Quand des gauchistes s’embarquent en Méditerranée dans une flottille avec pour objectif de forcer le blocus de Gaza, ils doivent être considérés comme des lâches, et non pas comme des activistes cherchant à se rendre utile. Au lieu de s’attaquer aux fanatiques du Jihad – ce qui demanderait un vrai courage – ces héros de pacotille s’en prennent à l’Etat d’Israël alors que celui-ci se fait bombarder à longueur d’année par le Hamas et ses associés sans le moindre début de raison.
Le phénomène de l’antisémitisme de gauche n’est pas nouveau. Il y a en effet une tradition qui remonte aux origines mêmes du socialisme. Proudhon, figure majeure de la gauche libertaire et contemporain de Karl Marx, disait que «le Juif est l’ennemi du genre humain. Il faut renvoyer cette race en Asie ou l’exterminer… Par le fer, par le feu ou par l’expulsion il faut que le Juif disparaisse ».
Les chrétiens accusaient les Juifs d’avoir tué Dieu, mais certains socialistes ont fini par surenchérir en accusant les Juifs de vénérer le Dieu de l’Argent. Or comme l’argent et la propriété étaient d’après eux la cause de tous les maux, basculer vers l’antisémitisme coulait de source.
Michel Dreyfus [1] relève dans un ouvrage[2] qu’il y eut dès les origines du mouvement ouvrier un antisémitisme reprenant les stéréotypes du Juif exploiteur de la classe ouvrière, bourgeois capitaliste et cosmopolite, maître de l’argent et des banques avant de devenir celui de l’économie mondiale. Il cite des penseurs comme Charles Fourrier, Pierre Leroux, Alphonse Toussenel, Auguste Blanqui, Gustave Tridon, Auguste Chirac, recensement d’où il ressort que l’antisémitisme n’a jamais été le monopole d’une droite fascisante.
Michel Onfray [3] rappelle que cet antisémitisme-là se porte bien : « J’aimerais qu’on arrête, à gauche, d’être sur une position islamophile qui suppose un antisémitisme forcené. Il y a une tradition, à gauche, qui fait qu’on est islamophile par antisémitisme. Il y a dans l’histoire de la gauche, depuis la création d’Israël, une complaisance pour les gens qui veulent en finir avec Israël.
Michel Houellebecq [4] quant à lui estime que comme les écologistes « ne peuvent pas donner satisfaction aux musulmans sur tout, ils leur donnent au moins satisfaction sur le cas d’Israël en laissant tomber les Juifs »
Il est vrai que la gauche soutenait Israël lors de sa création en 1948, mais il y avait alors un consensus qui faisait que l’épopée sioniste était considérée en Occident comme un modèle de décolonisation réussie. A gauche comme à droite l’on estimait – à raison – que le sionisme en tant que mouvement de libération nationale avait démontré qu’après avoir chassé les colons anglais, les Palestiniens juifs avaient été capables de créer des institutions, un Etat de droit et une démocratie sur une portion de la Palestine, terroir ingrat, pauvre et dénué de richesses naturelles. Les Palestiniens arabes quant à eux avaient refusé le plan de partage de l’ONU, quitte à se lancer dans un combat ravageur pour eux-mêmes, mais avec l’espoir de s’emparer un jour de la totalité de la Palestine et d’en chasser les Juifs, quitte à végéter en attendant.
L’air du temps avait conduit L’URSS à figurer parmi les premiers à reconnaître l’Etat d’Israël, espérant que celui-ci rejoindrait le bloc communiste. Cependant au vu de la montée en puissance d’Israël et de ses affinités avec le monde libre, l’URSS a été prise de panique, craignant que ses visées sur le Moyen-Orient ne fussent compromises. Suite à l’intervention militaire franco-israélo-britannique en 1956 pour tenter de contrecarrer la nationalisation du Canal de Suez par l’Egypte, l’URSS se lança dans une intense campagne antisémite afin des gagner les faveurs du monde arabe.
De la Sibérie à Allemagne et de la Pologne à la Tchécoslovaquie, les régimes communistes se mirent à persécuter les Juifs sous prétexte de connivence avec Israël. Une grande partie de la gauche à travers le monde emboîta le pas à l’URSS en travestissant son antisémitisme endémique en antisionisme ouvert. Malgré ses divergences internes, le monde socialiste finit par se mettre à l’unisson pour déterminer que l’instabilité au Moyen-Orient était la faute aux Juifs, démontrant une fois de plus les vertus fédératrices de cette doctrine séculaire.
Il y en Israël une gauche qui peine à s’imposer dans le paysage politique. Certains sont tellement démunis face à la désaffection de l’opinion publique à leur égard qu’ils se tournent vers l’étranger pour y trouver une écoute attentionnée. C’est ainsi que faute de faire valoir son point de vue au parlement israélien, l’intelligentsia de gauche se tourne vers ses semblables en Europe afin que ceux-ci poussent leurs gouvernements à faire pression sur Israël, ceci sans tenir compte du sentiment de la majorité des israéliens.
Cette attitude est doublement indigne : d’abord parce que personne n’a le droit d’appeler à la rescousse l’étranger alors qu’il y a une démocratie crédible qui représente les forces vives de la nation ; ensuite parce que bien que ces intellectuels soient souvent de bonne foi, ils n’ont pas conscience que leurs équivalents à travers le monde sont tout sauf des amis des Juifs.
[1] Historien du mouvement ouvrier et du syndicalisme
[2] « L’Antisémitisme à gauche. Histoire d’un paradoxe de 1830 à nos jours », Editions La Découverte.
[3] Philosophe français auteur d’une monumentale « Contre-histoire de la Philosophie ».
[4] Ecrivain, poète, essayiste et romancier français.