Le darwinisme est la théorie de l’évolution du vivant telle qu’elle a été développée au 19ème siècle par le naturaliste et paléontologue Charles Darwin. Depuis cette théorisation initiale elle a connu des variantes, mais a fini par être adoptée par la quasi-totalité de la communauté scientifique sous la forme du néo-darwinisme.
Le chapitre traitant du darwinisme dans l’Encyclopédie Hébraïque[1] est de la main de Yeshayahu Leibowitz[2], tout comme la préface de « De l’origine des espèces » de Darwin dans la version hébraïque. A la question « croyez-vous au darwinisme ? » Leibowitz répondait « Ce n’est pas que je croie à l’évolutionnisme, c’est que je le sais, exactement comme je sais qu’il y a un continent australien bien que je ne l’aie jamais vu[3] ».
Chaque individu au sein d’une même espèce peut différer l’un de l’autre par la couleur, la structure, la physiologie, le comportement ou d’autres propriétés. Cette différenciation est particulièrement frappante chez les espèces sexuées, ou il n’y pas d’individus identiques sauf chez les jumeaux monozygotes. C’est en sélectionnant les caractères héréditaires d’animaux domestiques et de végétaux de culture que les agriculteurs ont réussi à façonner leurs produits de manière à ce qu’ils correspondent à leurs exigences. Les chiens, par exemple, sont tous de la même espèce malgré les différences notables qui existent entre un pékinois et un Saint Bernard. C’est ainsi que Darwin est parvenu à déduire une loi de la Nature à partir de l’observation d’une activité humaine.
Dans la Nature les possibilités de reproduction dépassent de loin ce qui est nécessaire à la survie de l’espèce. Cependant les conditions d’explosion démographique sont rarement réunies parce que quand la nourriture ou l’espace vient à manquer, ce sont les individus les plus aptes à survivre qui l’emportent. Par exemple, des lapins surpris par un renard s’enfuiront dès son apparition, mais les plus lents seront rattrapés et dévorés. Leur lenteur relative ne sera donc pas transmise génétiquement, ce qui fait qu’au fil des générations les renards auront contribué à ce que les lapins courent de plus en vite, ce qui en retour peut affecter les renards eux-mêmes. C’est un des points de départ de la théorie de la « sélection naturelle ». Mais à partir de là le darwinisme a suscité des questions de plus en plus complexes, comme la mutation d’une espèce en une nouvelle espèce ou autres phénomènes biologiques telles que la question de savoir si des caractéristiques acquises peuvent être génétiquement transmissibles.
L’évolution des espèces est un fait qu’aucun biologiste ne peut ignorer. Des formes de vie d’aujourd’hui n’existaient pas naguère, et des formes de vie qui ont existé il y longtemps n’existent plus aujourd’hui. C’est une certitude. Cependant les théories évolutionnistes demeurent problématiques parce que nous ne comprenons toujours pas comment cela fonctionne au niveau génétique, et peut-être même que nous ne le comprendrons jamais si cela ressort de l’énigme de la vie elle-même.
Certains lycées n’incluent pas le darwinisme dans l’étude de la biologie, de la zoologie et de la botanique parce que des preneurs de décision du monde rabbinique y voient une hérésie, bien que la documentation sur le darwinisme figure parmi les manuels scolaires. Cette situation est intolérable, parce qu’extraire de l’enseignement une matière aussi essentielle que la théorie de l’évolution est une tromperie et un outrage à l’institution scolaire. Il est vrai que le darwinisme est une science qui a encore du chemin à parcourir, mais c’est à l’enseignant d’éclairer les élèves à propos de questions non résolues et aussi de les mettre en garde contre certaines déductions pseudo-philosophiques dérivées du darwinisme.
Mais se défiler ou faire silence à propos d’acquis scientifiques quels qu’ils soient relève de paresse intellectuelle et de bêtise. Cette attitude est nuisible au l’institution religieuse elle-même, parce qu’elle expose ses établissements à la risée. Cela risque de se retourner contre eux parce qu’il ne fait pas de doute que les élèves auront tôt ou tard accès aux sources en question, et qu’ils finiront par penser que la religion tente d’occulter ou de contrer la recherche scientifique. En plus il s’agit probablement d’une infraction au programme du Ministère de l’Education, qui exige d’inclure la théorie de l’évolution dans les examens de biologie[4].
[1] L’Encyclopédie universelle et hébraïque dont Yeshayahu Leibowitz a été le rédacteur en chef pendant vingt ans et a dirigé les 11 premiers tomes.
[2] Décédé en 1994. Professeur de biochimie, philosophie, neuropsychologie, chimie organique et neurologie, moraliste et érudit de la pensée juive.
[3] Leibowitz lors d’une interview avec le journal Yediot Aharonot en 1993
[4] Extrait d’une lettre de Leibowitz au Ministère de l’Education.