L’allumage sexuel ou la question du premier pas

On a beaucoup évoqué la question du harcèlement sexuel ces temps-ci, et d’une manière générale les cas où les hommes de pouvoir faisaient pression sur des femmes en vue de relations intimes. Ces comportements sont réprimés par le Code pénal, et les femmes peuvent porter plainte le cas échéant, mais le principal obstacle dans ce genre d’affaires est que ces comportements étant par définition intimes, il est difficile pour les plaignantes de démontrer qu’elles ne sont pas consentantes. C’est une des raisons pour lesquelles beaucoup hésitent à se manifester. En l’absence de preuves c’est donc parole contre parole, or on ne peut raisonnablement condamner l’agresseur présumé sur seule base d’une accusation non étayée. Ce serait la porte ouverte à tous les abus.

Cependant les hommes ont si longtemps pu commettre des abus sexuels en toute impunité qu’il y a comme un retour de balancier dans l’opinion publique, de telle sorte que la présomption de sincérité de la plaignante semble parfois peser plus lourd que la présomption d’innocence de l’accusé. Il faut donc que ces présomptions s’équilibrent, et éviter que la justice soit influencée par une empathie hors de propos.

Mais pour appliquer une égalité rigoureuse, il faudrait peut-être aller plus loin. Il y a dans le monde de l’entreprise, de la fonction publique, de la politique, du show-business ou d’autres milieux un nombre important de femmes ou d’hommes qui obtiennent des avantages en échange de prestations sexuelles. C’est souvent injuste par rapport aux autres employés, et peut constituer un dommage pour l’institution qui les emploie. Quand un (e) employé (e) propose à son supérieur hiérarchique, dans le cadre et sur les lieux du travail, un service sexuel en échange d’un bonus à charge de l’entreprise, considère-t-on cela comme une agression sexuelle doublée d’une tentative de corruption ? Qu’est censé faire celui ou celle à qui le « deal » sexuel est proposé ? Se taire et continuer à travailler avec la personne en question ? Dénoncer les faits sans preuves à l’appui ? Risquer que l’incident soit divulgué ultérieurement de manière tendancieuse ?

Si l’on est soucieux d’égalité en matière de sollicitations à caractère intime, il faut non seulement condamner le harcèlement sexuel par l’un, mais aussi l’allumage sexuel par l’autre. Il faut les condamner avec une rigueur égale parce que ces comportements sont les miroirs l’un de l’autre dans la mesure où ils ne tiennent pas compte des dispositions de la personne d’en face. Par ailleurs, il faut s’interroger sur la pertinence de la convention qui veut que ce soit à l’homme de faire ce qu’on appelle le « premier pas » dans le processus de séduction, parce que pour peu qu’il soit maladroit il peut arriver qu’il ne l’ajuste pas de manière appropriée. On pourrait évidemment totalement interdire ce « premier pas », mais il n’est pas sûr que ce soit ce que souhaitent les femmes, alors si elles le faisaient aussi souvent que les hommes cela contribuerait peut-être à rétablir un certain équilibre.

Ce serait aussi plus cohérent avec le désir d’égalité et l’égalité du désir entre genres.

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