Israël n’a pas de religion d’Etat. Cette précision est importante, parce que n’est pas clair pour tout le monde. Cependant le fait est que la séparation entre Etat et religion n’est pas consommée en Israël. Il y a des raisons historiques à cela, mais cela ne signifie pas qu’il faille s’y résigner.
Une séparation radicale de l’Etat et de la religion serait de nature à promouvoir le sentiment d’égalité entre citoyens. Cela aurait des répercussions en profondeur sur des questions comme le service militaire, l’enseignement, le marché du travail et les minorités non-juives. Il s’agit d’une question à la fois philosophique et politique.
Philosophique, parce qu’il ne faut pas que l’Etat privilégie une spiritualité plutôt qu’une autre, étant donné qu’il n’y a aucun moyen de trancher en la matière.
Politique, parce que l’Etat est un mal nécessaire qui ne doit avoir d’autre fonction que celle de régler les rapports entre citoyens, et non pas de décréter des valeurs.
L’Etat d’Israël est un Etat laïque et doit continuer de l’être. C’était d’ailleurs l’intention de la plupart des pères fondateurs, parce qu’ils y ont vu la formule adéquate pour rallier tous les courants juifs en vue d’un même projet. Herzl, Ahad Ha’am, Ben Gourion, Bialik et Jabotinsky avaient ceci en commun qu’ils voyaient dans le projet sioniste un foyer pour le peuple juif, et non pas une théocratie. Le Rav Kook lui-même, guide spirituel du judaïsme orthodoxe et décisionnaire de Halakha reconnaissait le rôle de premier plan des sionistes laïques dans l’édification de l’Etat juif.
L’idée consisterait à mettre fin à tout lien organique entre Etat et religion. Les institutions religieuses devraient être financées par leurs fidèles ou sympathisants, et transformées en institutions à caractère privé. Cela ne signifie pas qu’il faudrait négliger la diffusion du judaïsme, bien au contraire : au lieu que ce soient les institutions religieuses les seules à prodiguer l’enseignement de nos grands textes, il faudrait favoriser la transmission du judaïsme dans l’éducation nationale et dans la vie culturelle.
Autre point : la Loi du Retour a pour vocation d’accorder la nationalité israélienne à tout Juif qui en exprime le désir. Cette loi a un caractère civil et non pas religieux, même s’il est vrai que les candidats doivent produire une attestation de judéité émis par un rabbin accrédité. Cependant le fait est que l’esprit de la Loi du Retour est que tout Juif est éligible pour l’Alyah, non pas parce qu’il pratique la religion juive, mais parce qu’il est d’ascendance juive par au moins un de ses quatre grands-parents.
Quand une personne faisant appel à la Loi du Retour ne dispose pas d’une attestation de judéité en bonne et due forme il se voit refuser l’Alyah. Il ne lui reste dans ces conditions qu’à entamer un processus de conversion au judaïsme et à s’engager à changer de mode de vie. Il y a là un paradoxe qu’il faut résoudre, parce que l’Etat d’Israël n’a pas vocation à demander à qui que ce soit de faire acte d’allégeance à quelle religion que ce soit.
Au lieu d’exiger de quelqu’un de se convertir à une religion à laquelle il ne croit pas, il faudrait lui donner la possibilité de se fondre au peuple juif de manière laïque. Une formation pourrait être envisagée de manière à ce qu’au bout du processus il pourrait bénéficier de la Loi du Retour et faire son Alyah en connaissance de cause.