Il y a plus de deux décennies je suis en vacances à Courchevel. Le temps est radieux et je décide de prendre le télésiège qui donne accès aux différentes stations du domaine skiable. Je médite au fil de la montée sur le bonheur de pratiquer le ski. C’est une de ces journées parfaites qui n’existent qu’en montagne. Silence total. Ciel immobile et soleil glacé qui éclaire les sommets enneigés dans leur splendeur. Je me réjouis à l’avance de la descente que je vais faire.
Tout à coup surgissent quatre chasseurs de l’armée de l’air qui filent en direction de l’Est. Ils volent bas et j’arrive à distinguer la silhouette des pilotes. Quelques secondes plus tard ils prennent de l’attitude et disparaissent dans l’azur en laissant une traînée blanche derrière eux mais qui se dissipe aussitôt.
Je passe une heure à enchainer les descentes. Je m’arrête au bout d’un moment sur une crête qui surplombe la vallée afin de reprendre mon souffle et admirer le paysage. Un vrombissement lointain annonce un nouveau passage d’avions. Je lève la tête et aperçois la même escadrille que tout à l’heure mais qui se déplace d’Est en Ouest cette fois-ci. J’ai l’impression que ces appareils ont quelque chose de changé. Ils ont une allure plus fine. Moins pesante. Je les suis du regard et soudain je comprends. Ils n’ont plus de bombes sous leurs ailes.
Je me souviens que la guerre fait rage en Yougoslavie. Mission accomplie ces pilotes rentrent à leur base après avoir largué leurs engins de mort. Bien que je ne sois pas concerné je prends conscience que j’ai assisté à un de ces épisodes au cours desquels des hommes bombardent d’autres hommes. Perplexe j’essaie d’intérioriser ce que je viens de vivre. Finalement je me dis que cela n’a pas de sens et je continue à tracer mes virages dans la neige.
Un peu plus tard les ombres s’allongent. Le soleil disparaît et il commence à faire froid. Je me dis qu’il est temps de rentrer.
C’était une belle journée.