Israël ou la leçon de solidarité

Le soldat israélien Guilad Shalit a été libéré en échange de 1027 prisonniers palestiniens. Ce dénouement marque le début d’une nouvelle réflexion du côté d’Israël en ce qui concerne l’attitude à adopter à l’avenir en cas de prise d’otage. Certains reprochent au gouvernement de n’avoir pas agi plus vite, arguant que s’il était disposé à payer le prix qu’exigeait le Hamas il aurait pu écourter le calvaire de Guilad Shalit et de ses proches. En réalité le Hamas a assoupli sa position au fil du temps, et il s’agissait surtout pour Israël de se convaincre qu’une opération militaire n’était pas envisageable.

En 1972 un avion de la Sabena était capturé par des terroristes qui avaient réussi à embarquer avec des armes et des explosifs. Une fois l’appareil posé sur le tarmac de l’aéroport de Tel-Aviv, les preneurs d’otages ont exigé la libération d’un grand nombre de terroristes détenus en Israël. Le gouvernement a fait mine d’étudier la question, mais au bout d’une journée éprouvante un commando a donné l’assaut, maîtrisé ou tué les terroristes, et libéré les passagers. Parmi ces commandos, Ehud Barak et Benjamin Netanyahu.

Quatre décennies plus tard les mêmes Netanyahu et Barak font partie du gouvernement qui a décidé de céder au chantage du Hamas. S’ils ont déterminé qu’une opération militaire était trop risquée, cela doit avoir été la mort dans l’âme, mais avec la certitude qu’il n’y avait pas d’autre issue. Personne mieux que ces deux ex-commandos n’étaient à même d’évaluer toutes les options à leur juste mesure.

Le Premier Ministre a hérité le dossier Shalit du gouvernement précédent, qui avait déjà commencé à négocier indirectement avec le Hamas. Il n’était pas tenu de suivre la même ligne, mais s’il la rejetait il condamnait probablement Guilad Shalit à mort du fait que ses geôliers auraient estimé qu’Israël rejetait le principe même de la négociation et préparaient une opération militaire.

Le fait que les preneurs de décision israéliens aient cédé au chantage cette fois-ci ne signifie pas que c’est une politique à laquelle ils sont tenus. Chaque cas nécessite une approche spécifique. Il peut y avoir des prises d’otages en Israël ou à l’étranger, les otages peuvent être civils ou militaires, il peut y avoir une urgence, etc..Il est difficile de déterminer une stratégie qui anticiperait tous les cas de figure.

L’opinion publique israélienne est majoritairement en faveur de la décision de gouvernement, mais craint en même temps que parmi les terroristes libérés certains renouent avec la violence. Mais qu’il y ait plus de terroristes en circulation après cet épisode n’est qu’un facteur parmi d’autres concernant la sécurité, parce qu’il y a aussi la manière dont Israël se protège. Par exemple, la barrière de séparation entre la Cisjordanie et Israël a démontré qu’on pouvait faire baisser le nombre d’attentats de manière significative bien que le nombre de terroristes potentiels n’ait pas diminué.

Il y a un aspect important qui plaide en faveur de l’échange d’un seul otage contre plus de mille criminels quand on considère le formidable ballon d’oxygène moral que la libération de Guilad Shalit donne à Tsahal, l’Armée de Défense d’Israël. Les centaines de milliers de soldats qui servent le pays sont extrêmement sensibles à cette image d’une nation qui ne les abandonne jamais et qui est prête à prendre tous les risques pour les sauver.
Des terroristes remis en liberté, donc, mais une armée entière qui retrouve son souffle à la vue du sourire d’un Guilad Shalit amaigri, intimidé, mais bien vivant.

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