L’institution judiciaire d’Israël est inspirée par le droit ottoman, anglais et aussi le droit international. La Cour Suprême en est la clé de voute. Elle est composée d’un panel de 15 juges nommés en fonction de leur expérience, de leur expertise et de leur intégrité.
Lors de la création de l’Etat d’Israël, la Cour Suprême avait pour fonction principale de dire le droit dans des litiges d’ordre juridique. Mais en 1992 une réforme a été adoptée par la Knesset sous l’impulsion du juge Aharon Barak. Cette réforme a ouvert la voie à de l’activisme judiciaire concernant les droits de l’homme et les libertés civiles, parfois contre l’avis de la Knesset ou du gouvernement.
Depuis la réforme Barak la Cour Suprême a compétence pour examiner des décisions de justice, des controverses légales, des pétitions, des questions relatives à la liberté d’expression et de culte, à la vie privée et à la protection des minorités. Elle a aussi pour mission de prévenir des abus de pouvoir, des nominations tendancieuses ou des décisions gouvernementales réputées déraisonnables. Elle peut s’autosaisir pour retoquer des lois votées par la Knesset, y compris des Lois Fondamentales.
Le processus de nomination des juges du système judiciaire est parfois critiqué pour une opacité qui permet des cooptations de fait. Le comité actuel de nomination des juges comprend deux députés de la Knesset, deux membres de l’Ordre des avocats, deux ministres et trois membres du système judiciaire. Comme l’Ordre des avocats se range traditionnellement du côte du système judiciaire, c’est lui qui prévaut en pratique.
En l’absence de Constitution, les juges sont en principe seuls face à leur conscience pour déterminer les valeurs sur lesquelles ils fondent leurs décisions. Mais depuis la réforme Barak, le système judiciaire est considéré comme plutôt progressiste, par opposition à une opinion publique plutôt conservatrice. Cela a fini par créer une tension qui a emmené le gouvernement de la 25ème Knesset à initier une réforme visant à réduire de manière significative le pouvoir de la Cour Suprême et à modifier le système de nomination des juges.
Le nouveau comité de nomination comprendrait le président de la Cour Suprême, deux juges à la retraite désignés par le ministre de la Justice, trois ministres dont deux choisis par le gouvernement en plus du ministre de la Justice, trois membres de la Knesset dont un député de la coalition, un de l’opposition et le président de la Commission des Lois.
L’équilibre des forces s’établirait alors à six sièges sur neuf pour l’ensemble exécutif et législatif, contre trois pour le judiciaire, ce qui revient à créer un système dont la sensibilité serait celle de la majorité au pouvoir. Cette réforme n’a pas abouti et a été remise en question suite à des manifestations d’ampleur et à la guerre consécutive au massacre du 7 octobre.
Si l’on permet à la Cour Suprême d’invalider à sa seule discrétion l’action de l’exécutif ou du législatif, cela revient à contredire la volonté populaire. D’un autre côté, s’il n’y a pas de mécanisme pour vérifier la raisonnabilité des décisions de l’exécutif il y a un risque de dérive autoritaire. Vu l’absence de Constitution, le potentiel d’abus de pouvoir est donc manifeste dans les deux cas de figure. Le fait est que depuis que la droite est majoritaire dans le pays il arrive que la Cour Suprême se comporte comme une opposition politique, en particulier quand il s’agit de questions sociétales.
Le projet de réforme a provoqué une fracture idéologique inquiétante dans la société israélienne, mais a paradoxalement fait émerger un consensus concernant la nécessité même de réformer l’institution judiciaire.