Ovadia Yosef ou la passion religieuse

Ovadia Yosef est décédé à Jérusalem à l’âge de 93 ans après une longue carrière de Grand-Rabbin et de guide spirituel de la communauté sépharade d’Israël.

D’origine modeste, il s’est distingué dès l’enfance par ses capacités intellectuelles et sa prodigieuse mémoire, et fut pris en charge par des institutions talmudiques tout au long de sa formation. Une fois celle-ci terminée il développa une passion inextinguible pour l’exégèse de la Thora et consacra l’essentiel de sa vie à en approfondir la connaissance, devenant une autorité en la matière et publiant une cinquantaine de livres en plus d’innombrables écrits témoignant d’une érudition phénoménale.

Vers  les années 1980 il entra en politique en fondant le parti « Shass » avec pour principale clientèle la communauté sépharade. Fort de cette assise il finit par exercer une influence déterminante dans la vie publique israélienne. Il devint un politicien aguerri, mais au fur et à mesure de l’accroissement de sa popularité il se radicalisa pour stigmatiser quiconque n’adhérait pas à sa vision du monde. Il fut d’une violence verbale inouïe vis-à-vis de ses adversaires politiques en lançant contre eux des anathèmes incendiaires. Afin de galvaniser ses partisans  il traitait d’antisémite viscéral ou d’ennemi du peuple juif tout magistrat  ou ministre se réclamant de la laïcité, et appelait ses fidèles à les maudire et Dieu à les exterminer.

Juste avant qu’Ovadia Yosef ne décède, l’ex-ministre de l’Enseignement Yossi Sarid établit dans le journal Haaretz un bilan plutôt négatif à son égard. Il estime que le Parti fondé par Ovadia Yosef fut le plus corrompu qu’ait jamais connu Israël et rappelle que beaucoup de ses dignitaires ont fini en prison; qu’il stigmatisait  les femmes, les arabes, les homosexuels, les laïcs, les intellectuels, les non-juifs et aussi les juifs qui n’adhéraient pas à sa mouvance; qu’il accablait les familles de soldats tombés  en  mission en attribuant leur sort au non-respect du shabbat; qu’il recommandait  à ses fidèles d’organiser des réjouissances le jour où telle ou telle personnalité mourrait.  Quand le Procureur Général décida d’inculper pour corruption un ministre membre de son parti, Ovadia Yosef prophétisa que la maison du Procureur serait anéantie par la volonté de Dieu. Plus récemment il insultait de manière ignoble Yaïr Lapid, ministre en exercice mais tenant de la laïcité. Mais peut-être que l’outrage le plus grave qu’il commit fut le sermon au cours duquel il attribua la mort des millions d’innocents de la Shoah aux manquements aux devoirs de la religion par de nombreux juifs.

Les partisans d’Ovadia Yosef avancent – à raison – que celui-ci avait pris des décisions courageuses en tant que Grand-Rabbin d’Israël. Au cours des années 1970 se posa la question des communautés juives d’Ethiopie malmenées par l’antisémitisme et éprouvées par la misère. Alors que certains courants en Israël rechignaient à recevoir comme juifs à part entière ces africains faméliques à la peau noire, Ovadia Yosef trancha en leur faveur en décidant de leur judéité, ce qui permit à l’Etat de leur accorder le bénéfice de la Loi du Retour.

Après la guerre israélo-arabe de 1973 il y eut de nombreuses veuves dont la mort du conjoint ne put être établie avec certitude selon les critères de la Loi Juive. Dans ces conditions, ces femmes  ne pouvant être légalement considérées comme veuves, elles restaient indéfiniment interdites de remariage. Ovadia Yosef mit fin à cette tragédie et examina cas par cas des centaines de dossiers afin de leur permettre de refaire leur vie tout en se conformant à la Loi Juive.

Lors des Accords d’Oslo Ovadia Yosef fut consulté sur le point de savoir si la Loi Juive permettait l’échange de territoires contre la paix. Il se prononça sans ambigüité en faveur d’un tel processus au motif que si c’était de nature à sauver des vies humaines alors c’était conforme au judaïsme.

Ovadia Yosef était d’une intelligence peu commune, mais savait en même temps que son charisme tenait plutôt à sa faconde populiste qu’à ses facultés intellectuelles. Ses outrances médiatisées ne devaient rien au hasard mais visaient au contraire à rallier les couches sociales les plus démunies tout en excommuniant ceux qui n’étaient pas de son bord, qu’il vouait à la vindicte populaire. Il s’était confectionné ainsi une image de père virtuel, avec pour résultat que depuis sa disparition des centaines de milliers d’adeptes se perçoivent comme  orphelins.

Israël est une démocratie où l’on ne réprime ni les opinons ni les religions, tout comme ailleurs dans le monde libre, où cohabitent majorités silencieuses et extrémismes bruyants. Le problème est ailleurs: les excès d’Ovadia Yosef ont mis en lumière l’anomalie que constituait le fait de disposer de deniers publics pour s’imposer politiquement en tant que rabbin, la séparation entre religion et Etat n’étant toujours pas consommée en Israël. Quoi que l’on puisse penser de lui, ses extravagances tout comme son génie talmudique auraient dû rester dans la sphère privée au lieu d’être alimentés par l’argent du contribuable.

Le fait que des décisions comme l’accueil de juifs en déshérence, le remariage de veuves de guerre ou l’acquiescement à des concessions territoriales soient confiées à des fonctionnaires d’Etat en leur qualité d’hommes de religion est une bizarrerie peu compatible avec la démocratie, d’autant  qu’Israel est un Etat à l’occidentale sur tous les autres plans. C’est donc la question de la séparation de la religion et de l’Etat qui tôt ou tard devra être résolue, plutôt que celle du charisme d’une personnalité de la stature d’Ovadia Yosef, qui avait bien le droit d’être ce qu’il était.

L’Union Européenne ou l’art du contretemps

Le rabbin David Meyer est professeur de littérature rabbinique et de pensée juive contemporaine à Université pontificale grégorienne de Rome. Il a publié ces jours-ci un article intitulé « Sauver Israël de sa propre perte » dans le quotidien « La Libre Belgique » pour commenter l’adoption par l’Union Européenne d’une directive invitant les Etats-membres à limiter leurs accords entre l’Europe et Israël aux frontières « internationalement reconnues ». David Meyer souscrit à la décision de l’Union Européenne avec satisfaction, parce qu’il estime que celle-ci « définit de manière officielle l’espace géographique de l’Etat d’Israël ». Cependant quiconque s’intéresse à l’histoire d’Israël sait qu’il n’y a pas de frontières « internationalement reconnues » entre Israël et la Cisjordanie, mais uniquement des lignes d’armistice datant de 1949. Ce n’est pas une objection sémantique, mais une réalité formelle.

L’occupation de la Cisjordanie est la conséquence d’une agression caractérisée de la Jordanie contre Israël en juin 1967 lors de la Guerre des Six-Jours, sans quoi cette occupation n’aurait jamais eu lieu. Il est vrai qu’Israël avait initié les hostilités suite au casus belli créé par le blocus des égyptiens du détroit de Tiran, mais ce sont bel et bien les jordaniens qui ont attaqué Israël à partir de la Cisjordanie (qu’ils occupaient eux-mêmes à l’époque) alors qu’ils n’avaient pas été provoqués. Le roi de Jordanie avait estimé qu’Israël n’aurait pas la capacité de résister sur deux fronts, et comptait saisir l’occasion de l’engagement d’Israël contre l’Egypte pour s’emparer de la Palestine historique toute entière en jetant les juifs à la mer. Israël a riposté en chassant les jordaniens, et l’occupation israélienne de Cisjordanie a ainsi commencé en toute légalité sur base de la légitime défense et conformément au droit international. Ce qui est peut-être plus ambigu sur ce plan, c’est l’annexion de Jérusalem-Est et celle du Golan, mais ainsi va la guerre. On n’ose penser à ce qui se serait passé si Israël l’avait perdue.

Comment peut-on imaginer un seul instant qu’Israël accepte maintenant de retourner au statu quo ante, sans garanties et sans fin du conflit? C’est tellement impensable que le monde arabe lui-même, palestiniens compris, ont explicitement accepté le principe de l’échange de territoires entre la future Palestine et Israël. C’est l’esprit du plan Clinton comme celui des pourparlers Olmert-Abbas, qui constituent selon toute vraisemblance la base sur laquelle les parties s’apprêtent à négocier en ce moment même. Dans ces conditions, comment l’Europe fait-elle pour déterminer où sera la frontière entre Israël et la Palestine alors que les protagonistes eux-mêmes ne le savent pas encore? Et si l’Europe estime que la frontière sera intégralement celle que réclament les palestiniens – soit la ligne verte – alors où est sa neutralité, et sur quel texte fonde-t-elle son point de vue alors qu’elle est cosignataire de la Feuille de Route avec l’Amérique, dont la position officielle est qu' »il serait irréaliste de s’attendre à ce que les pourparlers se terminent par un retour absolu aux lignes d’armistice de 1949« , et que par conséquent les parties doivent convenir entre elles d’un nouveau tracé ?

Même si l’on se base sur la version française de la Résolution 242 de l’ONU, qui parle de retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés (et non de territoires comme le laisse entendre la version anglaise), il n’en reste pas moins que le deuxième point de cette Résolution (Fin de toute revendication ou de tout état de belligérance, respect et reconnaissance de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique de chaque État de la région et de son droit de vivre en paix à l’intérieur de frontières sûres et reconnues, à l’abri de menaces ou d’actes de violence) est très loin d’être acquis, ce qui fait que l’occupation israélienne, fondée à l’origine par l’attaque de la Jordanie, continue d’être légale quel que soit l’angle d’observation. Le simple fait que l’Autorité palestinienne ne se porte pas garante de Gaza (soit grosso modo de la moitié de la population et du territoire de la future Palestine) et ne parle pas en son nom est en soi une raison plus que suffisante, juridiquement parlant, pour arguer que les conditions ne sont pas réunies pour mettre fin à l’occupation. Par ailleurs, les liens informels entre l’Autorité Palestinienne et le Hamas sont incompatibles avec le passage qui dit le droit [d’Israël] de vivre en paix à l’intérieur de frontières sûres et reconnues, à l’abri de menaces ou d’actes de violence. La position de l’Union Européenne est donc en contradiction flagrante avec la Résolution 242, qui malgré ses limitations est un document que la plupart des parties prenantes du processus de paix prennent au sérieux.

L’Union Européenne mène la diplomatie qu’elle juge utile pour ses Etats membres, et c’est à la fois son droit et son devoir. Mais prétendre comme le fait David Meyer que la directive récente concernant la Cisjordanie relève de bonnes dispositions envers Israël relève de la méthode Coué et est d’une naïveté abyssale.

En revanche David Meyer a un point de vue qui vaut la peine d’être retenu à propos des relents messianiques nauséabonds que dégagent les sionistes radicaux et idolâtres de la terre. Cette dérive est réelle, mais n’en est pas moins une dérive, c’est-à-dire qu’elle n’a rien à voir avec l’essence du sionisme, qui est tout sauf religieux, et ne reflète en rien le sentiment majoritaire de l’opinion publique israélienne, dont le souci principal est la sécurité et non l’expansion territoriale.

Il y a des juifs qui se réclament de la religion pour fonder leur fanatisme, mais cette aliénation est un effet et non pas une cause. Elle n’a pu prospérer que suite à l’impossibilité de négocier la fin du conflit depuis 1967, ce qui a emmené tous les gouvernements israéliens sans exception à encourager ou à laisser faire les irréductibles de la Terre Sainte. Ceci dit, la thèse de David Meyer est surréaliste, qui pose qu’Israël mènerait une guerre de religion, alors qu’en face il y a le Hamas, le Djihad islamique, Al Qaeda, le Hezbollah et autres ardents assassins de l’islamisme extrême.

Les plupart des israéliens font confiance en leur démocratie pour gérer le problème des ultras juifs le jour où la fin du conflit sera en vue. En attendant l’opinion publique en Israël est majoritairement favorable à la fin de l’occupation, pour autant qu’il y ait à qui parler. Dans le cas contraire, il est probable qu’Israël finira par se retirer de manière unilatérale de Cisjordanie sur des lignes déterminés par lui seul, tout comme lors du retrait de Gaza.

Israël et son Camp de la Paix

Yeshayahu Leibowitz, penseur, scientifique et figure majeure du monde juif du siècle dernier, avait été en faveur de la Guerre des Six-Jours en 1967 parce qu’il l’avait considérée comme relevant de la légitime défense. Mais peu après il avait prôné avec force le retrait des territoires conquis, considérant que l’occupation était moralement malsaine en plus d’être un risque pour Israël au plan démographique. Il fut un adversaire implacable de l’occupation, et n’eut de cesse que de la dénoncer au moyen de formules d’une extrême violence.

Ce qu’il est convenu d’appeler le « Camp de la Paix » en Israël se complait aujourd’hui à se réclamer de Leibowitz en estimant que sa vision avait été prémonitoire. Cependant cette appropriation post-mortem est abusive parce qu’elle escamote la quintessence de sa vision. Il y avait quelque chose de tragique dans la pensée de Leibowitz, qui d’après ses propres dires n’était en rien un pacifiste. Il estimait en effet qu’il n’y avait aucune paix possible entre Israéliens et arabes, quelles que fussent les conditions ou la bonne volonté des protagonistes, qui d’après lui s’excluaient mutuellement de manière ontologique. Leibowitz exigeait certes la fin de l’occupation, mais était en même temps convaincu que cela ne mettrait pas fin à la guerre.

Ce qu’essaient tous les gouvernements d’Israël depuis 1967 consiste au contraire à obtenir la sécurité par une solution mettant fin à la fois à l’occupation et à la guerre. Cette politique a d’ailleurs partiellement été couronnée de succès, parce  si Israël n’avait conservé le Sinaï après la Guerre des Six-Jours il n’y aurait sans doute jamais eu de traité de paix avec l’Egypte. Cet épisode démontre de manière incontestable qu’Israël avait eu raison de ne pas  restituer de territoires sans rien demander en échange.

Le « Camp de la Paix » caricature le gouvernement en soutenant que celui-ci ne se préoccupe pas de trouver une issue au conflit. En réalité avancer cela n’est pas sérieux eu égard aux efforts manifestes consentis par Israël depuis 1967. La restitution du Sinaï, la paix avec la Jordanie, le retrait du Sud-Liban, le Plan Clinton, l’évacuation de Gaza, les pourparlers Olmert – Mazen et la formule « deux Etats pour deux peuples » de Netanyahu, toutes ces initiatives constituent des précédents assez explicites pour que des négociations entre israéliens et palestiniens soient tentées sans conditions préalables. Le refus persistant de l’Autorité palestinienne est d’autant plus incompréhensible qu’Israël pourrait lui aussi poser des conditions, et exiger par exemple que tout accord éventuel devrait engager d’office et d’avance non seulement l’Autorité Palestinienne, mais aussi le régime de Gaza, qui réclame encore toujours la liquidation d’Israël.

L’intransigeance des palestiniens repose sur un procès d’intention. Ils estiment qu’au travers de ce qu’ils pensent de ce que les israéliens pensent, ils n’obtiendront rien par la négociation. Mais quand bien même ce sentiment serait fondé, l’échec dont Israël se rendrait coupable serait pour les palestiniens une victoire politique et diplomatique. Ils ont donc tout à gagner en négociant, parce que de deux choses l’une: soit ils parviennent à un arrangement, soit ils démontrent qu’Israël est déraisonnable. En réalité il existe une troisième possibilité, à savoir qu’Israël s’avère raisonnable  et que les palestiniens se rebiffent pour des raisons qui n’ont rien à voir avec la raison. C’est probablement ce qui fait qu’ils préfèrent aboutir à la création d’un Etat par tous les moyens excepté la négociation, en d’autres mots sans mettre fin au conflit.

Le « Camp de la Paix » estime que quand bien même les palestiniens seraient de mauvaise foi, c’est à Israël de consacrer le plus grand effort possible et de prendre l’initiative parce qu’il est en position de force, parce qu’il y va de son intérêt, et parce qu’Israël à une responsabilité éthique envers les populations palestiniennes qui vivent dans une prospérité relative mais dans un flou identitaire.  Mais en supposant que les israéliens aillent jusqu’à abattre leurs cartes avant même de négocier, et qu’ils concèdent tout ce qu’il est humainement possible de concéder, mais que néanmoins les négociations échouent, alors un retrait unilatéral de Cisjordanie sur le modèle de celui de Gaza s’imposera tôt ou tard, même aux yeux du « Camp de la Paix ». Il n’y aura alors de frontière sûre et reconnue ni pour Israël ni pour la Palestine, mais un état de fait qui sera tout sauf la fin du conflit.

Un tel retrait serait donc conforme au vœu de Leibowitz, mais serait aussi un retour à la case départ.

Israël ou la fatalité unilatérale

Yossi Beilin, personnalité émérite de la gauche israélienne et ex-ministre de la Justice, est maintenant retiré de la vie politique mais continue à s’exprimer publiquement à propos de la marche du pays. Il fut l’un des artisans des accords d’Oslo de 1993 censés déboucher sur un règlement du conflit israélo-palestinien, mais qui vingt ans plus tard piétinent.

Au cours d’un récent entretien télévisé avec l’éminent journaliste et intellectuel multidisciplinaire Emanuel Halperin, Yossi Beilin a évoqué les conditions dans lesquelles s’était fait le retrait israélien de Gaza en 2005. Il en avait approuvé le principe, mais estimé que le gouvernement de l’époque avait eu tort de le décréter de manière unilatérale, sans se concerter avec l’Autorité Palestinienne. Pour mémoire, peu après l’évacuation tragique de milliers de colons israéliens, le Hamas s’est emparé de Gaza et y a instauré un régime islamiste.

Mais en considérant l’Histoire depuis le rejet arabe du plan de partage suggéré par l’ONU en 1947, on s’aperçoit que chaque fois qu’Israël a été confronté à une impasse, la crise a été résolue au moyen d’un sursaut unilatéral consistant a poser un acte fort. Le premier de ceux-ci fut la déclaration d’indépendance elle-même, initiative qui en 1948  était loin de faire consensus.

Actuellement tous les sondages démontrent que l’opinion publique israélienne aspire à mettre un terme au conflit, et est disposé à en payer le prix. Cependant c’est sur la nature de ce prix que règne une certaine confusion. Si cela  consiste à renoncer à des territoires, alors une majorité d’israéliens y sont favorables. Mais s’il s’agit de renoncer à la sécurité, alors une majorité s’y oppose. Ce qui est déroutant, c’est  que les palestiniens eux-mêmes  semblent désirer un règlement, mais quand ils prennent conscience que cela implique un renoncement au rêve d’éliminer Israël ils éprouvent un blocage, et d’atermoiements en tergiversations ils s’éternisent dans le marasme.

Mais du côté israélien il y a des impératifs qui ne peuvent indéfiniment être différés parce que relevant de la nature même de l’Etat d’Israël , de son caractère juif et démocratique, et donc de sa survie. La question des frontières, le poids de l’occupation, l’hostilité du monde arabe, la pression internationale, tout cela pourrait finir par devenir intenable. Face à l’absence de volonté politique des palestiniens, il apparaît de plus en plus vraisemblable qu’Israël finira par prendre une décision unilatérale à portée historique.

Il n’est donc pas exclu que dans un avenir relativement proche, un gouvernement israélien décrète un retrait unilatéral de Cisjordanie le long de ce qui est aujourd’hui la Barrière de Séparation, ouvrage construit à l’origine pour faire barrage aux infiltrations terroristes. Ce tracé deviendrait alors la frontière définitive d’Israël en incluant la majorité des implantations juives, tout en maintenant une force de sécurité dans certains points sensibles en Cisjordanie.

Les palestiniens pourront considérer ce jour-là qu’ils auront gagné au plan politique.  Ils auront obtenu presque tout ce qu’ils exigeaient tout en pérennisant le contentieux. Ils pourront continuer à revendiquer la liquidation de l’Etat Juif et ambitionner de conquérir la terre d’Israël jusqu’à la fin des temps. Quant au futur Etat arabe de Palestine, on ne peut que spéculer sur que pourrait être sa nature, mais ce sera alors devenu l’affaire des seuls palestiniens.  Cependant on peut toujours espérer qu’ils préfèreront s’allier à Israël plutôt que de se laisser abuser par les sirènes du printemps arabe. L’opinion publique internationale et le monde arabo-musulman pourront difficilement reprocher à Israël de s’être retiré de Cisjordanie, même si les frontières ne seront pas celles qui auraient pu être établies  au moyen de négociations entre parties concernées.

Un retrait unilatéral de l’essentiel de la Cisjordanie n’est sans doute pas la meilleure des solutions, mais les prophètes d’Israël eux-mêmes n’ont jamais prédit que ce qui était susceptible d’arriver.

La volonté selon Yeshayahu Leibowitz (suite)

Le libre-arbitre, ou le « vouloir », dans la terminologie de Leibowitz, c’est l’aptitude à décider sans soubassement. Ce n’est pas une démarche consistant à choisir ce qui est préférable, raisonnable ou logique; ce n’est pas non plus une déduction, sans quoi serait l’effet d’une cause. Le libre-arbitre est indépendant de l’intellect et sans lien avec la perception du monde. Il est détaché de tout, et est donc littéralement ce que la première partie du vocable implique: libre.

Les valeurs sont indissociables du libre arbitre. Cela semble évident quand il s’agit de croire en Dieu, mais ce ne l’est pas moins lorsque l’on fait allégeance à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. En conséquence, comme le libre arbitre ne repose sur rien et que les valeurs reposent sur le libre arbitre, les valeurs ne reposent sur rien.

Les valeurs sont impossibles à étayer ou à faire dériver de la nature. C’est là que se situe selon Leibowitz l’échec de Kant, dans la mesure où ce dernier avance qu’il existe des valeurs universelles. L’impératif catégorique n’est catégorique que si l’on prend sur soi de s’y soumettre. Il dépend donc du libre-arbitre, et on peut décider de s’y soustraire sans que cela tire à conséquence. Woody Allen traite ce thème de manière magistrale tout au long de son œuvre « Le Rêve de Cassandre », « Crimes et délits »).

Dans toute situation l’homme est sujet à la causalité, mais peut aussi s’y dérober. Qui a soif peut décider de ne pas boire, et qui a froid peut décider de ne pas se chauffer. Dans la vie réelle cela peut consister (sans qu’il y ait de raison objective ou subjective) à aller contre son milieu, sa culture, son éducation, sa famille, ses habitudes, ses sentiments, ses convictions, et même ses désirs.

L’homme n’exerce pas son vouloir en réaction à quelque chose, mais peut vouloir causer une réaction à son vouloir. Rien dans la Création n’a de vouloir, sauf l’homme. Pour Maïmonide le vouloir est la signification profonde du verset de la Genèse qui dit que l’homme a été créé à l’image de Dieu. Incidemment c’est l’opposition de fond entre christianisme et judaïsme: le Dieu des chrétiens s’humanise, et chez les juifs c’est l’humain qui relève de Dieu.

Vers le mois de novembre des milliers d’oiseaux qui haut dans le ciel migrent vers les mers du sud en bon ordre. C’est un spectacle magnifique, un dispositif que rien ne semble pouvoir troubler, sauf peut-être d’autres phénomènes naturels. Mais si un des oiseaux quittait la formation pour se poser tout étant en bonne santé et sans qu’aucune anomalie n’explique ce geste contraire à son instinct, on pourrait dire que qu’il y a là quelque chose d’humain.

Maïmonide explique dans son « Guide des Egarés » que les miracles de la Bible sont des artifices littéraires. Non seulement les évacue-t-il de par une exégèse lumineuse, mais il met en avant son émerveillement devant la nature, dont il explique qu’elle est un enchaînement de causes et d’effets, et qu’il est du devoir de l’homme de les étudier. Etant donné qu’il lui apparaît qu’à l’évidence tout fonctionne selon un déterminisme absolu, il en conclut que le libre-arbitre humain est inconnaissable du point de vue épistémologique, et que le vouloir est une exception, surnaturel, et donc proprement miraculeux.

Les capacités intellectuelles de l’homme sont plus importantes que celles des mammifères les plus avancés, mais cela n’explique pas le vouloir. L’intellect peut être pauvre, et le vouloir puissant.

Risquons une métaphore de l’homme par l’ensemble d’une voiture, d’un chauffeur et de son patron. La voiture c’est le corps humain, le chauffeur c’est la raison, et le patron c’est le vouloir. La voiture ne peut rien toute seule. Le chauffeur peut déplacer la voiture si un agent de la circulation le lui intime, ou si un signal lumineux lui indique qu’il doit aller faire le plein. Il peut allumer le moteur pour vérifier s’il est en état de marche, ou serrer le frein à main pour empêcher qu’il ne dévale une pente. Le couple voiture-chauffeur réagit donc à des stimuli ou à des évènements pour lesquels il est programmé, mais il ne se déplacera jamais spontanément. le patron peut en revanche indifféremment se faire transporter vers une endroit précis ou bien au contraire décider de faire rouler la voiture sans que cela corresponde à une quelconque nécessité.

Au cours du sommeil le vouloir disparait. Le déterminisme reprend ses droits, et bien que le dormeur ait une activité cérébrale intense il ne contrôle rien et son esprit fonctionne de manière autonome. Ses rêves peuvent être riches et son imagination active, mais il n’a pas plus de pouvoir sur cette activité-là que sur sa digestion, les battements du cœur ou sa respiration. Il est même incapable de décider de se réveiller. Il le fera en fonction de la manière dont il est programmé, et non en fonction d’un vouloir.

Quand un homme est confronté à un chemin qui se scinde et qu’il doit arriver le plus rapidement possible à destination, il prend le chemin le plus court. Mais il peut tout aussi bien, sans pour autant être fou, prendre le chemin le plus long en sachant qu’il défie sa propre priorité.

Considérons la fin tragique de Roland à Roncevaux: à sa surprise il apprend que les sarrasins sont sur le point de l’attaquer alors qu’il ne dispose que d’une maigre arrière-garde, qui elle-même est distante du gros de l’armée de Charlemagne. Le frère d’armes de Roland l’adjure de sonner du cor pour appeler à l’aide, mais Roland préfère mourir au combat parce qu’il considère que c’est au dessous de sa dignité de ne pas le faire. C’est l’exemple-type du libre-arbitre: Roland prend une décision qui repose sur une valeur qu’il s’est lui-même assignée. On peut arguer que servir d’exemple est une valeur, mais on peut aussi arguer que sauver ses compagnons en est une autre, ce qui fait qu’aucune des deux ne relève de la nécessité. C’est le sujet lui-même qui détermine laquelle des valeurs il considère comme suprême.

Tout le monde sait que les ordinateurs ont des mémoires et des capacités de calcul immenses, mais personne ne pense que cela fait d’eux des hommes. Dans « 2001, l’Odyssée de l’espace » de Stanley Kubrick on voit un ordinateur qui devient indépendant, qui refuse d’exécuter les instructions qu’il reçoit, et qui conçoit même un plan pour empêcher qu’on ne le débranche. C’est cela, et non pas la puissance de l’ordinateur, qui frappe l’imagination et qui fait penser à un être humain.

Chaque individu est différent de par son bagage génétique, son milieu, ses parents, son vécu, etc.., mais Leibowitz reprend à son compte le concept sartrien de la liberté: « Un homme peut toujours faire quelque chose de ce qu’on a fait de lui; on ne fait pas ce qu’on veut et cependant on est responsable de ce qu’on est; être libre, ce n’est pas pouvoir faire ce que l’on veut, mais c’est vouloir ce que l’on peut; que l’important n’est pas ce qu’on fait de nous, mais ce que nous faisons nous-mêmes de ce qu’on a fait de nous. »

Le bijoutier d’Alep

Alep est une ville en Syrie située à une cinquantaine de kilomètres de la frontière turque et à trois cent kilomètres de Damas. Elle a survécu depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours malgré les vicissitudes et les envahisseurs successifs, ce qui en fait l’une des cités les plus anciennes au monde encore en activité.

Peu de régions ont connu une présence juive aussi longue et aussi continue qu’Alep. La Bible mentionne déjà la ville dans le Livre de Samuel et dans les Psaumes, et la première grande immigration juive eut lieu en 586 avant JC suite à la destruction du Temple de Jérusalem.

Au Moyen-âge il y eut une courte période où Alep fut relativement indépendante, au cours de laquelle les juifs jouèrent un rôle important dans la Cité. Mais au treizième siècle les Mamelouks s’en emparèrent et décrétèrent des lois limitant les droits des juifs pour leur barrer l’accès à la vie publique. La synagogue principale fut transformée en mosquée, et les juifs devinrent des Dhimmis, citoyens de seconde zone au statut incertain qui devaient s’acquitter d’un impôt spécial du simple fait de ne pas être musulman.

Au 15ème siècle Alep fut conquise par les mongols. Beaucoup de juifs furent exterminés et d’autres prirent la fuite. Mais quelque temps après les ottomans s’emparèrent de la région et virent la présence juive d’un œil plutôt favorable parce qu’ils la considéraient comme une valeur ajoutée pour l’impérialisme turc en plein épanouissement. La communauté reprit de la vigueur, prospéra et changea même de physionomie suite à l’afflux des juifs expulsés d’Espagne et parlant ladino, qui après avoir traversé l’Europe de part en part étaient parvenus en Turquie.

Un manuscrit datant du 10eme siècle est depuis près d’un millénaire la référence absolue pour le texte, la cantillation et l’orthographe de la Bible hébraïque. Maïmonide, philosophe et guide spirituel du judaïsme en Egypte, s’en est servi pour déterminer la mise en page des rouleaux de la Thora telle qu’on la connaît aujourd’hui. Mais bien qu’ayant été produit à Tibériade, ce manuscrit est connu sous la nom de « Codex d’Alep » parce qu’après de nombreuses péripéties il fut remis aux soins de la communauté d’Alep pour y demeurer six cents ans d’affilée sans que jamais de duplicata ne fût réalisé.

Les juifs comptent parmi les plus anciens habitants d’Alep, mais après y avoir vécu sans interruption pendant près de 2500 ans, il n’y en a plus depuis six décennies. La communauté est disséminée dans le monde entier, mais les anciens en gardent un souvenir ému. Cette nostalgie les conduit à entretenir dans leur mémoire un Alep virtuel et à conserver entre eux des liens privilégiés.

Qu’a-t-il bien pu se passer pour que cette communauté immémoriale, si profondément enracinée en Syrie depuis Babylone, ait pu se volatiliser aussi radicalement ?

Le 29 novembre 1947 l’Assemblée générale des Nations-Unies votait le partage de la Palestine en deux Etats, l’un arabe et l’autre juif. Dès le lendemain de violentes émeutes éclataient à Alep et une foule déchaînée criait « mort aux juifs », mettant à sac tout ce qui pouvait leur être associé sans que les autorités s’en mêlent. Un ancien d’Alep raconte qu’au cours de la nuit qui suivit, son père entreprit de se rendre discrètement dans sa bijouterie, et à la lueur d’une bougie mit son stock dans un sac pour le déposer ensuite en lieu sûr. En rentrant chez lui il relata son équipée à son fils en prononçant ces mots qui s’imprimèrent à jamais dans sa mémoire : « cette nuit, j’ai cambriolé mon propre magasin ». Quarante-huit heures plus tard la communauté juive se muait en cohorte de réfugiés et quittait Alep pour toujours.

Les tout premiers réfugiés du conflit israélo-palestinien furent donc les juifs d’Alep, et non les arabes de Palestine, et ceci avant même la création de l’Etat d’Israël. Ce fut le prélude à ce que peu après plus de 800.000 juifs du monde arabe furent persécutés, spoliés et finalement chassés des terres d’Islam. Aucun d’entre eux n’eut jamais droit au statut de refugié de l’ONU. Le Codex d’Alep disparut de la circulation à la faveur des évènements, et ressurgit en Israël une décennie plus tard, en partie détruit et dans des conditions restées obscures.

Ces temps-ci la Syrie est en proie à la guerre civile, et la bataille fait rage à Alep. La vielle ville, classée patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco, est une ligne de front entre des rebelles douteux et une armée irrégulière, et la ville se désintègre.

Le fils du bijoutier d’Alep est aujourd’hui un grand-père heureux qui coule des jours paisible en Israël, l’Etat Juif.

La volonté selon Yeshayahu Leibowitz

Le concept d’impératif catégorique du philosophe Emmanuel Kant consiste à proposer à l’homme une conduite morale basée sur la raison de manière à que l’on puisse la poser en règle universelle, et donc fonder la loi sur base d’un consensus. Mais Yeshayahu Leibowitz, penseur du judaïsme, philosophe et scientifique, objecte que tout en acquiesçant à ce principe l’on ne peut faire l’impasse sur la volonté humaine, parce que celle-ci défie les lois de la Nature et donc celles de la raison. Il pense donc que l’homme ne fait pas partie de la Nature justement parce qu’il est capable de dissocier sa volonté de sa raison.

En physique il n’y a pas d’effet sans cause, or la volonté humaine n’est pas soumise à cette règle. Elle marque au contraire un coup d’arrêt à la causalité. C’est une phénomène unique dans la Nature, parce que depuis l’atome jusqu’aux galaxies, rien dans le cosmos, aussi complexe soit-il, n’exprime de volonté. Il est donc d’après Leibowitz impossible de comprendre la véritable nature de la volonté humaine.

Les animaux sont capables de réfléchir, d’éprouver de la souffrance – et même de la souffrance psychologique – mais ne font jamais que réagir. L’écart entre intelligence humaine et animale n’est pas forcement à apprécier sous l’angle quantitatif (il y a des animaux qui ont des facultés cognitives supérieures à celles de l’homme), mais sous celui de l’aptitude à vouloir. L’homme, en plus de la faculté de comprendre, est capable de vouloir sans tenir compte de ce qu’il comprend. Entre les deux il n’y a aucun lien de cause à effet ni aucun rapport à la réalité.

Tout homme connaissant et comprenant la pertinence de l’impératif catégorique de Kant peut tout aussi bien décider de s’y soustraire. La morale kantienne ne s’impose donc en rien du point de vue de la nécessité, parce qu’il est impossible de démontrer que la morale émane de la Nature. Au contraire, l’homme échappe au déterminisme en manifestant sa volonté, que ce soit en harmonie avec la Nature ou pas. Il n’exerce pas sa volonté en réaction à quelque chose, mais cause au contraire quelque chose à se produire de par sa volonté. L’homme est donc en quelque sorte cause première de soi-même, y compris de son caractère, même si cette formule ne fait qu’éluder ce qui est en fait une énigme.

Décision et volonté sont synonymes dans un certain sens. Sans volonté l’homme ne serait pas en mesure de décider, parce que décider c’est l’antithèse de conclure. Le propre d’une conclusion est du même ordre que la science, qui est la seule chose qui soit véritablement universelle parce que subordonnée à la Nature. La science n’engage à rien d’autre qu’à comprendre. Elle s’impose d’elle même, ce qui signifie qu’il n’y a là rien à décider. Ce qui caractérise la décision humaine c’est justement ce prodige qui consiste à ce qu’elle se manifeste sans mobile.

On peut donc en conclure que tout ce qui est spécifiquement humain relève paradoxalement de l’irrationnel.

Mali – Gaza, même combat

Un corps d’armée français a récemment débarqué sur le continent africain pour une tentative de colonisation du Mali. Alors que de courageux activistes de l’Islam radical sont occupés à y instaurer la Sharia, les infidèles français prétendent dicter leur loi à des milliers de kilomètres de chez eux, et lancer une soldatesque à l’assaut de l’Afrique pour y imposer la pornographie et l’athéisme.

Cette agression au moyen d’armement lourd et d’une force aérienne dévastatrice semble déjà avoir fait de nombreuses victimes parmi résistants islamistes et civils. Des observateurs d’Amnésie International accourus d’Israël suivent les combats de près à la télévision et confirment que des exactions non confirmées ont lieu dans un rayon de mille kilomètres autour d’un point non identifié. Des photos truquées prisent par des menteurs au dessus de tout soupçon prouvent le carnage de manière irréfutable, ce qui est d’ailleurs réfuté par tous les absents qui n’y sont pas.

Le juge Goldstone d’Afrique du Sud aurait été dépêché d’urgence par une Commission spéciale de l’ONU présidée par la Syrie pour enquêter sur les crimes de guerre au Mali. Quand la nouvelle lui est parvenue, le vénérable magistrat au passé raciste aurait été surpris en train de déposer des couronnes de fleurs sur les tombes de jeunes gens qu’il avait condamné à mort au bon vieux temps de l’Apartheid. Le juge Goldstone se serait déclaré disponible pour fabriquer un rapport imaginaire sur le Mali comme il l’a fait concernant l’opération « Plomb Durci » à Gaza.

Selon des sources indignes de foi le gouvernement israélien aurait été informé par les autorités françaises de leur intention de continuer sur la lancée et de s’emparer de Gaza afin de mettre fin au juste combat des islamistes contre les enfants juifs d’Ashdod, Sderot, Beersheba et Ashkelon, agglomérations palestiniennes provisoirement occupées par l’Entité Sioniste.

Des désinformations non validées par des fuites organisées laissent entendre que des contacts secrets existeraient entre Israël et la France pour une opération conjointe contre deux organisations humanitaires du Moyen-Orient, le Hamas et le Hezbollah. La raison qu’avance en cercle privé le Ministre français des Affaires étrangères est que si l’armée de la République se donne la peine de venir à la rescousse de 6000 français hors de danger au Mali alors il n’est que juste qu’elle se soucie des 150.000 français d’Israël bombardés au quotidien par Gaza. Pour mémoire, le Mali est à 6000 KM de la France et Gaza est à 0 KM d’Israël.

Cependant un haut responsable du Quai d’Orsay déclare sous couvert d’anonymat public qu’il n’en est rien, mais que la France est résolument du côté d’Israël et se battra contre les islamistes de Gaza jusqu’au dernier juif à l’image de ce que fit jadis le Maréchal Pétain dans son combat antinazi. Ce responsable a précisé que les islamistes trouveraient la France sur leur chemin partout où il y aurait du pétrole. Enfin il a ajouté en confidence que s’il fallait leur livrer l’Etat d’Israël contre du gaz algérien ce ne serait après tout qu’un bien modeste tribut au nom de la civilisation occidentale.

Précis de Palestine

L’avènement de l’Etat d’Israël à travers le sionisme est l’aboutissement d’un projet magnifique, d’une aventure humaine hors-normes qui ne s’est faite au détriment de personne. Pourtant Israël ne survivrait pas quarante huit heures si certains de ses voisins avaient l’assurance d’être les plus forts. C’est vrai aujourd’hui, mais c’était déjà vrai de 1948 à 1967, quand il n’y avait ni colonisation ni occupation israélienne, et que les palestiniens pouvaient revendiquer un Etat en Cisjordanie et à Gaza sur ce même territoire qu’ils revendiquent aujourd’hui d’Israël.

Le dépècement de la Palestine avait commencé avec la création de la Transjordanie entre les deux guerres mondiales. Ce territoire essentiellement palestinien (75 %) s’appelle aujourd’hui Jordanie, et est dominé par une minorité bédouine (25 %). Chaque fois que les palestiniens de Jordanie ont eu des velléités d’indépendance ils ont été massacrés . Peu après sa création en 1946, la Jordanie s’est emparée de la Cisjordanie et de la vielle ville de Jérusalem, et annexé ces territoires sans la moindre intention de les céder à ses habitants. En passant ils ont foulé aux pieds la Résolution 181 de l’ONU internationalisant les lieux saints, et interdit à tout juif, israélien ou pas, d’y pénétrer pendant les 19 ans de l’occupation jordanienne.

Avant 1948 il y avait à peu près un millions huit cent mille palestiniens sous occupation britannique, soit deux tiers de palestiniens arabes et un tiers de palestiniens juifs. Tous palestiniens, donc. Après que les britanniques évacuent la Palestine, arabes palestiniens et juifs palestiniens avaient donc de tous points de vue les mêmes droits sur ce pays, non pas pour des raisons mythiques, mais tout d’abord parce qu’ils y étaient. On peut arguer à l’infini sur l’évolution de la démographie de la Palestine au fil de l’Histoire, mais nul ne peut contester qu’il y avait eu sur ces lieux une présence juive ininterrompue depuis l’Antiquité.

Il n’y avait pas d’Etat palestinien avant 1948, mais des clans, des tribus et des communautés disparates. En évacuant la Palestine, les britanniques laissaient non pas quelque chose qui ressemblerait à l’Etat Français, mais une mosaïque dont les principaux éléments étaient arabes et juifs. Les juifs avaient cependant développé depuis près d’une siècle un ensemble cohérent d’institutions comme l’Université de Jérusalem, une centrale syndicale, une éducation nationale, un système de transport, une agriculture, une police, et même un embryon de force militaire sous contrôle britannique.

Il y eut de nombreuses tractations entre arabes et juifs avant l’indépendance d’Israël, mais les leaders arabes avaient décidé de recourir à la violence dès les années 1920 et se sont même alliés aux nazis dans l’espoir que la liquidation des juifs s’étendrait à la Palestine. Il eût été préférable d’aboutir à une solution par le dialogue, mais il n’y avait aucune obligation morale ni légale pour les juifs de solliciter de qui que ce soit la permission de se constituer en Etat. Il n’y avait pas d’entité nationale palestinienne en 1948, mais un territoire nommé Palestine qui se retrouvait sans occupant pour la première fois depuis des siècles. Faute de pouvoir s’entendre avec les palestiniens arabes, les six-cent mille palestiniens juifs ont fait valoir le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Ils ont proclamé leur indépendance conformément au plan de partage de l’ONU, qui ne leur accordait pourtant que la portion congrue de la Palestine historique.

Il est courant d’entendre que la création de l’Etat d’Israël a été précipitée par la Shoah. En réalité c’est l’inverse: la Deuxième Guerre Mondiale a retardé cette création. Il y avait déjà eu en 1937 la Commission Peel, délégation britannique venue examiner la situation politique, démographique et culturelle de ce territoire qui n’avait quasi jamais connu de souveraineté depuis les rois de Judée. Le rapport de la Commission Peel date de 1937, soit de dix ans avant la Résolution de l’ONU recommandant le partage de la Palestine, et démontre que celle-ci ne ratifiait pas une fiction, mais une réalité sur le terrain.

Le mini-Etat d’Israël de 1948 recelait une population qui pour une partie n’y était que depuis peu, mais cela n’enlève rien à sa légitimité, tout comme en France la population dite « issue de l’immigration », sont des citoyens à part entière. La différence avec la Palestine, c’est qu’il n’y avait pas d’identité locale, mais une peuplade multiethnique dont une partie était même nomade.

L’arrivée des juifs en Palestine sous l’impulsion du sionisme ne relève pas d’une conquête, mais d’un mouvement de population. Les palestiniens arabes ont cependant un argument recevable du fait que l’occupant britannique ait donné de la consistance au projet d’Etat Juif en promulguant la Déclaration Balfour en 1917. Mais du point de vue juif, débarquer à l’époque en Palestine avec un visa en bonne et due forme délivré par le maître des lieux était parfaitement légitime. Même vu sous cet angle, les juifs ne commettaient aucune faute, et arrivaient de bonne foi sous la tutelle de celui qui détenait les clés de la Palestine. Si l’on tient absolument à pointer du doigt des coupables, c’est à Londres qu’il faut aller les chercher, mais c’est un peu tard parce qu’ils sont morts, et qu’Israël vit.

En 1948 la plupart des observateurs pariaient sur le décès d’Israël dans les six mois. En 1967 le monde entier s’attendait à la liquidation d’Israël. Mais les six cent mille juifs faméliques de 1948 sont devenus six millions, ceci dans un pays moderne, prospère et dynamique, et vivent pacifiquement avec un million et demi de concitoyens arabes israéliens.

Une grande partie des palestiniens n’a toujours pas intériorisé l’idée qu’Israël est là pour rester. Quand on voit que l’Etat d’Israël n’existe sur aucune de leurs cartes géographiques et que leur système scolaire enseigne que Tel-Aviv fait partie des territoires occupés, on est en droit de se méfier. Tant que les palestiniens ne seront pas disposés à mettre un terme au conflit, il n’y aura, au mieux, qu’un interminable cessez-le-feu. En attendant le temps joue contre le peuple palestinien, victime non pas d’Israël, mais d’un narratif stérile.

La Palestine observe, Israël construit

L’admission de la Palestine au statut d’Etat observateur aux Nations-Unies  est une victoire diplomatique pour l’Autorité Palestinienne. Mais les effets secondaires sont tels que cette avancée pourrait constituer un recul pour le processus de paix. Du point de vue de la communauté internationale il n’y a là aucun changement de fond, puisque l’ONU avait déjà adopté en 1947 le principe de deux Etats en Palestine, l’un juif et l’autre arabe. Mais du point de vue israélien cette initiative renforce l’impression que les palestiniens ne veulent en aucun cas entendre parler de fin du conflit, qu’il s’agisse des modérés ou des partisans de la violence.

Même si Israël acceptait de faire certaines des concessions que réclament les palestiniens, cela ne pourrait s’accomplir qu’au moyen de négociations directes. Il n’en est cependant pas question pour l’Autorité Palestinienne, tétanisée comme elle l’est par l’idée même de négocier, parce que ce qu’elle craint par-dessus tout,  c’est qu’Israël lui propose un arrangement acceptable.

Il est vrai que certains dirigeants palestiniens désirent  être perçus comme œuvrant pour l’amélioration du sort de leur peuple, et qu’ils sont même disposés à faire des efforts dans ce sens. Le problème est qu’ils ne veulent en aucun cas payer ce qu’ils considèrent comme le prix ultime, qui serait de mettre un terme au conflit. Toute la stratégie arabe  en la matière consiste depuis les origines à ne jamais aller au-delà d’un cessez-le-feu, de manière à ne jamais reconnaître le droit de l’Etat Juif à l’existence.

Qu’il s’agisse  de l’armistice de 1948 ou de l’arrêt récent des bombardements du Hamas, les palestiniens ne considèrent les cessations d’hostilités que comme des pauses de guerre, qui elle doit continuer à tout prix jusqu’à la liquidation d’Israël. Les accords d’Oslo, censés paver la route de la paix, n’ont été pour les palestiniens que l’occasion de préparer l’Intifada , consistant à enterrer toute perspective de paix sous des milliers de juifs explosés dans des autobus ou des lieux publics, en Israël ou ailleurs. Même après sa déroute de la Guerre des Six-Jours en 1967, le monde arabe a adopté la résolution dite des « Trois Non « : Non à la  paix avec Israël, non à la reconnaissance d’Israël, non à la négociation avec Israël.

Nous en sommes, au fond, toujours là.

Le gel des constructions israéliennes en Cisjordanie est une condition que pose l’Autorité Palestinienne pour revenir à la table de négociations, mais c’est un non-sens complet. D’une part la seule manière de déterminer où se situe la frontière entre Israël et la Palestine consiste à en débattre entre les principaux intéressés; d’autre part le gouvernement israélien a gelé les constructions pendant dix mois en 2010 sans que l’Autorité palestinienne ne se manifeste, ce qui démontre à quel point les palestiniens sont empêtrés dans leur marasme.

Cela va faire quatre ans que le gouvernement israélien actuel est au pouvoir, or si l’Autorité Palestinienne s’était mise à table dès le début, les contours de la Palestine auraient peut-être été définis et  la question résolue, ou au contraire, du point de vue palestinien, la mauvaise foi d’Israël démontrée. Quoi qu’il en soit, l’obsession de l’élimination d’Israël aboutit à une réalité sur le terrain qui consiste à ce que les palestiniens préfèrent laisser Israël continuer à construire sur ce qu’ils considèrent comme leurs terres, plutôt que d’arrêter ces constructions par des frontières mutuellement consenties.

Quand il s’est avéré il y a plus de trente ans que le Président Sadate était sérieux dans son désir d’aboutir,  Israël a restitué le Sinaï à l’Egypte. Nul ne peut prédire aujourd’hui sur quoi de véritables pourparlers entre israéliens et palestiniens pourraient déboucher, mais l’Histoire démontre qu’Israël a su faire les gestes qu’il fallait quand la paix était à la clé. Quoi qu’il soit, et même si les positions semblent inconciliables, seul un face-à-face serait à même de le démentir et de déclencher une dynamique où les deux côtés se dépasseraient sous l’effet d’un moment de grâce, ou chacun pourrait donner plus qu’il ne l’avait envisagé au départ.

Jabotinsky, intellectuel et figure majeure du sionisme disait en 1923 à peu près ceci dans son manifeste « La Muraille d’acier » : « Notre credo est pacifique,  mais c’est une autre question que de savoir si nos objectifs peuvent être atteints pacifiquement. Cela ne dépend  pas de nos relation avec les Arabes, mais de la relation des Arabes au sionisme. Tant qu’ils auront la moindre illusion qu’ils peuvent se débarrasser de nous, ils n’y renonceront pas. Ce n’est que quand aucune brèche n’apparaîtra de notre  côté que les extrémistes arabes perdront leur ascendant. C’est alors, et alors seulement,  que les modérés seront disposés à discuter avec nous. Dans ces conditions, et dans ces conditions seulement, les deux peuples pourront vivre en bon voisinage et en paix.  »

Près d’un siècle plus tard cette doctrine n’a pas pris une ride.

Translate »