Obama et la question juive

Il existe ce que j’appelle un « antisémitisme de basse intensité ». Il s’agit d’une sorte d’antipathie silencieuse, qui ne vise pas forcement à nuire aux Juifs, mais qui sous-tend l’exigence que ceux-ci ne soient ni trop visibles ni trop dérangeants. Cet antisémitisme-là est même capable de se muer en sympathie lorsque des Juifs sont dans le rôle de la victime.

Il y a aux Etats-Unis des congrégations afro-américaines  dirigées par des antisémites notoires comme les pasteurs Louis Farrakhan et Jeremiah Wright. Ce dernier  fut pendant vingt ans le mentor et guide spirituel du Président Barak Obama . Obama le cite 26 fois dans son autobiographie, et raconte qu’il lui a demandé de le marier et de baptiser ses enfants. Il a fini par le renier en 2008 à l’occasion de sa candidature à la présidence, sans doute parce que cela faisait mauvais effet auprès de l’électorat juif et évangéliste. Il n’empêche qu’aussi  longtemps qu’Obama était sénateur il a religieusement écouté les harangues antisémites de son pasteur sans jamais s’en formaliser. Quand on y ajoute l’hostilité manifeste d’Obama à Israël pendant sa présidence, il est difficile de ne pas établir de lien de cause à effet.

Obama relate dans son autobiographie l’épisode où  il rend visite aux vestiges du  camp de concentration de Buchenwald[1]. Il se souvient que cela avait eu pour lui « une signification politique forte [2]».  Il entend par là qu’il avait « envisagé » un voyage en Israël, mais qu’il y avait renoncé « par respect pour le souhait du gouvernement israélien de ne pas faire de la question palestinienne le point central de son discours ». En d’autres mots il prétend avoir été censuré par la seule démocratie de cette partie du monde.

Pour comprendre l’étendue de ce mensonge il faut se souvenir qu’Obama a réussi la prouesse de ne pas mettre les pieds en Israël au cours des quatre années de son premier mandat. Au lieu de cela il a « opté pour une visite de l’un des lieux emblématiques de l’Holocauste comme moyen de proclamer son engagement à Israël et au peuple juif. ». En clair il a préféré un pèlerinage là où les Juifs meurent plutôt que là où les Juifs sont vivants.

Quand, lors de son deuxième mandat, Obama s’est résolu à venir en Israël, il a choisi de prononcer son discours à Jérusalem devant un public acquis d’avance dans une banale salle de conférence.  Ceci en lieu et place de la Knesset[3], comme c’est l’usage chez les leaders du monde libre soucieux d’honorer la démocratie israélienne.

Obama qualifie dans son autobiographie la branche militaire du Hamas de « groupe de résistance palestinienne ». Résistance ? Dans son propre pays le Hamas figure sur la liste des organisations terroristes.

Autre passage d’une mauvaise foi inouïe et qui frise le négationnisme: « À l’école primaire, j’ai assisté en 1972 aux retransmissions des Jeux olympiques de Munich où des athlètes ont été massacrés par des hommes masqués » C’était qui, ces athlètes ? Des Martiens ? Et les « hommes masqués » ? D’autres extra-terrestres ? Non : ces  athlètes étaient des Juifs assassinés parce que Juifs, et les « hommes masqués » étaient des tueurs d’une mouvance palestinienne, mais Obama le passe totalement sous silence.

Obama n’est donc pas allé en Israël lors de son premier mandat, mais bien en Turquie et en Egypte.  Israël est pourtant situé entre ces deux pays, mais peut-être qu’Obama n’avait-il pas accumulé assez de « Miles » pour s’offrir  une escale à l’aéroport Ben Gourion.  Toujours est-il que lors de sa visite au Caire il a adressé son discours aux dignitaires du régime, parmi lesquels « quelques personnalités des Frères musulmans ».  Il leur a déclaré que « l’Amérique et l’islam se recoupent et se nourrissent de principes communs, à savoir la justice et le progrès, la tolérance et la dignité de chaque être humain.  L’Islam a une tradition de tolérance dont il est fier ». On ne saura jamais si c’était de l’humour.

Mais  là où Obama n’a pas essayé d’être drôle du tout, mais a au contraire réussi à être nauséabond, c’est quand, au cours de ce même discours, il a établi un parallèle entre le calvaire des Juifs de la Shoah et la peine des Palestiniens « en quête d’un territoire ».

Tout cela étant dit il faut bien reconnaître que quand Obama a fini par faire une visite d’Etat à Jérusalem, il a quand même déclaré qu’il était un ami d’Israël. A cela il faut ajouter qu’il est détenteur du prix Nobel de la Paix sur base d’une discrimination positive consistant à distinguer des personnalités qui n’ont strictement rien fait pour la paix.

C’est dans ces cas-là que l’on dit que quand on a des amis comme cela on n’a pas besoin d’ennemis.

[1] Camp de concentration nazi créé en 1937 en Allemagne libéré par les Américains en 1945.

[2] Tous les passages en italiques de l’article sont extraits de l’autobiographie d’Obama.

[3] Parlement israélien.

 

De Gaulle et les Juifs

Dès son arrivé au pouvoir en 1958 de Gaulle prit ses distances par rapport à Israël afin de resserrer les liens de la France avec le monde arabe. C’est donc tout naturellement qu’en 1967 il prit le parti du monde arabe après la défaite de celui-ci contre Israël lors de la Guerre des Six-Jours[1]. Il libéra du même coup la parole antisémite en qualifiant les Juifs de « peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur[2] » lors d’une mémorable conférence de presse. Plus tard il prévint même les Juifs qu’il ne tolèrerait pas de double allégeance de leur part: « notre sympathie pour les Juifs est indiscutable, mais faudrait-il encore que certains ne se sentent pas plus israéliens que français. Leur prise de position en faveur de l’État d’Israël est inadmissible. [3]»

Il ne fait pas de doute que dans l’esprit  de de Gaulle il en allait de l’intérêt de la France, mais il ne fait pas de doute non plus qu’exposer les Juifs à la menace de génocide en échange de pétrole arabe était tout aussi inadmissible.

Retour en arrière pour saisir le rapport aux Juifs de de Gaulle:

En 1945 la Haute Cour de Justice  condamne Pétain à mort, mais souhaite que la sentence ne soit pas exécutée « étant donné son grand âge ». De Gaulle, alors au pouvoir,  est un admirateur de Pétain, qu’il qualifie dans ses mémoires « d’homme d’exception ». Il a avec lui des affinités intellectuelles, culturelles, religieuses et politiques, malgré la  guerre qui les a opposés. De Gaulle s’empresse de suivre le tribunal et commue la sentence de mort en réclusion à perpétuité.

Mais de Gaulle  ne s’en tient pas là.  En 1951 il déclare qu’ «il est lamentable pour la France, au nom du passé et de la réconciliation nationale indispensable, qu’on laisse mourir en prison le dernier Maréchal »[4].  Suite à son intervention Pétain sort de prison et est installé dans une villa mise à sa disposition par des amis. Après sa mort il continue d’être l’objet d’hommages de la part de la Présidence de la République.

Il y a quelque chose de proprement incompréhensible et de moralement insoutenable quand on pense que bien que Pétain ait été condamné  pour haute trahison, il ne l’ait pas été pour crimes contre l’humanité, en dépit de l’ignominie du « Statut des Juifs », et aussi pour avoir fait emprisonner, torturer et expédier aux camps d’extermination des dizaines de milliers de Juifs. S’il avait été jugé au même titre que les monstres nazis au Procès de Nuremberg[5] il n’y aurait eu pour Pétain ni grâce ni prescription possible, et il aurait été pendu malgré « son grand âge ».

Pour comprendre la duplicité de de Gaulle dans cette affaire il est intéressant de comparer le sort qu’il a réservé à Pétain avec celui qu’il a fait subir à Robert Brasillach, jugé pour intelligence avec l’ennemi.

Brasillach était un écrivain, un journaliste et un intellectuel de talent, mais aussi un collaborationniste et un  antisémite implacable. Son procès fut expédié en un jour, et au bout d’une délibération de vingt minutes le tribunal prononça sa condamnation à mort. Une série d’intellectuels et de résistants demandèrent sa grâce, mais De Gaulle la refusa, et Brasillach fut fusillé. Il avait 36 ans.

[1] Guerre entre d’une part Israël et d’autre part l’Égypte, la Jordanie et la Syrie appuyés par le monde arabe toute entier et l’URSS.

[2] Conférence de presse du général de Gaulle du 27 novembre 1967

[3] Entretien avec le rabbin Jacob Kaplan  en 1968.

[4] Discours prononcé le 26 mai 1951 à Oran.

[5] Procès contre 24 des principaux responsables du Troisième Reich, accusés de complot, crimes contre la paix, crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

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