La perte de virginité hors-mariage entre personnes consentantes est considérée comme une abomination dans certaines cultures. Le couple est en question est exposé au crime d’honneur, à la prison ou à la peine capitale. En revanche, dans le monde occidental, ce même acte ne peut même pas faire l’objet d’un procès-verbal dans un commissariat de quartier.
L’homosexualité est un délit condamné par les religions monothéistes, mais en Occident les homosexuels ont droit au mariage civil tout comme les hétérosexuels.
Ces exemples démontrent que la sexualité a perdu son caractère sacré dans le monde libre. Mais alors se pose la question de savoir comment il se fait que les délits sexuels soient jugés plus sévèrement que d’autres atteintes à l’intégrité physique. Il y a un paradoxe à ce que d’une part l’activité sexuelle soit le plaisir par excellence, et que d’autre part elle est sévèrement condamnée quand elle est contrainte. Le droit et la morale conventionnelle font une distinction radicale entre la notion de coups et blessures d’une part et celle d‘agression sexuelle d’autre part.
Il y a quelques années un jeune ministre israélien compétent et prometteur était invité à célébrer l’anniversaire d’une employée dans les locaux de son ministère. Il lui a demandé s’il pouvait l’embrasser, ce qu’elle a accepté, mais au lieu de la bise traditionnelle il lui a collé un baiser sur la bouche. Cela a eu pour conséquence la démission du ministre, sa vie privée jetée en pâture, des écoutes téléphoniques, un procès et sa carrière brisée.
Un journaliste de la télévision israélienne a révélé qu’il avait vécu un cauchemar après avoir passé une nuit avec une admiratrice, suite à quoi elle l’avait accusé d’avoir abusé d’elle. La vie du journaliste a basculé. Il a été arrêté, fait l’objet d’un lynchage médiatique et traîné dans la boue par une féministe notoire. Finalement le parquet a jugé qu’il n’y avait pas matière à inculpation et a rendu le journaliste à sa vie.
Cinq ans plus tard, il lutte toujours pour laver sa réputation parce que son dossier a été clos « faute de preuves », et non pas « faute de culpabilité », cette subtilité sémantique étant suffisante pour barrer la route à tout procès en diffamation. Mais même dans le cas où il s’avère qu’une personne a inventé de toutes pièces une agression sexuelle qu’elle aurait subie, l’attaquer en justice pour dénonciation calomnieuse est extrêmement difficile.
Ces temps-ci un chauffeur de taxi de Tel-Aviv refusait de prendre en charge une cliente parce qu’elle avait l’intention de fumer durant la course. Il l’a invitée à sortir du véhicule, mais comme celle-ci refusint d’obtempérer il a appelé la police. Elle s’est alors mise à s’administrer à elle-même des claques sonores et à hurler au téléphone que le chauffeur l’agressait sexuellement.
La police a accouru et a appréhendé le chauffeur. Ce que la cliente n’avait pas prévu, c’était que le taxi était équipé d’une caméra, et que la scène avait été filmée d’un bout à l’autre. Au vu de la vidéo la police a relâché le chauffeur. Mais que se serait-il passé sans la caméra ? Même si la bonne foi du chauffeur aurait été reconnue, ce n’aurait pu se faire qu’au bout d’un processus long et pénible pour lui et ses proches.
Dans le monde d’aujourd’hui une simple plainte pour attouchement non sollicité suffit pour déclencher une enquête. La présomption d’innocence est foulée aux pieds et le suspect peut voir sa vie ravagée même si au bout du compte il est blanchi. Des épisodes comme l’affaire d’Outreau et les tribulations de Dominique Strauss Khan démontrent qu’il arrive que l’appareil judiciaire perde sa sérénité quand il est confronté à ce genre d’affaire, en particulier quand les médias s’acharnent sur les présumés coupables.
Pour les mouvements néoféministes, le simple fait de porter plainte suffit pour croire la victime, et la Justice doit se contenter de moins de preuves que pour n’importe quel autre type de délit. C’est donc à l’accusé de prouver qu’il est innocent et non au tribunal de prouver qu’il est coupable. Il est vrai que s’adresser à la Justice peut être douloureux pour tout plaignant, mais pas quand la plainte est mensongère et qu’elle est fabriquée pour nuire.
Il arrive qu’une personne cède à des pressions à caractère sexuel de la part d’un détenteur de pouvoir. Mais dans le cas contraire, quand c’est la personne subordonnée qui cherche à séduire dans le but d’obtenir un avantage – le plus souvent financier – ce n’est pas considéré comme délit, alors que cela devrait relever de la corruption.
L’abus sexuel a été ignoré, nié ou même encouragé dans toutes les civilisations. Mais il ne faudrait pas tomber dans l’autre extrême, qui consisterait à donner à ce délit une place à part du seul fait qu’il s’agit de sexualité. Un simple coup de poing peut tuer, mais est n’est pas souvent puni de prison. Deux poids et deux mesures, donc.
Les délits sexuels peuvent avoir des effets ravageurs sur celles ou ceux qui en sont victimes. Il arrive que des vies en soient détruites . Mais au-delà de cette réalité il faudrait essayer de comprendre pourquoi la contrainte en matière sexuelle affecte si cruellement la psychologie humaine, alors que ce même contact est source de bonheur quand il est désiré ou consenti.
La question est de savoir s’il s’agit d’un phénomène culturel, ou bien de quelque chose de plus profond au niveau anthropologique, une terreur dont nous n’arrivons pas à saisir la véritable nature malgré la libération sexuelle.