Avraham Burg ou le chagrin de Trotski

Yosef Burg, le père d’Avraham Burg, était un érudit de culture allemande, polyglotte, rabbin et Docteur en mathématiques. Il échappa de justesse aux camps de la mort en 1939 en fuyant l’Allemagne pour émigrer vers la Palestine avant que le piège nazi ne se referme sur lui.

Une fois établi dans ce qui allait devenir l’Etat d’Israël, il y fonda une famille en y intégrant les valeurs de la modernité, du sionisme et de la religion, et fut de tous les combats en tant que patriote, député et ministre.

C’est ainsi que Burg père et fils résument à eux seul l’essence du sionisme. Une première génération qui fuit les persécutions, fonde l’Etat juif, et une deuxième qui produit un Juif nouveau, homme parmi les hommes au sein d’une nation parmi les nations.

Intelligent et doté d’une forte personnalité, Avraham Burg a néanmoins longtemps été une extension de son père. Officier parachutiste, Juif pratiquant, politicien surdoué, président de la Knesset et de l’Agence juive, il résume par sa trajectoire tout ce que le renouveau juif a pu façonner d’exemplaire au fil de l’épopée sioniste

Depuis une dizaine d’années Avraham Burg a cependant changé de bord et rejette l’idée même d’un Etat juif. Il soutient désormais le mouvement Hadash, avatar du parti communiste, proclame la fin du sionisme, appelle à l’abolition de la Loi du Retour, et d’une manière générale conteste tout lien formel entre l’Etat d’Israël et les Juifs de la Diaspora.

Avraham Burg a droit à sa vision du monde. Cependant on est pris de malaise devant un reniement d’une telle ampleur. Quand il s’exprime sur l’histoire du sionisme il est vrai qu’il reconnaît qu’il était normal qu’Israël ouvre ses portes aux rescapés de la Shoah après la Deuxième Guerre Mondiale, mais il est maintenant d’avis que cette époque est révolue, et que l’antisémitisme ne doit plus être combattu comme phénomène singulier, et que cette lutte doit s’inscrire dans une démarche plus largement humaniste.

Avraham Burg nous remmène un siècle en arrière, quand les intellectuels juifs nourris aux Lumières se divisaient en deux camps : les uns pensaient que pour éradiquer l’injustice il fallait s’identifier à l’URSS et hâter ainsi l’avènement d’un nouvel ordre mondial, alors que les autres pensaient qu’en attendant que cela arrive il fallait que les Juifs prennent leur destin en main sous peine de disparaître avant que la Révolution ne s’accomplisse.

Une incarnation du premier camp fut Trotski. Celle du deuxième fut Ben-Gourion. On connaît la suite : les communistes juifs furent persécutés par les communistes non-juifs, les mouvements tels que le Bund [1] sombrèrent corps et bien. Quant à l’Etat d’Israël, il vit le jour pour le plus grand bien de millions de Juifs et l’Histoire retient de l’aventure communiste qu’elle fut une calamité.

Ce qu’il y a de dérangeant dans les prises de positions d’Avraham Burg, c’est qu’il fait preuve d’un égoïsme inouï vis-à-vis des Juifs qui aspirent à l’Alyah.

Alors que lui et sa famille ont bouclé la boucle bimillénaire du retour du peuple juif à la souveraineté nationale, il entend claquer la porte à ceux qui n’ont pas eu cette chance. Alors qu’il y encore des centaines de milliers de survivants de la Shoah, il n’éprouve aucune gêne à proclamer que leurs enfants n’ont rien à chercher en Israël.

Avraham Burg se permet de déterminer où commence le sionisme et où il finit, où commence l’antisémitisme et où il finit. Il pontifie dans le déni d’une réalité d’un Israël qui demeure un recours pour de nombreux juifs  en quête d’identité dans un monde qui les vomit tous les jours un peu plus. Il fait l’impasse sur l’actualité qui montre que le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde [2].

Il fait penser à ces Juifs qui avant l’expulsion d’Espagne estimaient  leur avenir assuré, qui avant la Shoah croyaient être des allemands comme les autres, ou qui avant Vichy pensaient que la France était garante de leur citoyenneté.

A propos de ce dernier point, il y a par ailleurs un certain cynisme chez Avraham Burg à acquérir la nationalité française d’une part, et à mener un combat visant à entraver les Juifs français qui cherchent à acquérir la nationalité israélienne d’autre part.

Comme dit plus haut, Avraham Burg a droit à ses opinions, mais d’autres ont tout aussi bien le droit d’estimer que ses opinions sont autant d’outrages aux morts et aux vivants d’Israël.

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[1] Union générale des travailleurs juifs de Lituanie, de Pologne et de Russie

[2] Allusion au nazisme dans une pièce de Bertolt Brecht

 

Le réel a lieu en Israël

Le parti-pris anti-israélien de l’essentiel de l’Intelligentzia européenne relève d’un syndrome qui a fait son apparition après la Deuxième Guerre mondiale.

A l’époque, il apparaissait de façon criante que les communistes se fourvoyaient partout où ils étaient au pouvoir, mais de nombreux observateurs supposément instruits et avertis étaient frappés d’autisme quand il s’agissait de l’URSS.

Le Goulag, Staline, la pénurie, la corruption, la misère, la dictature, l’arbitraire, la violence, un organe nommé « La Vérité » qui mentait, tout cela était flagrant pour tout être doué de bon sens. Alors que l’Intelligentzia n’y voyait que du feu, beaucoup de petites gens subodoraient la faillite du communisme dès les années 1950.

Michel Onfray, philosophe attaché depuis plus d’une décennie à écrire une monumentale « Contre-histoire de la Philosophie », a récemment publié un ouvrage intitulé « Le réel n’aura pas lieu », où il analyse le « Don Quichotte » de Cervantès.

Il lui applique une grille de lecture qui fait penser à la Pierre de Rosette, cette stèle de l’Égypte antique qui a permis le déchiffrement des hiéroglyphes. Onfray aborde le personnage de Don Quichotte sous un angle inattendu, mais qui semble d’une telle justesse après coup, qu’on se demande pourquoi on n’a pas été capable de s’en apercevoir soi-même.

Le mot-clé de la thèse d’Onfray est celui de « dénégation ». Don Quichotte est possédé par la dénégation parce que le monde tel qu’il est ne lui convient pas.

Ce monde ne lui permet pas de se faire valoir, alors il en invente un autre, imaginaire, qu’il espère fédérateur et qu’il entend mener du bout de sa lance. Don Quichotte n’est pas un illuminé, mais un sale type, un lâche, un menteur et un danger public. Vu sous l’angle d’Onfray l’argument de la folie douce, des bonnes intentions ou de la naïveté ne tiennent plus.

Il faut être pris d’hallucination donquichottesque pour estimer que c’est le monde arabe qui a raison contre Israël. Les masses arabo-musulmanes ont pour grande partie perdu leurs repères, souffrent d’ignorance, dénient aux femmes les droits de l’homme, gaspillent leurs ressources au nom de la religion, sont menées par les régimes les plus corrompus, les plus cruels et les plus dégénérés de la terre.

Il faut être donquichottesque pour estimer que tout cela n’existe pas, mais que c’est Israël, seul Etat de droit et seule démocratie de la région, qui est un obstacle à la paix, que ce soit au Moyen Orient ou ailleurs.

Une fois qu’on a lu « Le réel n’aura pas lieu » on ne peut plus appréhender de la même manière des gens apparemment de bonne composition comme Hessel, Besancenot, Mélenchon, Edgar Morin, Cohn-Bendit, Rony Brauman, Régis Debray ou d’autres ennemis d’Israël.

Ces esprits pleins de complaisance pour ceux qui cherchent à détruire les Juifs sont passés maîtres à inverser la réalité du conflit israélo-arabe.

Quand Onfray évoque ceux qui ont cette passion furieuse pour les idées au détriment de la réalité, cette religion de l’idéal sans souci du réel, on ne peut s’empêcher d’appliquer cette démarche au sentiment pro-palestinien de beaucoup de fabricants d’opinion qui sont dans la dénégation de l’islamisme mais qui pointent un doigt accusateur en direction d’Israël.

Tout comme le Don Quichotte d’Onfray ils ne veulent pas voir ce qui est et préfèrent voir ce qu’ils veulent. Ils sont bien entendus émus par les tueries des islamo-fascistes un peu partout dans le monde, mais le seul endroit où ils pensent que ces fous de Dieu ont un point de vue, c’est Israël. C’est le seul coin de la planète où ils suggèrent que la solution à la peste islamiste consiste à leur donner ce qu’ils veulent.

Si ces Don Quichotte du politiquement correct refusent de confronter leurs idées à la réalité quand il s’agit d’Israël, alors c’est à désespérer des autres, qui sont soit ignares soit antisémites.

Dans ces conditions, il est exclu qu’Israël se laisse impressionner par des artifices comme la reconnaissance par l’Europe ou par l’ONU d’une Palestine dont personne ne connaît les contours mais dont tout monde connaît les intentions.

Israël a raison, mille fois raison de faire de la sécurité sa priorité absolue, et rien ne doit lui faire dévier de son souci principal, qui est de vivre.

 

ISIS et HAMAS, même combat

Mehdi Nemmouche est un Djihadiste français arrêté à Marseille il y a quelques mois, puis extradé vers la Belgique pour répondre du meurtre de quatre personnes liquidées au hasard au Musée Juif de Bruxelles. Mohammed Merah quant à lui est un autre Djihadiste français qui a descendu sept personnes à bout portant à Toulouse et à Montauban. Ces assassins ne sont pas de cas isolés, mais participent au contraire d’une pandémie. Ils n’ont pas tué sur un coup de folie ou à l’occasion d’une échauffourée, mais  ont prémédité leur massacre de manière réfléchie, forts de leur conviction que bien qu’innocentes, leurs victimes ne méritaient pas de vivre.

Le Hamas n’est qu’une variante de cette peste islamiste qui déferle sur le monde arabo-musulman pour le précipiter dans les abysses. L’extrême-gauche qui en France s’attaque à Israël est tellement obnubilée par son antisémitisme atavique qu’elle préfère se taire à propos des Djihadistes de Gaza qui rêvent d’un Califat, qui sous la direction du Prophète terrassera tous les infidèles de la planète. Si ces gauchistes à l’âme sensible étaient réellement préoccupées par la misère du monde, ils manifesteraient contre ce qui se passe en Syrie, en Iraq, au Yémen, au Soudan  ou dans les autres fournaises où des hommes brûlent des hommes pour la plus grande gloire  de Dieu. Cette extrême-gauche fatiguée qui accuse les Juifs de tous les pêchés d’Israël  est la même qui naguère soutenait Staline. Aujourd’hui ces nostalgiques du Goulag communient pour manifester en faveur de ce qu’il y a de pire au monde.  Cette gauche-là a de tous temps été bête et méchante, et maintenant ferme les yeux sur les crimes du Hamas, cette organisation qui persécute son propre peuple.  C’est une gauche qui n’a rien appris, rien compris, et tout trahi.

L’islamisme a ceci de nouveau que ce ne sont plus des éléments d’Orient qui viennent semer la terreur en Occident. De nos jours ce sont  des Français, des Belges ou des Britanniques qui assurent  le relais en adhérant à un Islam qui non seulement prône que la fin justifie les moyens, mais aussi que les moyens sont en eux-mêmes une fin. Cela signifie que des meurtriers comme Mehdi Nemmouche ou Mohammed Merah tuent parce que tuer est pour eux une valeur en soi. Il s’agit pour ces sous-fifres de l’islamisme moins de s’emparer du monde que de le quitter avec éclat. Ces fanatiques constituent une menace plus grande que tous les terrorismes qui ont sévi en Occident depuis la Deuxième Guerre Mondiale, parce que  tout comme les Nazis d’antan, les Djihadistes progressent dangereusement au cœur même du monde libre.

Alors que dans le passé il fallait que les  moudjahidines d’outre-mer bénéficient de complicités pour s’infiltrer en Europe, ils y sont aujourd’hui comme des poissons dans l’eau, parce qu’ils sont eux-mêmes Européens. Nombre d’entre eux rallient les forces armées de  l’ISIS, ce monstre qui se répand au Moyen-Orient en saccageant tout  sur son passage. Ces volontaires venu d’Europe s’initier au Djihad apprennent à tuer, et puis rentrent au bercail pour semer la mort à domicile. Les cas de Mehdi Nemmouche et de Mohammed Merah sont donc peut-être des signes avant-coureurs d’un Tsunami terroriste. Il doit déjà y avoir déjà des milliers  de tueurs qui une fois rapatriés  en Europe commettront volontiers des attentats qui pourraient être sans précédent par leur ampleur. Quand on pense qu’il a suffi en 2001 d’une douzaine de criminels équipés de canifs pour pulvériser deux gratte-ciels en plein New-York et y exterminer 3000 personnes, on frémit à l’idée de ce que des escadrons entier entraînés en Syrie et en Iraq pourraient entreprendre à leur retour en Europe.

On n’arrive pas toujours à se représenter comment ces barbares pourrait en pratique déstabiliser les nations développées. Comparées à elles ils ne représentent pas grand-chose en termes de force de frappe.  Mais les théoriciens du Djihad, tout comme leurs mentors nazis, ont compris qu’il fallait préparer le terrain en investissant d’abord les esprits, et ensuite les terres.  La diffusion d’une idéologie qui promet le paradis au ciel en échange de l’enfer sur terre se pratique au moyen de la parole, qui comme on le sait est libre dans le monde libre. Cependant il ne faut jamais oublier que le nazisme a commencé par une beuverie dans une brasserie de Munich pour finir par causer quelques années plus tard la guerre la plus dévastatrice de tous les temps.

Les attentats de Bruxelles, de Toulouse et de Montauban ont ravagé des familles juives, musulmanes et chrétiennes et démontrent par là même qu’ils ne visaient personne en particulier, mais tout le monde en général. Si l’Europe ne prend pas la mesure de ce fléau les choses n’en resteront pas là. Les Djihadistes ne savent que trop bien avec quelle facilité ils peuvent opérer dans un Etat de droit.

Pour parer à cela un premier pas dans la bonne direction serait pour l’Europe de se ranger résolument derrière l’Etat d’Israël et soutenir cette minuscule démocratie confrontée à une guerre dont on n’entend en Europe que les bruits de bottes.  Mais, comme va le dicton, il n’y a pire sourd que celui qui ne veut entendre.

Les manifestations pro-Hamas

Les manifestations pro-Hamas de ces temps-ci à Paris, à Londres ou ailleurs sont des insultes au bon sens. C’est  la faillite d’une populace qui a perdu ses repères, mais aussi celle d’une intelligentsia qui a arrêté de penser. Le syndrome de Munich se referme une fois de plus sur les lâches. Pour mémoire, ce syndrome fait référence à la veulerie de la France et du Royaume-Uni en 1938, quand les ministres Daladier et Chamberlain pensaient qu’en jetant un morceau de la Tchécoslovaquie en pâture à Hitler la guerre mondiale n’aurait pas lieu. Winston Churchill, alors Ministre de la Marine, s’opposa à ce marché de dupes et apostropha Chamberlain pour lui lancer « Vous avez voulu éviter la guerre au prix du déshonneur. Vous avez le déshonneur et vous aurez la guerre. » On connaît la suite.

Manifester pour la paix dans le cadre de la tragédie de Gaza est honorable, mais manifester contre Israël – et dans la foulée contre les Juifs – n’est pas honorable. Personne n’a le droit d’être contre Israël, parce que cela implique que l’on soutient des bandes terroristes reconnues comme telles par le monde civilisé. Etre contre Israël, c’est être pour les forces obscurantistes, celles qui torturent les hommes, violent les femmes et transforment les enfants en torches, celles qui sévissent au Sahel, au Mali, au Niger, en Afghanistan, en Iran, en Arabie, au Qatar, en Irak, en Syrie, en Libye, au Liban, à Toulouse, à Bruxelles, à Londres, à Madrid et à New York.

Dominique de Villepin, ex-Premier Ministre de France, condamne dans une tribune du « Figaro » les opérations israéliennes en Palestine. Il pense peut-être qu’en sacrifiant Israël aux islamo-fascistes la France pourrait obtenir en échange un capital de sympathie. Il n’a peut-être pas tort, parce que cela relève d’une vision politique à la de Gaulle selon laquelle il vaut mieux mettre ses principes en berne et lâcher Israël que d’antagoniser le monde arabe. C’est un procédé aussi vieux que le peuple juif lui-même que de faire diversion en transformant une trahison en exploit. Mais de ce pacte rien de bon n’est jamais sorti pour les masses arabes, qui n’ont jamais cessé de s’enfoncer dans un marasme spirituel et matériel, alors que leurs dirigeants n’ont jamais cessé de prospérer.

Si de Villepin pense que les israéliens ont tort de s’attaquer aux assassins du Hamas, alors comment expliquer l’engagement de la France en Afghanistan, qui a coûté la vie à des soldats français, en plus de 3 milliards d’Euros partis en fumée, le tout  pour riposter à un attentat perpétré le 11 septembre 2001 par des saoudiens à New York ?Comment justifier une opération à 6000 kilomètres de Paris, où 50 000 militaires français ont été appelés au fil d’une décennie pour faire la guerre aux talibans alors que ceux-ci n’avaient pas agressé la France ?Comparé à cela, a-t-on le droit de se demander pourquoi traquer les terroristes du Hamas qui à quelques mètres d’Israël tirent des roquettes sur tout ce qui ressemble à un Juif de l’autre côté de la frontière ?

Le docte de Villepin avance qu’« il n’y a pas en droit international de droit à la sécurité qui implique en retour un droit à l’occupation et encore moins un droit au massacre ». En ce qui concerne la première partie de la proposition, si elle est correcte, on ne voit pas sur quoi était fondée l’occupation de l’Allemagne nazie par la France en 1945. Les français ont dénazifié l’Allemagne, jugé les criminels de guerre et imposé des limitations au réarmement, normes  qui restent en vigueur à ce jour bien que l’Allemagne ne constitue plus un danger. Pour ce qui est du « droit au massacre » qu’évoque de Villepin, c’est précisément ce que s’est arrogé le monde arabe en réaction à la Résolution 181 de l’ONU qui proposait en 1947 de partager la Palestine en deux États, l’un juif et l’autre arabe. Plutôt que d’admettre qu’il y avait deux peuples aspirant à la souveraineté après la décolonisation, les Arabes palestiniens ont choisi de nier le droit à la vie aux Juifs palestiniens. Ce n’est qu’après avoir été défaits militairement que la Jordanie et l’Egypte ont fini par admettre qu’Israël était là pour rester, et que les Juifs avaient droit à un Etat.

La guerre que mène Israël depuis sa naissance est probablement la moins sale que le monde ait jamais connue, mais si on ne comprend pas qu’Israël ne fait jamais que pratiquer la légitime défense, on ne comprend rien. L’objectif explicite du Hamas, du Djihad islamique  et de leurs associés est de détruire Israël et de supprimer les Juifs qui y vivent. Quand en 2005 Israël a quitté Gaza et  démantelé ses colonies ce fut un ballon d’essai devant servir de modèle afin d’évaluer les chances d’une coexistence israélo-palestinienne pacifique. Après le départ du dernier israélien de Gaza il y eut exactement 13 jours de calme, après quoi les tirs de roquettes contre Israël reprirent de plus belle. Israël attendit néanmoins deux ans pour réagir au moyen d’un blocus, espérant que les nouveaux maîtres de Gaza auraient comme projet  le développement économique plutôt que le meurtre de Juifs. En 2007 le Hamas s’est emparé du pouvoir, a décapité les factions rivales, mis la démocratie hors-la-loi et instauré un Etat islamiste avec pour objectif de conquérir Israël et d’instaurer un Califat sur la Palestine historique. Pour ce faire les tueurs du Hamas n’eurent de cesse que de pilonner  Israël  en jurant de ne s’arrêter que le jour où les Juifs  seraient éliminés. Comme les milices du Hamas estiment avoir l’aval de Dieu ils s’arrogent le droit de sacrifier la population de Gaza et de semer  la désolation au sein de leur propre peuple, sur leur propre terre, où ne se vit  pourtant pas un seul Juif.

Le processus de paix entre Israël et l’Autorité Palestinienne a été systématiquement torpillé par Arafat et son successeur malgré les offres de tous les gouvernements israéliens qui se sont succédés depuis les accords d’Oslo. Mais quand bien même il se trouverait un jour des dirigeants palestiniens pour faire preuve d’une véritable volonté d’aboutir à un arrangement, ce serait une erreur que de croire que cela changerait quoi que ce soit aux ambitions des islamistes de la région, pour lesquels une démocratie palestinienne vivant en bonne entente avec Israël serait une négation de leur raison d’être.

Difficile de savoir si la campagne militaire à Gaza aura amélioré la sécurité des israéliens. La lutte contre le terrorisme est un combat de longue haleine, or celui que mène Israël n’est que l’aspect régional d’un problème planétaire. Ce qui est sûr, c’est que cet épisode aura au moins eu comme effet que dans chaque ville, chaque village et chaque foyer israélien, quelle que soit sa sensibilité politique ou religieuse,  un immense élan de solidarité aura animé ce peuple tout au long de l’épreuve, et renforcé le consensus sur l’essentiel.

 

Edwy Plenel et sa lettre au Président

Le Président François Hollande a fermement condamné les agressions contre Israël,  et a  assuré le Premier Ministre israélien de sa solidarité. Il a également affirmé qu’il appartenait au gouvernement israélien de prendre toutes les mesures pour protéger sa population face aux menaces. Edwy Plenel, journaliste et Directeur de Publication du site d’information  Médiapart, a publié un article pour s’élever contre la prise de position de François Hollande, assez exceptionnelle il faut le dire pour qui connaît la politique pro-arabe de la France inaugurée par de Gaulle en 1967. Edwy Plenel s’en prend à François Hollande, mais aussi à Israël. Le texte ci-dessous est donc adressé à Edwy Plenel afin d’attirer son attention sur les nombreuses erreurs d’appréciation concernant Israël qu’il commet dans sa lettre ouverte au Président:

Monsieur Edwy Plenel,

Avoir une politique équilibrée face au conflit israélo-palestinien ne peut consister, sous aucun prétexte, à soutenir une organisation terroriste. Or manifester contre Israël en ces heures sombres revient de fait à soutenir le Hamas et ses associés.

Israël est une démocratie où sévit une extrême-droite radicale, mais celle-ci est, tout comme en France, marginale, et n’est en tout cas pas au pouvoir.

La stigmatisation des Arabes en Israël est le fait de groupuscules insignifiants, et sans commune mesure avec l’antisémitisme d’Etat qui sévit dans le monde arabo-musulman. L’Autorité Palestinienne en particulier fait la promotion de l’antisémitisme dans les écoles et à la télévision, où les juifs sont vilipendés dans le plus pur style de la propagande nazie.

La proportionnalité dans la lutte contre le terrorisme n’obéit pas aux mêmes critères que les conflits conventionnels, que ce soit en Israël ou ailleurs. Quand l’assassin Mohammed Merah fut traqué dans la région de Toulouse, les autorités françaises mobilisèrent des centaines d’hommes armés jusqu’aux dents afin de trouver et de neutraliser ce seul criminel. En Israël il s’agit pour la nation entière de se défendre contre les islamistes qui ont vocation à casser du Juif n’importe où, dans n’importe quelles circonstances et sous n’importe quel prétexte. Cette obsession date de bien avant l’occupation de la Cisjordanie, et même d’avant la création de l’Etat d’Israël lui-même, quand le Mufti de Jérusalem fraternisait avec Hitler. Compter sur l’avènement d’un Etat palestinien pour mettre fin à la rage anti-juive au Moyen-Orient est un risque qu’aucun gouvernement israélien ne peut se permettre de prendre.

Renvoyer dos-à-dos le Likoud et le Hamas est une aberration. Le Hamas a pour programme explicite la liquidation pure et simple de l’Etat d’Israël par tous les moyens, à commencer par les plus barbares. Le Likoud quant à lui est un parti démocratique et donc respectable, que l’on partage ses idées ou pas. C’est une formation politique en tous points comparable à la droite républicaine incarnée par l’UMP en France. Le Likoud est ce parti qui sous la conduite de Menahem Begin, prix Nobel de la Paix,  a mis fin à la guerre avec l’Egypte en restituant la péninsule du Sinaï, ses puits de pétrole et son potentiel touristique.

Le Likoud est aussi ce parti qui a parié sur la paix en 2005 en mettant fin à l’occupation de Gaza.  Au cours de réunions bilatérales précédant l’évacuation, des responsables palestiniens avaient affirmé qu’on verrait enfin « de quoi ils étaient capables ». Ils avaient assuré que Gaza s’avèrerait un « miracle économique », un « Singapour du Moyen Orient », un cas d’école. Pour illustrer cette vision, des projets furent évoqués: réseau routier, port en eau profonde, centrale électrique, système d’égouts, aéroport, hôtels de tourisme, toutes ambitions que les places financières ne manqueraient pas de soutenir. On connaît la suite : le Hamas s’empare de Gaza, asservit sa population, instaure une dictature et consacre des fortunes à la fabrication de roquettes et au creusement de tunnels à seule fin de tuer des Juifs de l’autre côté de la frontière.

La Jordanie a annexé la Cisjordanie en 1950 sans la moindre intention d’y favoriser l’émergence d’un Etat palestinien. C’est à partir de ce territoire usurpé que les troupes jordaniennes ont attaqué Israël en 1967 pour tenter de s’emparer de Tel-Aviv  et du reste d’Israël, jeter les Juifs à la mer et étendre le Royaume de Jordanie à la totalité de la Palestine historique. C’est cela, et uniquement cela qui eut pour conséquence l’occupation de la Cisjordanie par Israël.

L’antisionisme est une transgression morale au même titre que l’antisémitisme. Etre antisioniste, c’est désavouer le mouvement de libération du peuple juif. Etre antisioniste, c’est lui contester le droit de disposer de lui-même. Etre antisioniste ce n’est pas critiquer tel ou tel aspect de la politique israélienne, mais c’est dénier à Israël le droit même à la vie. Etre antisioniste c’est s’associer aux filiales terroristes de l’Iran installées aux frontières d’Israël et qui œuvrent sa destruction.

Il y a une douzaine d’années le distingué sociologue et philosophe Edgar Morin fut  poursuivi pour antisémitisme après avoir cosigné avec deux autres intellectuels un article incendiaire contre Israël. Après quatre ans de procédure Il a fini par être mis hors de cause par une Cour de Cassation, mais ce qu’il faut retenir c’est qu’au fil de cette saga juridique  la Cour d’Appel de Versailles l’avait bel et bien condamné pour « diffamation raciale et apologie des actes de terrorisme ». On a le droit de s’interroger sur le point de savoir lesquels des magistrats de la Cour d’Appel ou de la Cour de Cassation ont vu juste.

Stéphane Hessel était un obscur diplomate à la pensée indigente qui serrait la main des dirigeants  du Hamas et qui trouvait que l’occupation de la France par les nazis était moins cruelle que celle de la Cisjordanie.  Il pensait par ailleurs que Gaza devait être le principal sujet d’indignation au monde, comme si les massacres en Syrie, en Iraq, au Darfour ou ailleurs n’étaient que de négligeables échauffourées.

Quant aux vociférations antisémites entendues lors de récentes manifestations anti-Israël en France, il n’est pas inutile de rappeler la conclusion des « Réflexions sur la Question Juive » de Sartre, à savoir que « pas un français ne sera en sécurité tant qu’un juif, en France et dans le monde entier, pourra craindre pour sa vie. »

 

Tuerie au musée juif de Bruxelles

Quels que soient les commanditaires de la tuerie au musée juif de Bruxelles, quelles que soient leurs motivations, et même s’il ne s’agit que d’un acte isolé, il ne fait pas de doute que cela se passe sur fond de haine antisioniste, qui n’est qu’un antisémitisme recyclé faisant écho au discours antijuif distillé des siècles durant par la Chrétienté et l’Islam. L’antisémitisme étant un symptôme plutôt qu’une idéologie, quatre innocents abattus à la kalachnikov en plein jour en pleine ville dans la capitale de l’Europe, cela concerne même ceux que ne sentent pas concernés.

Les ennemis d’Israël pensent qu’en s’attaquant aux Juifs de la Diaspora – ou à leurs symboles – ils affaiblissent le monde juif. Mais si l’on cherche à suivre ce raisonnement, aussi morbide soit-il, on s’y perd parce qu’il défie la logique la plus élémentaire. En effet, chaque agression, chaque atteinte à l’intégrité morale ou physique des Juifs accentue la solidarité des communautés juives à travers le monde, et dans beaucoup de cas le désir d’aller vivre en Israël. Cette option n’existait pas avant la création de l’Etat d’Israël. C’est ainsi que l’on assiste à une recrudescence de l’émigration à chaque manifestation d’antisémitisme, or la tuerie de Bruxelles n’échappera sans doute pas à cette règle. Les antisémites sont pris dans un dilemme cornélien : contenir leur haine des Juifs est nuisible pour leur santé, mais l’exprimer renforce, souligne et corrobore la raison d’être de l’Etat juif, dont l’une des fonctions consiste à combattre l’antisémitisme partout où il sévit. Tout acte antisémite entraine donc un effet boomerang sur son auteur du fait même de l’existence de l’Etat d’Israël.

Un climat antisémite empoisonne une part croissante de l’opinion publique européenne, mais il faut reconnaître qu’en Belgique il n’y pas d’antisémitisme officiel. Cette forme de racisme y est au contraire un délit, or la police, la magistrature et le gouvernement font ce qui est en leur pouvoir pour que la loi soit respectée. Mais c’est justement parce que l’antisémitisme ne saurait s’exprimer à visage découvert dans une démocratie comme la Belgique qu’il se travestit en antisionisme. Ce n’est donc pas l’Etat qui accompagne la montée de l’antisémitisme, mais ceux parmi les médias qui diffusent sans retenue une propagande antisioniste relayant les poncifs antisémites les plus éculés.

L’antisionisme, tout comme le racisme, ne relève pas de la liberté d’expression. L’antisionisme, c’est la contestation du droit à l’existence de l’Etat d’Israël. Les médias ont en Europe un devoir de pédagogie lorsqu’ils abordent le thème du conflit israélo-palestinien. Quand des commentateurs critiquent l’Etat d’Israël dans les médias ils ont l’obligation morale de préciser qu’il ne s’agit pas de mettre en cause son existence. Ils doivent être vigilants et veiller à ce que leurs discours n’alimentent pas des velléités criminelles par le détour de l’antisionisme.

L’Europe a une dette envers les Juifs. La plupart des Etats, dont la Belgique, l’ont reconnu de manière solennelle, mais il y a encore beaucoup à faire au niveau de la mémoire collective, or c’est à l’intelligentsia qu’incombe cette tâche. Les journalistes, chroniqueurs et intellectuels doivent impérativement changer de vocabulaire s’ils désirent différencier la critique politique de l’Etat d’Israël de la harangue antisémite.

L’Histoire nous a appris que l’acquiescement – même muet et passif – à l’antisémitisme est le levier avec lequel on renverse les démocraties.

Comment le monde arabe a perdu ses juifs selon Nathan Weinstock

Nathan Weinstock est un avocat, criminologue et historien belge né à Anvers en 1939. Après une scolarité d’inspiration juive orthodoxe il se tourne vers le trotskysme, devient en 1967 antisioniste et pro-palestinien, et se répand en harangues féroces devant des auditoires nourris aux émissions de Radio-Le Caire, « savourant avec délices l’annonce que les vaillantes armées arabes sont sur le point de jeter les juifs à la mer ». D’une violence verbale extrême, Weinstock appelle au démantèlement d’Israël en posant qu’on ne peut être à la fois sioniste et socialiste.

Vers les années 1990 il change de cap en prenant conscience du fait que la cause palestinienne n’est qu’un avatar de l’antisémitisme, et qu’elle est nourrie par la haine des Juifs plutôt que par une vision  politique.  Weinstock fait alors un virage à cent quatre-vingt degrés et se met à soutenir Israël en déconstruisant avec lucidité et courage son parcours d’intellectuel fourvoyé dans le dédale du marxisme, considérant ses écrits antérieurs comme « bourrés de conclusions simplistes et abusives ».

Weinstock  publie en 2008 un essai [1] sur la disparition des communautés juives du monde arabe. Ce gros ouvrage parait maintenant en hébreu, à l’occasion de quoi le quotidien israélien de gauche « Haaretz » consacre un long article dans son supplément de fin de semaine. Ce qui suit n’en est  pas une traduction littérale, mais est basé sur l’essentiel du propos, à savoir l’évocation par Weinstock du statut de « Dhimmi » dans le monde arabe.

Le statut de « Dhimmi » constituait en principe une forme de protection des non-musulmans monothéistes, mais au prix de règles infamantes telles que l’interdiction de posséder des armes, de témoigner au tribunal,  de monter à cheval, de l’obligation de porter des signes distinctifs, d’être assujettis à une taxe spéciale et de veiller à ce que les habitations fussent plus basses que celles des musulmans. Au Yémen les « Dhimmi » juifs avaient pour tâche de vider les fosses d’aisance et de dégager les cadavres d’animaux encombrant les routes.

Au fil du temps ces usages ont diminué d’intensité ou disparus, mais les esprits continuent à en porter l’empreinte. Que les règles concernant les « Dhimmi » soient appliquées ou pas, elles subsistent de manière symbolique dans de larges franges de l’inconscient collectif arabe et y pérennisent une image de soumission au pouvoir musulman.

L’histoire des Juifs du monde arabe est une tragédie. Des communautés entières installées depuis des temps immémoriaux ont été traquées, chassées ou éliminées dans l’indifférence la plus totale de la Communauté Internationale, auprès de laquelle les Juifs en déshérence n’ont jamais obtenu le statut de réfugiés, contrairement aux palestiniens, chez lesquels ce statut se transmet de génération en génération.

En 1945 il y avait dans le monde arabe près d’un million de Juifs. Il en reste quelques milliers, essentiellement au Maroc. La manière dont ils ont été délogés diffère d’une région à l’autre, mais le dénominateur commun en est un antisémitisme remontant à l’époque du Prophète, qui avait voulu dans un premier temps rallier les Juifs à l’Islam, mais qui s’est retourné contre eux quand il a pris conscience qu’il n’y parviendrait pas.

L’idée  que les Juifs sont partis du monde arabe parce qu’ils étaient sionistes est un mythe. La majorité ne l’était pas, et ne s’est expatriée que contrainte et forcée, abandonnant tout pour recommencer une vie nouvelle ailleurs. Ils étaient pourtant attachés à la culture arabe, à laquelle ils avaient largement contribué. La présence des  juifs datait d’ailleurs souvent d’avant celle des arabes eux-mêmes.

C’est en considérant les rapports entre la minorité juive et la majorité musulmane que l’on comprend le séisme qu’a constitué l’avènement de l’Etat d’Israël dans la psyché des masses arabes. Celles-ci portent en elles de manière plus ou moins marquée la mémoire de cette période où les Juifs pouvaient être humiliés et spoliés en toute légalité, ce qui explique leur regard incrédule sur l’Israël d’aujourd’hui, qui leur échappe et dont ils souhaitent la disparition, pour laquelle ils sont disposés à consentir des efforts qui ne débouchent en pratique sur rien d’autre que leur propre affaiblissement.

Quand les puissances coloniales ont voulu mettre un terme à la dhimmitude cela fut ressenti comme une atteinte à la dignité arabe et comme une violation de l’ordre divin. D’une manière générale la notion occidentale de droits de l’homme fut considérée comme incompatible avec les valeurs de l’Islam, ce qui est d’ailleurs encore le cas dans une grande partie du monde arabo-musulman.

Quand à l’aube du vingtième siècle les Juifs se sont mis à pratiquer l’agriculture intensive en Palestine ils décidèrent de remplacer les gardiens arabes par des Juifs. Ce changement fut vécu par beaucoup d’arabes comme un insoutenable  retournement de situation. Alors que dans leur esprit les Juifs n’avaient pas vocation à être paysans ni à porter des armes, ce nouvel ordre – celui de la modernité – s’édifiait sous leurs yeux en lieu et place de l’ordre ottoman en perte de vitesse. Cet avènement d’un « Juif Nouveau » dépassait l’entendement de l’opinion publique arabe, pour laquelle la soumission des Juifs allait de soi et découlait en quelque sorte d’une loi de la Nature.

L’impasse du conflit israélo-palestinien perdure – au moins en partie – parce que du point de vue arabe la création d’Israël est perçue comme une vengeance des Juifs eu égard à leur servitude passée, alors qu’en réalité le sionisme n’est qu’un mouvement de libération nationale. C’est l’inaptitude ontologique  d’admettre que le mouvement sioniste a mis fin à la dhimmitude  en Palestine qui est la cause profonde du refus arabe de se conformer à la Résolution de l’ONU de 1947 recommandant de la partager en deux Etats, l’un juif et l’autre arabe.

 


[1] Une si longue présence : Comment le monde arabe a perdu ses juifs, 1947-1967, (Editions Plon)

Lettre ouverte à Noa la chanteuse

Vous avez refusé de recevoir le prix Akoum  alloué par le Syndicat National des Compositeurs et Musiciens d’Israël.  Vous avez pris cette décision parce que le chanteur Ariel Zilber allait également être honoré par un prix au cours de la cérémonie où vous étiez tous deux conviés. Vous ne mettiez pas en question ses qualités artistiques,  mais bien ses opinions politiques.

Il est vrai que certaines prises de positions d’Ariel Zilber sont détestables, ainsi que certaines de ses fréquentations.

Mais d’un autre côté, vous avez volontiers chanté au Vatican en hommage à un Pape qui stigmatisait les homosexuels et qui concourait à la propagation du  Sida par son refus d’admettre l’usage de préservatifs. Sans doute le saviez-vous.

Le Vatican est accusé par l’ONU d’avoir violé la Convention sur les droits de l’enfant, d’avoir organisé l’impunité de nombreux pédophiles et de leur avoir ainsi permis d’abuser d’enfants dont ils avaient la charge. Sans doute le saviez-vous.

le Vatican a conceptualisé et institutionnalisé les fondements théologiques de l’antisémitisme. Il a inspiré, encouragé ou ignoré les pires massacres de juifs sous prétexte qu’ils étaient coupables d’avoir tué Dieu. Sans doute le saviez-vous.

Le Vatican a pratiqué un silence assourdissant lors de la Deuxième Guerre Mondiale alors que les juifs étaient assassinés par millions. Plus tard de nombreux nazis ont pu se soustraire à la justice grâce à l’assistance de l’Eglise catholique. Sans doute le saviez-vous.

Le professeur Yeshayahu Leibowitz était d’avis que le nazisme était le produit d’une culture qui, en partant du christianisme avait abouti à la Solution Finale. Il estimait à l’occasion du procès Eichmann à Jérusalem que c’était plutôt le Vatican qu’il aurait fallu mettre en accusation  pour qu’il réponde  de ses crimes contre le peuple juif. Sans doute le saviez-vous.

Vous saviez donc probablement tout cela, mais vous vous êtes néanmoins produite au Vatican, peut-être parce que vous estimiez que malgré ses ignominies vous désiriez faire appel à ce qu’il y avait de meilleur chez les hommes, et non à ce qu’ils avaient de pire. Appliqueriez-vous deux poids et deux mesures quand il s’agit d’Israël ?

Si vous êtes, en tant qu’artiste de réputation mondiale, véritablement mobilisée pour la cause de la paix, personne ne vous croira jamais si vous n’êtes pas disposée à commencer par y contribuer par votre belle voix au sein même de votre propre peuple.

Vous venez de rater une belle occasion de le faire.

Ovadia Yosef ou la passion religieuse

Ovadia Yosef est décédé à Jérusalem à l’âge de 93 ans après une longue carrière de Grand-Rabbin et de guide spirituel de la communauté sépharade d’Israël.

D’origine modeste, il s’est distingué dès l’enfance par ses capacités intellectuelles et sa prodigieuse mémoire, et fut pris en charge par des institutions talmudiques tout au long de sa formation. Une fois celle-ci terminée il développa une passion inextinguible pour l’exégèse de la Thora et consacra l’essentiel de sa vie à en approfondir la connaissance, devenant une autorité en la matière et publiant une cinquantaine de livres en plus d’innombrables écrits témoignant d’une érudition phénoménale.

Vers  les années 1980 il entra en politique en fondant le parti « Shass » avec pour principale clientèle la communauté sépharade. Fort de cette assise il finit par exercer une influence déterminante dans la vie publique israélienne. Il devint un politicien aguerri, mais au fur et à mesure de l’accroissement de sa popularité il se radicalisa pour stigmatiser quiconque n’adhérait pas à sa vision du monde. Il fut d’une violence verbale inouïe vis-à-vis de ses adversaires politiques en lançant contre eux des anathèmes incendiaires. Afin de galvaniser ses partisans  il traitait d’antisémite viscéral ou d’ennemi du peuple juif tout magistrat  ou ministre se réclamant de la laïcité, et appelait ses fidèles à les maudire et Dieu à les exterminer.

Juste avant qu’Ovadia Yosef ne décède, l’ex-ministre de l’Enseignement Yossi Sarid établit dans le journal Haaretz un bilan plutôt négatif à son égard. Il estime que le Parti fondé par Ovadia Yosef fut le plus corrompu qu’ait jamais connu Israël et rappelle que beaucoup de ses dignitaires ont fini en prison; qu’il stigmatisait  les femmes, les arabes, les homosexuels, les laïcs, les intellectuels, les non-juifs et aussi les juifs qui n’adhéraient pas à sa mouvance; qu’il accablait les familles de soldats tombés  en  mission en attribuant leur sort au non-respect du shabbat; qu’il recommandait  à ses fidèles d’organiser des réjouissances le jour où telle ou telle personnalité mourrait.  Quand le Procureur Général décida d’inculper pour corruption un ministre membre de son parti, Ovadia Yosef prophétisa que la maison du Procureur serait anéantie par la volonté de Dieu. Plus récemment il insultait de manière ignoble Yaïr Lapid, ministre en exercice mais tenant de la laïcité. Mais peut-être que l’outrage le plus grave qu’il commit fut le sermon au cours duquel il attribua la mort des millions d’innocents de la Shoah aux manquements aux devoirs de la religion par de nombreux juifs.

Les partisans d’Ovadia Yosef avancent – à raison – que celui-ci avait pris des décisions courageuses en tant que Grand-Rabbin d’Israël. Au cours des années 1970 se posa la question des communautés juives d’Ethiopie malmenées par l’antisémitisme et éprouvées par la misère. Alors que certains courants en Israël rechignaient à recevoir comme juifs à part entière ces africains faméliques à la peau noire, Ovadia Yosef trancha en leur faveur en décidant de leur judéité, ce qui permit à l’Etat de leur accorder le bénéfice de la Loi du Retour.

Après la guerre israélo-arabe de 1973 il y eut de nombreuses veuves dont la mort du conjoint ne put être établie avec certitude selon les critères de la Loi Juive. Dans ces conditions, ces femmes  ne pouvant être légalement considérées comme veuves, elles restaient indéfiniment interdites de remariage. Ovadia Yosef mit fin à cette tragédie et examina cas par cas des centaines de dossiers afin de leur permettre de refaire leur vie tout en se conformant à la Loi Juive.

Lors des Accords d’Oslo Ovadia Yosef fut consulté sur le point de savoir si la Loi Juive permettait l’échange de territoires contre la paix. Il se prononça sans ambigüité en faveur d’un tel processus au motif que si c’était de nature à sauver des vies humaines alors c’était conforme au judaïsme.

Ovadia Yosef était d’une intelligence peu commune, mais savait en même temps que son charisme tenait plutôt à sa faconde populiste qu’à ses facultés intellectuelles. Ses outrances médiatisées ne devaient rien au hasard mais visaient au contraire à rallier les couches sociales les plus démunies tout en excommuniant ceux qui n’étaient pas de son bord, qu’il vouait à la vindicte populaire. Il s’était confectionné ainsi une image de père virtuel, avec pour résultat que depuis sa disparition des centaines de milliers d’adeptes se perçoivent comme  orphelins.

Israël est une démocratie où l’on ne réprime ni les opinons ni les religions, tout comme ailleurs dans le monde libre, où cohabitent majorités silencieuses et extrémismes bruyants. Le problème est ailleurs: les excès d’Ovadia Yosef ont mis en lumière l’anomalie que constituait le fait de disposer de deniers publics pour s’imposer politiquement en tant que rabbin, la séparation entre religion et Etat n’étant toujours pas consommée en Israël. Quoi que l’on puisse penser de lui, ses extravagances tout comme son génie talmudique auraient dû rester dans la sphère privée au lieu d’être alimentés par l’argent du contribuable.

Le fait que des décisions comme l’accueil de juifs en déshérence, le remariage de veuves de guerre ou l’acquiescement à des concessions territoriales soient confiées à des fonctionnaires d’Etat en leur qualité d’hommes de religion est une bizarrerie peu compatible avec la démocratie, d’autant  qu’Israel est un Etat à l’occidentale sur tous les autres plans. C’est donc la question de la séparation de la religion et de l’Etat qui tôt ou tard devra être résolue, plutôt que celle du charisme d’une personnalité de la stature d’Ovadia Yosef, qui avait bien le droit d’être ce qu’il était.

L’Union Européenne ou l’art du contretemps

Le rabbin David Meyer est professeur de littérature rabbinique et de pensée juive contemporaine à Université pontificale grégorienne de Rome. Il a publié ces jours-ci un article intitulé « Sauver Israël de sa propre perte » dans le quotidien « La Libre Belgique » pour commenter l’adoption par l’Union Européenne d’une directive invitant les Etats-membres à limiter leurs accords entre l’Europe et Israël aux frontières « internationalement reconnues ». David Meyer souscrit à la décision de l’Union Européenne avec satisfaction, parce qu’il estime que celle-ci « définit de manière officielle l’espace géographique de l’Etat d’Israël ». Cependant quiconque s’intéresse à l’histoire d’Israël sait qu’il n’y a pas de frontières « internationalement reconnues » entre Israël et la Cisjordanie, mais uniquement des lignes d’armistice datant de 1949. Ce n’est pas une objection sémantique, mais une réalité formelle.

L’occupation de la Cisjordanie est la conséquence d’une agression caractérisée de la Jordanie contre Israël en juin 1967 lors de la Guerre des Six-Jours, sans quoi cette occupation n’aurait jamais eu lieu. Il est vrai qu’Israël avait initié les hostilités suite au casus belli créé par le blocus des égyptiens du détroit de Tiran, mais ce sont bel et bien les jordaniens qui ont attaqué Israël à partir de la Cisjordanie (qu’ils occupaient eux-mêmes à l’époque) alors qu’ils n’avaient pas été provoqués. Le roi de Jordanie avait estimé qu’Israël n’aurait pas la capacité de résister sur deux fronts, et comptait saisir l’occasion de l’engagement d’Israël contre l’Egypte pour s’emparer de la Palestine historique toute entière en jetant les juifs à la mer. Israël a riposté en chassant les jordaniens, et l’occupation israélienne de Cisjordanie a ainsi commencé en toute légalité sur base de la légitime défense et conformément au droit international. Ce qui est peut-être plus ambigu sur ce plan, c’est l’annexion de Jérusalem-Est et celle du Golan, mais ainsi va la guerre. On n’ose penser à ce qui se serait passé si Israël l’avait perdue.

Comment peut-on imaginer un seul instant qu’Israël accepte maintenant de retourner au statu quo ante, sans garanties et sans fin du conflit? C’est tellement impensable que le monde arabe lui-même, palestiniens compris, ont explicitement accepté le principe de l’échange de territoires entre la future Palestine et Israël. C’est l’esprit du plan Clinton comme celui des pourparlers Olmert-Abbas, qui constituent selon toute vraisemblance la base sur laquelle les parties s’apprêtent à négocier en ce moment même. Dans ces conditions, comment l’Europe fait-elle pour déterminer où sera la frontière entre Israël et la Palestine alors que les protagonistes eux-mêmes ne le savent pas encore? Et si l’Europe estime que la frontière sera intégralement celle que réclament les palestiniens – soit la ligne verte – alors où est sa neutralité, et sur quel texte fonde-t-elle son point de vue alors qu’elle est cosignataire de la Feuille de Route avec l’Amérique, dont la position officielle est qu' »il serait irréaliste de s’attendre à ce que les pourparlers se terminent par un retour absolu aux lignes d’armistice de 1949« , et que par conséquent les parties doivent convenir entre elles d’un nouveau tracé ?

Même si l’on se base sur la version française de la Résolution 242 de l’ONU, qui parle de retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés (et non de territoires comme le laisse entendre la version anglaise), il n’en reste pas moins que le deuxième point de cette Résolution (Fin de toute revendication ou de tout état de belligérance, respect et reconnaissance de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique de chaque État de la région et de son droit de vivre en paix à l’intérieur de frontières sûres et reconnues, à l’abri de menaces ou d’actes de violence) est très loin d’être acquis, ce qui fait que l’occupation israélienne, fondée à l’origine par l’attaque de la Jordanie, continue d’être légale quel que soit l’angle d’observation. Le simple fait que l’Autorité palestinienne ne se porte pas garante de Gaza (soit grosso modo de la moitié de la population et du territoire de la future Palestine) et ne parle pas en son nom est en soi une raison plus que suffisante, juridiquement parlant, pour arguer que les conditions ne sont pas réunies pour mettre fin à l’occupation. Par ailleurs, les liens informels entre l’Autorité Palestinienne et le Hamas sont incompatibles avec le passage qui dit le droit [d’Israël] de vivre en paix à l’intérieur de frontières sûres et reconnues, à l’abri de menaces ou d’actes de violence. La position de l’Union Européenne est donc en contradiction flagrante avec la Résolution 242, qui malgré ses limitations est un document que la plupart des parties prenantes du processus de paix prennent au sérieux.

L’Union Européenne mène la diplomatie qu’elle juge utile pour ses Etats membres, et c’est à la fois son droit et son devoir. Mais prétendre comme le fait David Meyer que la directive récente concernant la Cisjordanie relève de bonnes dispositions envers Israël relève de la méthode Coué et est d’une naïveté abyssale.

En revanche David Meyer a un point de vue qui vaut la peine d’être retenu à propos des relents messianiques nauséabonds que dégagent les sionistes radicaux et idolâtres de la terre. Cette dérive est réelle, mais n’en est pas moins une dérive, c’est-à-dire qu’elle n’a rien à voir avec l’essence du sionisme, qui est tout sauf religieux, et ne reflète en rien le sentiment majoritaire de l’opinion publique israélienne, dont le souci principal est la sécurité et non l’expansion territoriale.

Il y a des juifs qui se réclament de la religion pour fonder leur fanatisme, mais cette aliénation est un effet et non pas une cause. Elle n’a pu prospérer que suite à l’impossibilité de négocier la fin du conflit depuis 1967, ce qui a emmené tous les gouvernements israéliens sans exception à encourager ou à laisser faire les irréductibles de la Terre Sainte. Ceci dit, la thèse de David Meyer est surréaliste, qui pose qu’Israël mènerait une guerre de religion, alors qu’en face il y a le Hamas, le Djihad islamique, Al Qaeda, le Hezbollah et autres ardents assassins de l’islamisme extrême.

Les plupart des israéliens font confiance en leur démocratie pour gérer le problème des ultras juifs le jour où la fin du conflit sera en vue. En attendant l’opinion publique en Israël est majoritairement favorable à la fin de l’occupation, pour autant qu’il y ait à qui parler. Dans le cas contraire, il est probable qu’Israël finira par se retirer de manière unilatérale de Cisjordanie sur des lignes déterminés par lui seul, tout comme lors du retrait de Gaza.

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