Uri Avnery ou l’art de se tromper

Uri Avnery est un écrivain et journaliste israélien âgé de 93 ans.  Il a récemment publié sa biographie, qui couvre donc l’Histoire d’Israël sur près d’un siècle. Cet énergique intellectuel a été de tous les combats d’Israël, depuis l’adhésion à l’Irgoun jusqu’à son militantisme pacifiste, en passant par le journalisme d’investigation et ses mandats de député à la Knesset. Ce qui est intéressant c’est qu’en essayant de démontrer le bien-fondé de ses convictions il nous donne l’occasion de les réfuter au moyen de son propre récit. Cet homme reste actif malgré son grand âge, mais ce qui est plus actuel c’est que ses idées persistent chez une partie de la gauche israélienne.

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« Israël se situe en Asie. Notre espace naturel est arabo-musulman. Notre culture immémoriale est sémite et nous parlons une langue intimement liée à l’arabe, qui est à des années-lumière des langues européennes. J’avais la conviction que notre avenir était liée aux arabes et au continent Afro-asiatique. Si nous décidions de nous définir dans cet espace comme une bouture, comme une greffe sur un corps étranger, ce serait une calamité. Plus de soixante ans se sont écoulés depuis, mais je n’ai pas changé d’avis. »

Cette vision est une belle illustration de négation du réel. Quand le réel ne nous convient pas alors remplacons-le par une fiction, et alors tout redevient cohérent.

Dire que la culture immémoriale du Yishouv  était sémite est un outrage à l’Histoire. Pratiquement tous les pères fondateurs du sionisme étaient Ashkénazes, ainsi que la majorité des pionniers. Avnery parle l’hébreu avec un accent allemand, pratique l’anglais, est féru de littérature occidentale mais ne parle pas l’arabe. La culture britannique est d’ailleurs plus proche de son coeur que toute autre, et son rêve aurait été d’être gentleman anglais. Il s’est certes intéressé aux différentes ethnies de Palestine, mais indépendamment des sympathies qu’il ait pu éprouver à leur égard il n’a rien de commun avec le monde arabe. Contrairement aux aspirations personnelles d’Avnery, il faut garder à l’esprit que l’Etat d’Israël s’est dès le départ voulu une démocratie à l’occidentale, une nation de tradition juive, mais aussi héritière du Siècle des Lumières.

Que voulait donc Avnery ?

Qu’Israël se fonde dans un Moyen-Orient imaginaire au lieu de prendre acte de la réalité sur le terrain? Fallait-il que la nation israélienne en formation  qu’était le Yishouv se calque à tout prix sur ses voisins dans le seul but de s’intégrer? Renoncer à la démocratie,  à l’Etat de droit,  à l’égalité entre femmes et hommes,  à la liberté d’expression, au respect des cultes, à la protection sociale, au système de santé, à la libre circulation? Fallait-il qu’Israël laisse derrière soi ces acquis de la modernité au nom d’un hypothétique apaisement avec le monde arabo-musulman,  qui n’aurait d’ailleurs probablement jamais eu lieu si l’on considère le marasme d’alors qui n’a fait qu’empirer depuis? C’est cela que voulait Avnery ? Eviter la guerre entre Israël et ses voisins mais être mêlé aux conflits entre Arabes? S’allier aux Hachémites contre les Palestiniens ou aux Palestiniens contre les Hachémites? à l’Iraq contre l’Iran ou à l’Iran contre l’Iraq, à la Syrie contre le Liban ou au Liban contre la Syrie ? Aux Chrétiens contre les Musulmans ou aux Musulmans contre les Chrétiens? Aux Chiites contre les Sunnites aux Sunnites contre les Chiites ? Etc..?

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« C’est ainsi que cinq ou six ans avant l’avènement de l’Etat d’Israël j’en vins à conclure que celui-ci ne pourra se maintenir et se développer autrement qu’en faisant partie intégrante d’une entité régionale plus large. »

L’Histoire a démenti la prédiction d’Avnery sur toute la ligne. 67 ans après la Déclaration d’indépendance Israël est une démocratie certes perfectible, mais infiniment plus avancée que toutes les nations qui l’entourent. Contrairement à la prophétie d’Avnery, Israël s’est maintenu et développé sur tous les plans de manière exceptionnelle, alors que ses voisins se sont enfoncés dans un marasme dont on ne voit pas la fin. L’on pourrait opposer à cela qu’Israël a du faire face à des guerres à répétition, mais le fait est que ses voisins n’ont cessé de guerroyer entre eux ou d’être déchirés par la guerre civile, sans aucun lien avec le conflit israélo-arabe. Il faut faire preuve de beaucoup d’imagination pour estimer que si Israël avait été lié de manière organique à ses voisins il aurait échappé à l’embrasement de la région. Il est beaucoup plus logique de conclure que c’est justement parce qu’Israël relève d’un autre culture, d’une autre civilisation et d’autres alliances qu’il n’a pas été entraîné dans le chaos du Moyen-Orient.

La biographie d’Ury Avnery est certes l’histoire d’un homme de bonne volonté, mais qui s’est beaucoup trompé. Nul mieux que lui-même n’aurait pu le démontrer .

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