora, durant laquelle la religion a assuré la pérennité malgré l’éparpillement parmi les nations, mais à notre époque beaucoup délaissent la pratique, en particulier en Israël. C’était d’ailleurs déjà le cas pour la plupart des  pères fondateurs du sionisme,  qui revendiquaient d’autant plus leur identité qu’ils prenaient leurs distances par rapport à la religion.

Spinoza[9] avait estimé dès le dix-septième siècle que les Juifs avaient eu tort de se résigner à l’exil en attendant la venue du Messie, au lieu d’agir en vue d’une souveraineté nationale[10].  Mais tout en émettant cette idée il jugeait que seul un Etat laïque serait à même d’assurer la liberté intellectuelle et religieuse pour tous. C’est ce qui explique que Ben-Gourion,  Einstein et d’autres artisans de l’Etat juif étaient d’ardents spinozistes.  Ils considéraient d’ailleurs que leur maître à penser ayant été sioniste avant l’heure, il méritait qu’on lui fît une place dans le panthéon de la judéité après avoir été excommunié par la communauté juive d’Amsterdam.

En tant que penseur de la modernité, Spinoza considérait  que la Thora était avant tout un texte politique, posant en quelque sorte les fondements de la Constitution de la nation juive. Deux siècles plus tard, Moses Hess[11] affinait cette idée dans un ouvrage [12] où il développait les raisons en vertu desquelles il estimait que la finalité du judaïsme était la souveraineté nationale et non la pratique de la religion.

On ne peut parler d’identité juive sans évoquer en même temps l’antisémitisme, parce que cette parole circule à nouveau librement, en particulier en Europe, cette fois-ci  en imputant aux Juifs la responsabilité des troubles au Moyen-Orient. Selon une étude commanditée par l’Anti-Defamation League, un quart de la population mondiale nourrirait actuellement des sentiments antisémites. Il apparaît entre autres que l’idée que ce phénomène serait lié au conflit israélo- palestinien est un mythe. La Hongrie figure parmi les nations les plus antisémites du monde, mais il n’y dans ce pays ni arabes ni musulmans, ou presque[13].

Ni la Renaissance, ni les Lumières, ni la Révolution Française ni le Socialisme ne sont venus à bout de l’identité juive, qui renaît de plus belle depuis la création de l’Etat d’Israël. Après être sortis des ghettos au dix-neuvième siècle, la rapidité avec laquelle les Juifs ont rallié l’élite intellectuelle, artistique, scientifique et politique a suscité une perplexité durable dans le monde entier.

L’antisémitisme se présente à première vue comme un rejet du Juif, mais si les Juifs n’existaient pas il est clair que les antisémites les inventeraient. En réalité l’antisémitisme est une doctrine du rejet de l’Autre quel qu’il soit. Les Juifs d’abord, les autres ensuite. Les islamistes ont intégré cela depuis longtemps, qui ont fait du rejet une religion.

A bon entendeur salut.

[1] Concordat D’Alsace-Moselle

[2] Philosophe grec de l’antiquité que l’on oppose souvent à Platon.

[3] Référence à l’école de philosophie d’Epicure.

[4] Penseur juif du douzième siècle et référence majeure du judaïsme.

[5] « Le Guide des Egarés », traité philosophique de Maïmonide.

[6] La Torah prise au sens large est une vaste collection de textes rédigés, recopiés, amendés, commentés et revus par de nombreux auteurs au fil de trois millénaires.

[7] Corpus de la Loi Orale

[8] Pâque juive

[9] Philosophe juif d’Amsterdam d’origine marrane.

[10] Traité Théologico-Politique chapitre III

[11] Philosophe allemand proche de Marx et théoricien du sionisme

[12] Rome et Jérusalem

[13] L’on dénombre 0.2 % de musulmans en Hongrie, à comparer à près de 10 % en France, soit cinquante fois plus.

ISIS et HAMAS, même combat

Mehdi Nemmouche est un Djihadiste français arrêté à Marseille il y a quelques mois, puis extradé vers la Belgique pour répondre du meurtre de quatre personnes liquidées au hasard au Musée Juif de Bruxelles. Mohammed Merah quant à lui est un autre Djihadiste français qui a descendu sept personnes à bout portant à Toulouse et à Montauban. Ces assassins ne sont pas de cas isolés, mais participent au contraire d’une pandémie. Ils n’ont pas tué sur un coup de folie ou à l’occasion d’une échauffourée, mais  ont prémédité leur massacre de manière réfléchie, forts de leur conviction que bien qu’innocentes, leurs victimes ne méritaient pas de vivre.

Le Hamas n’est qu’une variante de cette peste islamiste qui déferle sur le monde arabo-musulman pour le précipiter dans les abysses. L’extrême-gauche qui en France s’attaque à Israël est tellement obnubilée par son antisémitisme atavique qu’elle préfère se taire à propos des Djihadistes de Gaza qui rêvent d’un Califat, qui sous la direction du Prophète terrassera tous les infidèles de la planète. Si ces gauchistes à l’âme sensible étaient réellement préoccupées par la misère du monde, ils manifesteraient contre ce qui se passe en Syrie, en Iraq, au Yémen, au Soudan  ou dans les autres fournaises où des hommes brûlent des hommes pour la plus grande gloire  de Dieu. Cette extrême-gauche fatiguée qui accuse les Juifs de tous les pêchés d’Israël  est la même qui naguère soutenait Staline. Aujourd’hui ces nostalgiques du Goulag communient pour manifester en faveur de ce qu’il y a de pire au monde.  Cette gauche-là a de tous temps été bête et méchante, et maintenant ferme les yeux sur les crimes du Hamas, cette organisation qui persécute son propre peuple.  C’est une gauche qui n’a rien appris, rien compris, et tout trahi.

L’islamisme a ceci de nouveau que ce ne sont plus des éléments d’Orient qui viennent semer la terreur en Occident. De nos jours ce sont  des Français, des Belges ou des Britanniques qui assurent  le relais en adhérant à un Islam qui non seulement prône que la fin justifie les moyens, mais aussi que les moyens sont en eux-mêmes une fin. Cela signifie que des meurtriers comme Mehdi Nemmouche ou Mohammed Merah tuent parce que tuer est pour eux une valeur en soi. Il s’agit pour ces sous-fifres de l’islamisme moins de s’emparer du monde que de le quitter avec éclat. Ces fanatiques constituent une menace plus grande que tous les terrorismes qui ont sévi en Occident depuis la Deuxième Guerre Mondiale, parce que  tout comme les Nazis d’antan, les Djihadistes progressent dangereusement au cœur même du monde libre.

Alors que dans le passé il fallait que les  moudjahidines d’outre-mer bénéficient de complicités pour s’infiltrer en Europe, ils y sont aujourd’hui comme des poissons dans l’eau, parce qu’ils sont eux-mêmes Européens. Nombre d’entre eux rallient les forces armées de  l’ISIS, ce monstre qui se répand au Moyen-Orient en saccageant tout  sur son passage. Ces volontaires venu d’Europe s’initier au Djihad apprennent à tuer, et puis rentrent au bercail pour semer la mort à domicile. Les cas de Mehdi Nemmouche et de Mohammed Merah sont donc peut-être des signes avant-coureurs d’un Tsunami terroriste. Il doit déjà y avoir déjà des milliers  de tueurs qui une fois rapatriés  en Europe commettront volontiers des attentats qui pourraient être sans précédent par leur ampleur. Quand on pense qu’il a suffi en 2001 d’une douzaine de criminels équipés de canifs pour pulvériser deux gratte-ciels en plein New-York et y exterminer 3000 personnes, on frémit à l’idée de ce que des escadrons entier entraînés en Syrie et en Iraq pourraient entreprendre à leur retour en Europe.

On n’arrive pas toujours à se représenter comment ces barbares pourrait en pratique déstabiliser les nations développées. Comparées à elles ils ne représentent pas grand-chose en termes de force de frappe.  Mais les théoriciens du Djihad, tout comme leurs mentors nazis, ont compris qu’il fallait préparer le terrain en investissant d’abord les esprits, et ensuite les terres.  La diffusion d’une idéologie qui promet le paradis au ciel en échange de l’enfer sur terre se pratique au moyen de la parole, qui comme on le sait est libre dans le monde libre. Cependant il ne faut jamais oublier que le nazisme a commencé par une beuverie dans une brasserie de Munich pour finir par causer quelques années plus tard la guerre la plus dévastatrice de tous les temps.

Les attentats de Bruxelles, de Toulouse et de Montauban ont ravagé des familles juives, musulmanes et chrétiennes et démontrent par là même qu’ils ne visaient personne en particulier, mais tout le monde en général. Si l’Europe ne prend pas la mesure de ce fléau les choses n’en resteront pas là. Les Djihadistes ne savent que trop bien avec quelle facilité ils peuvent opérer dans un Etat de droit.

Pour parer à cela un premier pas dans la bonne direction serait pour l’Europe de se ranger résolument derrière l’Etat d’Israël et soutenir cette minuscule démocratie confrontée à une guerre dont on n’entend en Europe que les bruits de bottes.  Mais, comme va le dicton, il n’y a pire sourd que celui qui ne veut entendre.

Translate »