Le discours à la mode chez certains politologues avertis est qu’on n’a qu’a transposer en Palestine les turbulences du monde arabe, et on obtient en avant-première le déroulement du prochain film: la rue palestinienne va, par effet de mimétisme, se soulever à son tour. Simple comme bonjour. Le scénario est plausible, mais la tournure que cela pourrait prendre n’est peut-être pas celui que l’on attend. Si l’insurrection était de même nature qu’en Egypte ou qu’en Tunisie, alors les insurgés ne se donneraient pas la peine de provoquer des embouteillages à Ramallah parce qu’ils sauraient qu’il suffit d’envoyer une demi-douzaine de représentants en Israël pour négocier la fin de l’occupation en bon ordre, vu qu’Israël ne demande pas mieux.
Si l’on veut fantasmer sur une possible contagion en Palestine de ce qui se passe ailleurs au Moyen-Orient, alors la cible serait forcement les responsables du drame palestinien, à savoir les dirigeants du Fatah, du Hezbollah, du Hamas et de leurs complices iraniens. Aucune de ces forces n’est intéressée par une solution du conflit parce que cette perspective équivaut pour elles à un arrêt de mort.
On ne voit pas bien en quoi les dirigeants actuels des palestiniens mériteraient un autre sort que Kadhafi, Moubarak ou Ben Ali. Tout comme ceux-ci, et pour des raisons analogues, ils ont failli sur toute la ligne. Ils n’ont en effet rien à leur envier en matière de violations de droits de l’homme, de corruption, de pillage et de mensonges.
Une rue palestinienne bien inspirée se soulèverait donc plutôt contre ses dirigeants que contre Israël, à l’image de ce qui s’est passé au Caire, à Tunis et à Tripoli. Si l’on pense que les turbulences au Moyen-Orient sont l’expression d’une véritable aspiration à la liberté, à la modernité et à la démocratie, alors c’est la meilleure chose qui puisse arriver à Israël. Il n’y a aucun doute que l’installation de véritables démocraties aux Moyen-Orient déboucherait rapidement sur la fin du conflit israélo-palestinien.
S’il y a un vent de modernité qui souffle à travers le Moyen-Orient, alors pourquoi les palestiniens se tromperaient-ils d’ennemis en se soulevant contre Israël ? S’en prendre à Israël c’est ce qu’on fait tous les potentats du Moyen-Orient depuis plus de six décennies. Si l’on trouve que ceux-ci ont été nuisibles pour leurs peuples, pourquoi trouverait-on que l’objectif de liquider Israël était raisonnable?
Bernard-Henri Levy pense que le vrai combat qui se joue en ce moment dans le monde arabe, c’est celui de la modernité contre l’obscurantisme. Il se pourrait qu’il ait raison.