Terrorisme et riposte.

Suite au massacre perpétré en Israël par le Hamas, la sociologue Eva Illouz s’est exprimée au cours d’une interview sur la question de la proportionnalité de la riposte de Tsahal:

« …cette question de proportionnalité quand il s’agit d’un événement humain aussi important que la guerre me laisse perplexe. Qu’est ce que la proportionnalité ? Décapiter, violer, torturer 500 Palestiniens contre les 1500 Juifs qui sont morts dans des conditions similaires ? Comment créer une commensurabilité des massacres ? Parce qu’Israël vit constamment dans un état de guerre et de conflit, il a développé une doctrine militaire exigeant que l’ennemi paie un prix plus fort, pour le dissuader de recommencer. »

La question de la proportionnalité  se pose surtout – mais pas seulement – quand des civils innocents risquent d’être victimes d’affrontements entre forces armées. Mais il n’y a à Gaza  qu’une seule catégorie de civils dont on peut être certains qu’ils sont innocents, à savoir les enfants. Quant aux adultes ils sont certes sous l’emprise du Hamas, mais ils partagent généralement avec leurs maitres la haine des Juifs. Beaucoup de civils collaborent  activement aux crimes du Hamas, même sans en faire formellement partie.

Dans l’opinion publique israélienne il y a des voix qui s’élèvent pour exiger de suspendre l’aide humanitaire à Gaza aussi longtemps que ne seront pas libérés les otages enlevés lors du massacre du 7 octobre. Le spectacle de convois humanitaires qui approvisionnent Gaza ces jours-ci a quelque chose de surréaliste et d’indigne quand on pense qu’il y a parmi cette population d’innombrables  complices et assassins qui cherchent maintenant à échapper à la riposte de Tsahal.

Punir collectivement une population n’est jamais moral. Dans toute guerre il y des victimes collatérales, or la guerre contre le Hamas n’échappe pas à cette règle. Mais l’inhumanité du Hamas va jusqu’à sacrifier sa propre population en la transformant en bouclier humain. Israël n’a aucune responsabilité d’aucune sorte concernant ces victimes collatérales-là quand il s’agit de protéger ses propres civils, réellement innocents, eux, et pas seulement les enfants.

L’Alyah d’antan

Dans ma bonne ville flamande d’Anvers, nous étions une communauté juive vivant en autarcie. Des expatriés sans patrie. La plupart d’entre nous étions nés à Anvers, mais nos parents ou grands-parents venaient d’ailleurs, généralement d’Europe de l’Est.

Les Juifs étaient répartis en trois groupes: les séculiers, les religieux modérés et les ultraorthodoxes.  Les deux premiers de ces groupes étaient résolument sionistes. Il n’y avait en revanche pas de Juifs assimilés, ou alors ils l’étaient tellement, qu’ils n’étaient pas juifs du tout.

Les Juifs d’Anvers se conduisaient en citoyens respectueux de l’Etat, mais ne fréquentaient pas, ou très peu, les non-juifs. La quasi-totalité des enfants étaient scolarisés dans des écoles juives. Leur vie sociale était articulée autour de la judéité: école juive, club sportif juif, mouvement de jeunesse juif, religion juive. Une fois sortis de l’école, ceux qui ne partaient pas pour  Israël entraient dans l’industrie diamantaire, juive, elle aussi.

Les plupart des enfants fréquentaient un des mouvements de jeunesse sionistes. Ceux-ci avaient des sensibilités politiques qui allaient de l’extrême-droite à l’extrême gauche, mais avaient un indépassable horizon commun: l’Alyah. Il s’agissait de former les jeunes de  manière à les préparer à partir pour Israël et s’établir au kibboutz.

Cette conception était la continuation d’un vent nouveau qui soufflait sur les communautés juives à travers le monde depuis le début du siècle, mais qui avait été suspendu par la Shoah. Du point de vue idéologique, il ne s’agissait pas de promouvoir une Alyah tous azimuts, mais de galvaniser explicitement cette jeunesse d’après-guerre qui avait la vie devant elle.

Il s’agissait de bâtir Israël : c’était une affaire de jeunes. Les anciens ce serait pour plus tard. L’Etat d’Israël lui-même était ambivalent par rapport à l’Alyah d’éléments qui pourraient constituer une charge pour une économie encore fragile.

Il fallait inciter les générations montantes de la Diaspora à venir en Israël avant même d’apprendre un métier ou de faire des études. Ces choses-là pourraient être envisagées plus tard, en Israël, tout en travaillant la terre les armes à la main.

Dans ces mouvements de jeunesse on apprenait l’histoire du sionisme et celle de la terre d’Israël. Il fallait faire connaissance avec l’hébreu, intégrer  la géographie et se familiariser avec les codes de l’Etat juif. A l’âge de 15 ans les adolescents devaient prendre une part active dans la direction du mouvement et se déterminer par rapport à l’Alyah. En général cela se résumait à s’engager sur l’honneur à partir au kibboutz  dès la fin de la scolarité, à 18 ans.

Il ne s’agissait pas de projeter l’Alyah dans un futur indéfini en fonction des aléas de la vie. C’était le contraire : il fallait imprimer à sa vie un tournant indépendant de toute contingence,  dès la sortie de l’enfance : décider de « monter »  en Israël, au kibboutz, avant même de savoir en quoi consisterait cette existence juive d’un type nouveau.

Gérard Miller ou la doctrine de la cécité

Gérard Miller est un intellectuel français originaire d’une famille juive polonaise. Il est psychanalyste, professeur des universités et éditorialiste à la télévision.

Miller est un passionné du communisme. Il a adhéré, ou   a été compagnon de route, du Parti communiste français, de l’Union des étudiants communistes, du Parti communiste chinois , du Mouvement français marxiste-léniniste et de la Gauche prolétarienne. Aujourd’hui il soutient Jean-Luc Mélenchon, guide spirituel de La France insoumise^, parti islamogauchiste et wokiste et naturellement antisémite.

Il vient de commettre un article dans le journal « Le Monde », où il  condamne les Juifs qui soutiennent Marine Le Pen ou Eric Zemmour, respectivement dirigeants du « Rassemblement National » et de « Reconquête ».

Il est vrai que Le Rassemblement National traîne encore ses racines nazies, collaborationnistes et antisémites, malgré les tentatives de dédiabolisation de Marine Le Pen.  Il y a cependant des Juifs qui croient à sa reconversion et qui la soutiennent. Question d’opinion.

Mais il n’y a en revanche rien d’analogue chez Reconquête, parti de droite d’inspiration gaulliste. Aucun patriote, juif ou pas, ne doit craindre de se retrouver en mauvaise compagnie en soutenant le parti de Zemmour.

Miller dénonce le scandale que serait pour un Juif que de soutenir un de ces partis. Il est permis d’être sceptique quant à la rédemption du Rassemblement National, mais le fait est que le discours antisémite n’y a plus sa place depuis l’éviction de son fondateur Jean-Marie Le Pen. Les rares militants qui font des réflexions antijuives sont exclus sans ménagements.

En revanche, les dirigeants de La France Insoumise fraternisent sans états d’âme avec les antisémites de partis de gauche du Royaume-Uni ou d’ailleurs. Mélenchon vouait un amour inconditionnel à feu Hugo Chavez, président du Venezuela qui rappelait au monde qui avait tué le Christ.

Mais ce qui est à la fois sérieux et comique dans cette affaire, c’est que « La France Insoumise » puise une grande partie de sa clientèle chez les antisémites des « quartiers », où Miller dit lui-même que « des familles juives sont contraintes de déménager, et où  l’antisionisme a tout d’un antisémitisme à peine voilé.»

Dernièrement une députée Renaissance a même suggéré  la dissolution de « La France insoumise » pour antisémitisme. Les sorties  de Jean-Luc Mélenchon ne peuvent laisser aucun doute à ce sujet.

En conclusion, l’inénarrable Gérard Miller dissuade les Juifs tentés par la droite, mais appelle ses concitoyens à soutenir La France Insoumise,  seul parti politique de France littéralement possédé par l’antisémitisme.

Genèse d’une crise politique

Je soutiens l’opposition à la réforme judiciaire dans sa forme actuelle,  et exprime mon aversion du gouvernement qui la promeut. Je suis opposé à ce gouvernement pour une série de raisons, qui peuvent se résumer en une formule simple : j’estime qu’il n’est pas en phase  avec le projet sioniste, et qu’il ne respecte ni la lettre ni l’esprit de la déclaration d’indépendance d’Israël.

Je me sens néanmoins isolé concernant mon point de vue sur la genèse de la crise. Je trouve qu’il y a une manière déloyale, chez les opposants à Netanyahu, d’en escamoter l’origine. Tout se passe comme si leur détestation du personnage justifiait un déni de démocratie, ou pire.

Cela fait une dizaine d’années qu’un cercle vicieux fait des ravages dans la vie politique israélienne. Comme souvent dans ces cas-là, on a tendance à perdre de vue la genèse.

Benjamin Netanyahu a longtemps été soucieux concernant l’indépendance des juges en général, et de la Cour suprême en particulier. C’est Aharon Barak lui-même qui l’a encore récemment relevé . Netanyahu n’a jamais été dupe du caractère prétendument apolitique de la Cour suprême, mais estimait, comme beaucoup de monde, qu’en l’absence de Constitution cela valait mieux que rien. Et puis, soudain, il y a quelques années, il a commencé à se retourner contre le pouvoir judiciaire.

La question est de savoir pourquoi. La réponse simple, mais simpliste, est que c’est parce que cette fois-là c’était lui-même qui était mis en cause. Mais il  va de soi que dans ces cas-là on pense d’abord à soi-même, en particulier quand on n’a rien à se reprocher. C’est en tous cas la position que défend Netanyahu, et le centre de gravité de ma thèse.

Dès le début de la décennie précédente ses adversaires commençaient à désespérer de jamais pouvoir le déloger de manière démocratique. Des forces politiques, médiatiques et judiciaires se sont liguées pour le défaire d’une manière ou d’une autre. Il ne s’agit bien entendu pas d’un complot, mais d’une grogne diffuse qui avait saisi une partie de l’opinion publique, qui commençait à trouver que la démocratie n’avait pas que du bon.

Des moyens inouïs ont été mis en œuvre pour fouiller dans la vie publique et privée de Netanyahu. Intimidation de témoins, interrogatoires musclés et mises sur écoute ont été instrumentalisés sans compter.  Le coût financier de ce feuilleton est astronomique.

Selon le journaliste financier Ely Tsipori, le coût direct des poursuites judiciaires contre  Netanyahu s’élevait à plus de 500 millions de shekel en janvier 2022. Ceci sans compter le coût indirect des élections à répétition et de ses effets toxiques sur l’économie. Un an et demi plus tard nous sommes loin du dénouement.

Ma thèse repose sur un postulat, à savoir que le procès de Netanyahu est une fabrication. Comme toute fabrication de ce type, elle se donne une apparence légaliste. Dès les premières enquêtes s’est formé un front hostile avec pour seul motif que Netanyahu allait être inculpé pour de bonnes raisons. On ne lui reprochait pas sa politique, mais des délits qui restent à ce jour à démontrer.

Lorsque Benny Gantz a décidé de rallier le gouvernement de Netanyahu sous condition de rotation, celui-ci avait fait mine d’accepter, mais s’est ensuite ravisé. Il estimait que cette exigence était un chantage avec pour levier les accusations dont il était l’objet.

Dès que l’opposition a commencé à exiger que Netanyahu se démette, elle l’a fait d’une manière singulière : des ténors du journalisme et de la classe politique n’exigeaient pas qu’il aille en prison, mais qu’il aille à la maison. Bizarrement, personne ne voulait de punition autre que celle de le forcer à la retraite. Cette sorte d’acte manqué démontrait que pas grand-monde ne croyait à ce dont il était accusé, mais beaucoup comptaient sur une procédure longue qui l’écarterait, innocent ou pas.

Dernièrement, les trois juges qui mènent le procès contre Netanyahu  ont eu une réunion avec des représentants du Parquet.  Ils leur ont suggéré de renoncer à l’accusation de corruption, parce qu’ils estimaient que ce serait difficile d’en apporter la preuve. Le chef de la police d’alors a réagi en déclarant à la presse que personne n’avait envisagé que Netanyahu ne démissionnerait pas sous le coup d’une inculpation.  Cela a déclenché une violente réaction du Likoud, dont le porte-parole a estimé que l’inculpation n’avait jamais eu aucune chance de convaincre le tribunal,  mais que l’objectif avait été de  provoquer la démission de Netanyahu.

Le gouvernement Bennett/Lapid était censé offrir une solution à la crise en 2021. La seule certitude de cette parodie était qu’elle n’avait aucune chance de durer. Lors de sa campagne électorale, Naftali Bennett s’était adressé au pays à peu près en ces termes :

« Je ne contribuerai en aucune manière, à aucune condition, à un gouvernement où Lapid serait Premier ministre, parce qu’il s’agit d’un gauchiste. J’exclus la participation du parti Meretz parce qu’il s’oppose au principe d’un Etat juif et démocratique. Je m’engage à ne jamais soutenir de constellation autre qu’un gouvernement ancré à droite. Je mets Netanyahu en demeure de ne pas s’allier avec le parti arabe Ra’am. »

Après les élections Bennett a violé ses propres lignes rouges en arguant que cela avait été le prix pour mettre fin aux élections à répétition et sauver le pays. Mais il n’a ni sauvé le pays ni mis fin aux élections à répétition. Il a au contraire contribué à ce que l’anathémisation de Netanyahu accouche d’un gouvernement d’ultra-droite grâce au soutien de fanatiques ultra-orthodoxes et de voyous fascisants. Le gouvernement Bennet/Lapid a été une farce.

La manœuvre consistant à tenter d’éliminer Netanyahu du pouvoir autrement que par les urnes est un déni de démocratie intolérable. Cela a conduit à un nouveau déni de démocratie par le gouvernement actuel.

Maintenant cette question : si Netanyahu n’avait jamais été poursuivi en justice, en serions-nous là où nous sommes ? Je ne le pense pas. Il me semble même qu’une réforme judiciaire équilibrée aurait vu le jour de manière sereine, sous la conduite d’un gouvernement authentiquement démocratique.

Netanyahu et l’anti-bibisme

Netanyahu est au pouvoir depuis de longues années. Son bilan ne fait pas l’unanimité, mais on ne le juge généralement pas médiocre non plus. La plupart des observateurs conviennent que la bonne santé de l’économie lui est, au moins en partie, redevable. Concernant le conflit israélo-arabe, il a toujours été prudent et mesuré. Il a appelé à  un Etat palestinien vivant côte-à-côte avec Israël. Le rapprochement avec les Emirats, le Maroc, l’Arabie saoudite et autres régimes naguère hostiles s’est déroulé sous sa gouvernance. Les rapports avec les Etats-Unis ont connu des turbulences lors de la présidence d’Obama, mais celui-ci avait un rapport trouble avec Israël suite à ses liens avec un pasteur antisémite comme mentor.

Cela fait des  années que la classe politique de droite est irritée par la Cour Suprême quand elle retoque des lois pour des raisons plus idéologiques que juridiques. Il est vrai que celle-ci se comporte comme un parti politique, bien que ses juges soient nommés en fonction d’un système opaque. Les gouvernements de ces dernières années en sont  venus à s’abstenir de déposer certains projets de lois, sachant qu’ils ne passeraient pas la censure de la Cour Suprême.

Netanyahu est populaire depuis des décennies et remporte toutes les élections internes de son parti ainsi que la plupart des législatives. A noter que personne ne conteste la régularité de ces scrutins.

Confronté à sa remarquable longévité, un certain agacement  a commencé à se manifester vers 2015, aussi bien parmi ses alliés politiques que ses adversaires. Un pacte informel contre sa personne a vu le jour, visant à le renverser par des moyens  douteux.  Le tout soutenu par des forces politiques, médiatiques et judiciaires, alliés objectifs avec pour seul dénominateur commun l’acharnement à défaire Netanyahu.

De moyens énormes ont été mis en œuvre pour fouiller dans la vie publique et privée de Netanyahu. Il fallait le trainer en justice à tout prix. Intimidation de témoins, interrogatoires musclés et mises sur écoute ont été instrumentalisés sans compter.  Le coût financier de cette curée est astronomique, ceci dans le seul but de créer un climat de nature à forcer Netanyahu à se démettre.

Dernièrement l’accusation de corruption qui faisait partie des charges contre lui a été levée par les trois juges qui mènent son procès. Ils ont informé le Parquet que cette accusation n’était pas tenable. Suite à cela la presse a demandé au chef de la police sur quelle base il avait recommandé d’inculper Netanyahu pour corruption.  Il a répondu que c’était parce qu’il espérait que cela le forcerait à démissionner, sans plus.

Un autre volet  de cette saga juridique est la quantité de cadeaux que Netanyahu a reçus du magnat de cinéma Arnon Milchan sous forme de cigares, champagne et autres gâteries. Cet épisode ne semble pas délictueux non plus, puisqu’il a été établi que l’amitié entre Netanyahu et Milchan était réelle et ancienne.

Quant à l’implication potentielle de Netanyahu dans l’affaire des sous-marins livrés à l’Egypte par l’Allemagne, la justice n’a même pas ouvert d’enquête à son encontre.

Reste la suspicion de connivence entre Netanyahu et le patron de Yediot Aharonot[1], qui n’a débouché sur rien.

Il ressort de tout cela que même s’il se peut que Netanyahu ait eu un comportement contestable au plan éthique, il n’en demeure pas moins qu’il a un casier judiciaire vierge, et au fur et à mesure du temps qui passe il devient de plus en plus probable que son procès ne débouchera pas sur grand-chose.

Ces affaires ont néanmoins conduit des électeurs de droite à soutenir une coalition excluant le Likoud, pourtant principale force politique du pays. Cinq élections successives ont finit par accoucher de deux chimères : en 2021 le gouvernement de Naftali Bennet composé d’islamistes, de gauchistes, de centristes et de sionistes religieux. Ensuite, en 2022, une coalition fabriquée par Netanyahu avec des fanatiques ultraorthodoxes et des fous de Dieu fascistes.

Ceci dit il existe bel et bien dans l’opinion  publique un consensus en faveur d’une réforme judiciaire. Mais celle voulue par le gouvernement actuel a été mal ficelée, mal préparée, mal expliquée et est probablement excessive. La précipitation avec laquelle le gouvernement a voulu la faire adopter par la Knesset est en elle-même suspecte. Il faut savoir qu’elle a été lancée à l’initiative du Likoud, alors que les autres partenaires de la coalition n’y voient qu’une occasion de faire passer des lois sectorielles d’un égotisme écœurant.

La réforme en cours a – entre autres – pour objectif d’instaurer une représentativité plus juste au sein de la Cour suprême en modifiant le mode de nomination des juges. Elle vise à mieux adhérer à l’esprit de la Déclaration d’Indépendance d’Israël en pérennisant sa légitimité en tant qu’Etat juif. Le mode de gouvernement d’Israël est démocratique, mais doit être en phase avec l’Histoire du peuple juif.

La Cour Suprême doit dire le droit et s’abstenir de décréter des valeurs sociétales. L’évolution des mœurs  et la sociologie changeante n’est pas leur affaire. C’est celle du peuple souverain, dont la souveraineté est incarnée par ses représentants à la Knesset. Les juges ne doivent jamais s’y substituer.

La seule résolution digne de cette crise ne peut être qu’une nouvelle coalition entre le Likoud et les formations qui n’ont eu de cesse que de chercher à écarter Netanyahu tout en étant du même bord politique que lui.

A ce stade de la crise  il est légitime de poser aux responsables de la vie politique la question suivante : le combat qu’ils ont mené contre Netanyahu a-t-il été bénéfique pour le peuple d’Israël ?

[1] Quotidien israélien

Civitas ou le gardien de la chrétienté

« Civitas » est un groupuscule catholique intégriste français qui pourrait bientôt être dissous suite à des propos antisémites proférés par son dirigeant Pierre Hillard. Cette secte, qui est aussi un parti politique, ne compte que quelques énergumènes qui ne méritent pas que l’on s’attarde à eux.

Mais en cherchant des déclarations passées de Pierre Hillard, on trouve sur Internet une  vidéo d’une heure érudite, structurée et bien documentée. Ce connaisseur du judaïsme explique le combat de sa vie contre le peuple juif de manière posée, ce qui ne devrait pas surprendre, puisse qu’il ne s’agit de rien d’autre qu’un rappel conforme, précis et scrupuleux de la doctrine antijuive autour de laquelle s’est articulée la chrétienté tout au long de l’Histoire.

L’accusation de « déicide » était encore valide au Vatican lors du pontificat de Pie XII et l’est toujours dans l’Église grecque-orthodoxe, dans de nombreuses  congrégations protestantes, dans l’anglicanisme  et dans la mouvance catholique intégriste.  Il ne s’agit donc pas d’un épiphénomène, mais bien de la raison d’être du christianisme.

Comme le christianisme s’est établi comme religion d’Etat à travers le monde pendant près de deux millénaires, la haine des Juifs continue d’irriguer les soubassements de la conscience collective, même là ou la religion est en déclin.   C’est ce qui explique qu’en sécularisant l’antisémitisme, les régimes nazis et communistes n’ont pas éprouvé le besoin d’en démontrer le bien-fondé auprès des masses. C’est aussi ce qui explique l’antisionisme, qui n’est qu’un travestissement de l’antisémitisme séculaire.

Idéologie et économie en Israël même combat ?

Singapour est dirigé par une même famille et le même parti politique depuis près de soixante ans. Le taux d’application de la peine de mort y est parmi les plus élevés du monde. L’Etat peut infliger à ses opposants politiques, comme à des délinquants de droit commun, des détentions administratives illimitées. La population est sous surveillance et est exposée à une répression permanente. La presse est censurée et l’Internet filtré.  La possession d’antennes paraboliques de télévision est interdite. Les bonnes mœurs sont décrétées par l’Etat.

Singapour jouit néanmoins d’une économie prospère et moderne. Elle est classée au haut de l’échelle dans l’indice mondial de l’innovation, dont le High-tech est l’un des piliers. La confiance des marchés financiers lui est acquise depuis longtemps et pour longtemps.  L’afflux de capitaux y est massif.

Singapour est classée AAA par les agences de notation Moody’s, S&P et Fitch, avec en prime une perspective stable. Les Emirats Arabes Unis et le Qatar sont d’autres exemples d’économies qui ne doivent pas grand-chose à la démocratie mais qui sont néanmoins appréciées par Moody’s et compagnie, malgré leur constitution basée sur la Charia.

Contrairement à une idée colportée par certains médias, Moody’s a récemment exprimé des réserves concernant l’économie israélienne non pas par rapport à la réforme judiciaire en marche, mais par crainte d’instabilité politique vu l’ampleur des manifestations antigouvernementales.

Ce n’est pas parce que le gouvernement d’Israël est détestable pour beaucoup d’entre nous et qu’il est noyauté par des ultraorthodoxes fanatiques et des messianiques fascisants, que tout est permis pour le déloger. La rhétorique est choquante, de ceux qui s’emploient à scier la branche de l’économie sur laquelle nous sommes tous assis. L’idée que la réforme judiciaire ébranlerait l’économie si par malheur elle passait est une fable contreproductive. La bourse et la monnaie israélienne sont attaquées parce que les marchés  ont horreur de l’incertitude, quelle qu’en soit la nature. L’argument consistant à établir un lien entre la perspective d’une dictature et la faiblesse de l’économie est une contrevérité qui empoisonne le débat.

Ne nous trompons pas de combat.  La bataille qui déchire le pays en ce moment est une bataille entre démocratie et théocratie. C’est  un conflit idéologique et éthique. Espérons que la démocratie l’emportera, mais laissons  l’économie en dehors de l’équation.

Fracture

« Fracture » est un téléfilm français qui date de 2010. Il raconte l’histoire d’Anna Kagan, une jeune professeure juive affectée à un poste  difficile dans une école où la plupart des élèves sont issus de l’immigration.

Deux thèses s’affrontent dans « Fracture ».

La première est qu’il n’y a pas de fatalité, que l’Education Nationale et le système de santé sont perfectibles moyennant une volonté politique au niveau économique et humain. Il faut donc chercher à changer les choses.

La deuxième est que la partie est perdue, et que non seulement le dévouement personnel ne sert plus à rien, mais qu’il détruit celui ou celle qui persiste à vouloir changer les choses.

Cette dialectique est illustrée par la scène-clé ou Vidal, professeur vétéran, annonce sa démission pour partir à la recherche du bonheur avec sa compagne, alors que Kagan, professeure débutante, refuse de baisser les bras, quitte à ruiner  son couple.

Le film dépeint la complexité d’une société qui dysfonctionne, où les tragédies s’enchainent sans qu’il y ait de coupables ou de responsables. Un mal systémique qui abrutit le sous-prolétariat (Slimane le djihadiste), même  si certains s’en sortent grâce à une trempe exceptionnelle (Zohra la coiffeuse).

Mais ce que Vidal et Kagan prennent pour quelque chose de ponctuel du point de vue historique est en réalité une lame de fond qui déferle sans entraves sur une civilisation occidentale à la dérive et en panne de spiritualité.

Plusieurs scènes du film décrivent à quel point leurs élèves ne se considèrent pas comme Français et estiment qu’ils n’ont pas à respecter la République.  Même nés en France ils restent mentalement rivés à leur origine. Ces adolescents se sentent d’ailleurs souvent plus proches des Palestiniens que de leurs propres concitoyens et pratiquent un antisionisme truffé de truismes antisémites.  Ils méprisent cette France de tradition chrétienne parce qu’ils considèrent l’Islam comme leur valeur suprême. Cette religion est d’une grande vitalité et a vocation à se propager dans une Europe en déclin.

L’Europe traîne une gueule de bois au bout d’un vingtième siècle sinistre qu’elle n’a toujours pas digéré. Elle est avachie et remet tout à des lendemains qui sans doute déchanteront. En attendant l’immigration extra-européenne qu’elle a encouragée n’est plus composée seulement d’individus, mais constitue en grande partie un peuple dans le peuple, sans intention de se dissoudre. Il y a désormais deux conceptions du monde qui s’affrontent dans la vielle Europe.

Kagan pense que ses élèves, aussi dissipés et récalcitrants soient-ils, sont amendables. Qu’en faisant preuve de pédagogie, d’intelligence, de compréhension et de patience, elle arrivera à les conduire sur le bon chemin. Mais c’est précisément cette notion de bon chemin qui pose problème.

Il n’existe, dans l’absolu, ni  bons  chemins ni bonnes  valeurs. Personne n’en a le monopole. Les spiritualités varient d’une culture à l’autre sans qu’il y ait de règle qui puisse les hiérarchiser ou en expliquer les différences de manière logique.

Le  bon chemin de Kagan est incompatible avec celui de ses élèves. L’imprégnation dans leur esprit de structures héritées de leurs ancêtres est profonde, or ils ne voient pas au nom de quoi ils les renieraient. Des valeurs telles que la laïcité, l’égalité hommes-femmes, la liberté d’expression ou le droit au blasphème sont vus par eux comme des sacrilèges. A leurs yeux la spiritualité dont ils sont porteurs prime sur ce que Kagan pourrait bien avoir à leur transmettre.

La préface de l’ouvrage « Puissance et décadence » du philosophe Michel Onfray se termine ainsi : « Le Titanic va couler. Il ne nous reste que l’élégance de la fin. Ca ne suffira pas pour construire une civilisation. Mais c’est assez pour opposer une résistance romantique à l’inéluctable ».

Anne Sinclair ou la Tartuffe de service

Anne Sinclair a récemment publié une tribune dans le journal « Le Monde ».  Elle a choisi ce quotidien antisioniste proche de l’islamogauchisme pour s’attaquer à Israël.

La « Loi du Retour » est une disposition de l’Etat d’ Israël qui garantit à tout Juif le droit d’immigrer à tout moment et de devenir citoyen sur simple demande. Cette loi stipule que « L’État déploiera des efforts pour garantir la sécurité des membres du Peuple Juif et de ses citoyens se trouvant en détresse ou emprisonnés en raison de leur judéité ou de leur citoyenneté ».

Les Juifs à travers le monde qui sont partie prenante de la « Loi du Retour », concrètement ou symboliquement, pour eux-mêmes ou pour leurs descendants,  maintenant ou plus tard, ont une obligation de réserve envers Israël, qui s’engage à accueillir les Juifs de la Diaspora en temps de paix comme en temps de crise.

Il y a quelques années, quelque 400 Juifs britanniques ont écrit à l’Ambassade d’Israël à Londres pour lui signifier qu’ils rejetaient à titre définitif tout recours à la « Loi du Retour ». Ils ont déclaré ne pas se sentir concernés par cette loi, ni concrètement ni symboliquement, ni pour eux-mêmes ni pour leurs descendants, ni maintenant ni plus tard. Ils ont donc le droit moral de critiquer Israël et même de lui être hostile en vertu de la liberté d’expression.

Si Anne Sinclair estime qu’elle n’a pas de devoir de réserve envers Israël elle devrait faire pareil. Elle pourra alors publier des tribunes contre l’Etat juif dans tous les torchons du monde en ayant la conscience tranquille.

Israël en l’absence d’une Constitution

La démocratie est un système de gouvernement et un cadre légal qui  s’adapte aux peuples de manière dynamique. La crise actuelle révèle à quel point  Israël n’est pas politiquement mûr de ce point de vue-là. La coalition au pouvoir n’a pu déposer son invraisemblable projet de réforme judiciaire que moyennant un néant constitutionnel.

Il faut d’urgence une base juridique de gouvernance afin d’exclure toute dérive totalitaire, qu’elle soit d’inspiration théologique ou idéologique.

Le hasard a voulu qu’en ce moment même il y ait une situation tendue en  France, avec des manifestations de grande ampleur. Bien que celles-ci semblent plus violentes qu’en Israël, les enjeux sont très différents.  En France il s’agit d’un mouvement social,  alors qu’en Israël nous assistons à un conflit civilisationnel entre une droite libérale, laïque, patriotique d’une part, et une droite obscurantiste, théocratique  et fascisante d’autre part.

La gauche quant à elle est pratiquement absente de l’échiquier politique, mais demeure influente dans la magistrature. Cela a pour effet que quand la Knesset légifère, la Cour Suprême dispose du droit d’annuler des lois si elle les juge déraisonnables, et peut le faire sans base juridique, logique ou constitutionnelle pour l’étayer. A sa seule discrétion, donc.

La Cour Suprême se comporte parfois comme une force politique à part entière mais dispose du pouvoir de retoquer des lois votées à la majorité par un parlement pourtant élu au suffrage universel. Cette anomalie existe depuis des décennies, mais la magistrature n’a jamais voulu céder la moindre parcelle de pouvoir malgré de nombreux appels à la réforme par une grande partie de l’opinion publique.

Cela a conduit l’extrême-droite et les partis ultra-orthodoxes du gouvernement actuel à soumettre à la Knesset une réforme judiciaire insensée, où les magistrats seraient désignés par le pouvoir en place et où la Cour Suprême n’aurait plus qu’un rôle consultatif.

Il est difficile de faire des prédictions, surtout quand il s’agit de l’avenir, comme disait l’autre. Mais ce qui pourrait arriver, du probable à l’improbable, pourrait être une marche arrière du gouvernement, sa chute suite à un désaccord interne, un compromis avec l’opposition, une paralysie des institutions, un coup d’Etat, ou une guerre civile.

Le problème est et demeure l’absence de Constitution,  bien que le pire ne soit jamais certain.

 

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