Haïm Korsia, grand rabbin de France, exprime dans un article paru dans « Times of Israel » sa déception de ce que la loi proposée par la députée Laetitia Avia contre les dérapages des réseaux sociaux ait été recalée par le Conseil Constitutionnel. Il estime que la violence des échanges sur Internet « a atteint des paroxysmes et des surenchères intolérables ».
Pour mémoire, ce projet de loi faisait obligation aux opérateurs des réseaux sociaux de retirer sous vingt-quatre heures tout propos haineux. Au cas où cette loi aurait été adoptée il n’aurait donc plus été nécessaire de porter l’affaire devant les tribunaux. Les opérateurs devenaient juges en la matière et pouvaient retirer de tels propos à leur seule discrétion.
Quand l’on fait observer à Korsia qu’il n’existe pas de définition de « propos haineux », il objecte que c’est « indéfinissable comme la beauté ou le charme, que l’on reconnaît pourtant immanquablement et sous les cultures les plus différentes, quand on y est exposé. A-t-on besoin d’une définition juridique et universelle de la beauté ? »
Cette explication venant d’un homme pourtant cultivé est d’un obscurantisme confondant. Il va donc de soi pour Korsia que ce qui est beau, charmant ou haineux fait l’objet d’un consensus tellement universel qu’il serait vain d’en discuter. L’on comprend que dans ces conditions il estime que n’importe quel réseau social est compétent pour trancher en la matière.
Mais quand bien même il serait possible de se mettre d’accord sur ce que sont des propos haineux, au nom de quoi justifierait-on de les retirer ? Depuis quand est-il interdit de haïr ? Quelqu’un qui publierait par exemple une phrase du genre « je hais Hitler » devrait-il être censuré ?
Korsia s’insurge par ailleurs contre ce qu’il dénonce comme un « double standard », qui fait que le racisme et l’antisémitisme en ligne ne jouirait pas « de la même attention et détermination que la pédopornographie ou l’apologie du terrorisme ». C’est évidemment une contrevérité, parce que le racisme et l’antisémitisme – en ligne ou ailleurs – tout comme la pédopornographie et l’apologie du terrorisme, constituent des infractions pénales, donc nul besoin de Loi Avia.
Korsia est un homme respectable, mais ses idées ne sont pas toujours lumineuses. En 2004, il a voulu inviter l’antisémite Dieudonné à Auschwitz, mais il en a été dissuadé par Joseph Sitruk, grand-rabbin de France à l’époque. Maintenant Korsia veut s’attaquer à liberté d’expression, ce qui ne laisse pas de surprendre chez ce guide spirituel qui se veut pourtant moderne.