Idéologie et économie en Israël même combat ?

Singapour est dirigé par une même famille et le même parti politique depuis près de soixante ans. Le taux d’application de la peine de mort y est parmi les plus élevés du monde. L’Etat peut infliger à ses opposants politiques, comme à des délinquants de droit commun, des détentions administratives illimitées. La population est sous surveillance et est exposée à une répression permanente. La presse est censurée et l’Internet filtré.  La possession d’antennes paraboliques de télévision est interdite. Les bonnes mœurs sont décrétées par l’Etat.

Singapour jouit néanmoins d’une économie prospère et moderne. Elle est classée au haut de l’échelle dans l’indice mondial de l’innovation, dont le High-tech est l’un des piliers. La confiance des marchés financiers lui est acquise depuis longtemps et pour longtemps.  L’afflux de capitaux y est massif.

Singapour est classée AAA par les agences de notation Moody’s, S&P et Fitch, avec en prime une perspective stable. Les Emirats Arabes Unis et le Qatar sont d’autres exemples d’économies qui ne doivent pas grand-chose à la démocratie mais qui sont néanmoins appréciées par Moody’s et compagnie, malgré leur constitution basée sur la Charia.

Contrairement à une idée colportée par certains médias, Moody’s a récemment exprimé des réserves concernant l’économie israélienne non pas par rapport à la réforme judiciaire en marche, mais par crainte d’instabilité politique vu l’ampleur des manifestations antigouvernementales.

Ce n’est pas parce que le gouvernement d’Israël est détestable pour beaucoup d’entre nous et qu’il est noyauté par des ultraorthodoxes fanatiques et des messianiques fascisants, que tout est permis pour le déloger. La rhétorique est choquante, de ceux qui s’emploient à scier la branche de l’économie sur laquelle nous sommes tous assis. L’idée que la réforme judiciaire ébranlerait l’économie si par malheur elle passait est une fable contreproductive. La bourse et la monnaie israélienne sont attaquées parce que les marchés  ont horreur de l’incertitude, quelle qu’en soit la nature. L’argument consistant à établir un lien entre la perspective d’une dictature et la faiblesse de l’économie est une contrevérité qui empoisonne le débat.

Ne nous trompons pas de combat.  La bataille qui déchire le pays en ce moment est une bataille entre démocratie et théocratie. C’est  un conflit idéologique et éthique. Espérons que la démocratie l’emportera, mais laissons  l’économie en dehors de l’équation.

Fracture

« Fracture » est un téléfilm français qui date de 2010. Il raconte l’histoire d’Anna Kagan, une jeune professeure juive affectée à un poste  difficile dans une école où la plupart des élèves sont issus de l’immigration.

Deux thèses s’affrontent dans « Fracture ».

La première est qu’il n’y a pas de fatalité, que l’Education Nationale et le système de santé sont perfectibles moyennant une volonté politique au niveau économique et humain. Il faut donc chercher à changer les choses.

La deuxième est que la partie est perdue, et que non seulement le dévouement personnel ne sert plus à rien, mais qu’il détruit celui ou celle qui persiste à vouloir changer les choses.

Cette dialectique est illustrée par la scène-clé ou Vidal, professeur vétéran, annonce sa démission pour partir à la recherche du bonheur avec sa compagne, alors que Kagan, professeure débutante, refuse de baisser les bras, quitte à ruiner  son couple.

Le film dépeint la complexité d’une société qui dysfonctionne, où les tragédies s’enchainent sans qu’il y ait de coupables ou de responsables. Un mal systémique qui abrutit le sous-prolétariat (Slimane le djihadiste), même  si certains s’en sortent grâce à une trempe exceptionnelle (Zohra la coiffeuse).

Mais ce que Vidal et Kagan prennent pour quelque chose de ponctuel du point de vue historique est en réalité une lame de fond qui déferle sans entraves sur une civilisation occidentale à la dérive et en panne de spiritualité.

Plusieurs scènes du film décrivent à quel point leurs élèves ne se considèrent pas comme Français et estiment qu’ils n’ont pas à respecter la République.  Même nés en France ils restent mentalement rivés à leur origine. Ces adolescents se sentent d’ailleurs souvent plus proches des Palestiniens que de leurs propres concitoyens et pratiquent un antisionisme truffé de truismes antisémites.  Ils méprisent cette France de tradition chrétienne parce qu’ils considèrent l’Islam comme leur valeur suprême. Cette religion est d’une grande vitalité et a vocation à se propager dans une Europe en déclin.

L’Europe traîne une gueule de bois au bout d’un vingtième siècle sinistre qu’elle n’a toujours pas digéré. Elle est avachie et remet tout à des lendemains qui sans doute déchanteront. En attendant l’immigration extra-européenne qu’elle a encouragée n’est plus composée seulement d’individus, mais constitue en grande partie un peuple dans le peuple, sans intention de se dissoudre. Il y a désormais deux conceptions du monde qui s’affrontent dans la vielle Europe.

Kagan pense que ses élèves, aussi dissipés et récalcitrants soient-ils, sont amendables. Qu’en faisant preuve de pédagogie, d’intelligence, de compréhension et de patience, elle arrivera à les conduire sur le bon chemin. Mais c’est précisément cette notion de bon chemin qui pose problème.

Il n’existe, dans l’absolu, ni  bons  chemins ni bonnes  valeurs. Personne n’en a le monopole. Les spiritualités varient d’une culture à l’autre sans qu’il y ait de règle qui puisse les hiérarchiser ou en expliquer les différences de manière logique.

Le  bon chemin de Kagan est incompatible avec celui de ses élèves. L’imprégnation dans leur esprit de structures héritées de leurs ancêtres est profonde, or ils ne voient pas au nom de quoi ils les renieraient. Des valeurs telles que la laïcité, l’égalité hommes-femmes, la liberté d’expression ou le droit au blasphème sont vus par eux comme des sacrilèges. A leurs yeux la spiritualité dont ils sont porteurs prime sur ce que Kagan pourrait bien avoir à leur transmettre.

La préface de l’ouvrage « Puissance et décadence » du philosophe Michel Onfray se termine ainsi : « Le Titanic va couler. Il ne nous reste que l’élégance de la fin. Ca ne suffira pas pour construire une civilisation. Mais c’est assez pour opposer une résistance romantique à l’inéluctable ».

Anne Sinclair ou la Tartuffe de service

Anne Sinclair a récemment publié une tribune dans le journal « Le Monde ».  Elle a choisi ce quotidien antisioniste proche de l’islamogauchisme pour s’attaquer à Israël.

La « Loi du Retour » est une disposition de l’Etat d’ Israël qui garantit à tout Juif le droit d’immigrer à tout moment et de devenir citoyen sur simple demande. Cette loi stipule que « L’État déploiera des efforts pour garantir la sécurité des membres du Peuple Juif et de ses citoyens se trouvant en détresse ou emprisonnés en raison de leur judéité ou de leur citoyenneté ».

Les Juifs à travers le monde qui sont partie prenante de la « Loi du Retour », concrètement ou symboliquement, pour eux-mêmes ou pour leurs descendants,  maintenant ou plus tard, ont une obligation de réserve envers Israël, qui s’engage à accueillir les Juifs de la Diaspora en temps de paix comme en temps de crise.

Il y a quelques années, quelque 400 Juifs britanniques ont écrit à l’Ambassade d’Israël à Londres pour lui signifier qu’ils rejetaient à titre définitif tout recours à la « Loi du Retour ». Ils ont déclaré ne pas se sentir concernés par cette loi, ni concrètement ni symboliquement, ni pour eux-mêmes ni pour leurs descendants, ni maintenant ni plus tard. Ils ont donc le droit moral de critiquer Israël et même de lui être hostile en vertu de la liberté d’expression.

Si Anne Sinclair estime qu’elle n’a pas de devoir de réserve envers Israël elle devrait faire pareil. Elle pourra alors publier des tribunes contre l’Etat juif dans tous les torchons du monde en ayant la conscience tranquille.

Israël en l’absence d’une Constitution

La démocratie est un système de gouvernement et un cadre légal qui  s’adapte aux peuples de manière dynamique. La crise actuelle révèle à quel point  Israël n’est pas politiquement mûr de ce point de vue-là. La coalition au pouvoir n’a pu déposer son invraisemblable projet de réforme judiciaire que moyennant un néant constitutionnel.

Il faut d’urgence une base juridique de gouvernance afin d’exclure toute dérive totalitaire, qu’elle soit d’inspiration théologique ou idéologique.

Le hasard a voulu qu’en ce moment même il y ait une situation tendue en  France, avec des manifestations de grande ampleur. Bien que celles-ci semblent plus violentes qu’en Israël, les enjeux sont très différents.  En France il s’agit d’un mouvement social,  alors qu’en Israël nous assistons à un conflit civilisationnel entre une droite libérale, laïque, patriotique d’une part, et une droite obscurantiste, théocratique  et fascisante d’autre part.

La gauche quant à elle est pratiquement absente de l’échiquier politique, mais demeure influente dans la magistrature. Cela a pour effet que quand la Knesset légifère, la Cour Suprême dispose du droit d’annuler des lois si elle les juge déraisonnables, et peut le faire sans base juridique, logique ou constitutionnelle pour l’étayer. A sa seule discrétion, donc.

La Cour Suprême se comporte parfois comme une force politique à part entière mais dispose du pouvoir de retoquer des lois votées à la majorité par un parlement pourtant élu au suffrage universel. Cette anomalie existe depuis des décennies, mais la magistrature n’a jamais voulu céder la moindre parcelle de pouvoir malgré de nombreux appels à la réforme par une grande partie de l’opinion publique.

Cela a conduit l’extrême-droite et les partis ultra-orthodoxes du gouvernement actuel à soumettre à la Knesset une réforme judiciaire insensée, où les magistrats seraient désignés par le pouvoir en place et où la Cour Suprême n’aurait plus qu’un rôle consultatif.

Il est difficile de faire des prédictions, surtout quand il s’agit de l’avenir, comme disait l’autre. Mais ce qui pourrait arriver, du probable à l’improbable, pourrait être une marche arrière du gouvernement, sa chute suite à un désaccord interne, un compromis avec l’opposition, une paralysie des institutions, un coup d’Etat, ou une guerre civile.

Le problème est et demeure l’absence de Constitution,  bien que le pire ne soit jamais certain.

 

Israël démocratique et juif ?

Depuis l’indépendance d’Israël en 1948, et pendant des décennies, il allait de soi que le courant politique dominant était celui d’une social-démocratie accommodante, à la fois avec l’humanisme et  le judaïsme. C’était d’ailleurs ce que la plupart des pères fondateurs avaient souhaité. Mais les temps ont changé, et il va falloir déterminer ce que signifie « Israël Etat juif et démocratique », selon la formule consacrée.

En réalité cette formule implique une hiérarchie dans les termes. La s0ociologie de la population a changé, et l’espèce de consensus  qui a longtemps prévalu ne semble plus avoir cours face à la polarisation de la vie politique. Les nouvelles générations n’ont peut-être pas grandi, à tort ou à raison, avec le sentiment qu’une menace existentielle pesait encore sur Israël.

Suzie Navot est professeure de droit constitutionnel et vice-présidente de la recherche à l’ »Israël Democracy Institute ». Elle est opposée au projet de réforme du gouvernement actuel.  Mais au-delà de cette prise de position il est intéressant d’entendre ce que cette juriste au dessus de tout soupçon  entend par Israël pays « juif et démocratique ».

Au cours d’une interview récente Navot explique que cette formule doit être comprise « dans cet ordre ». En d’autres termes qu’Israël est d’abord juif et ensuite démocratique. Elle estime que le pays ne pourra jamais être cent pourcent démocratique, parce que la démocratie doit parfois céder la place au caractère juif de l’Etat. Cela  entraine que certains droits, au sens humaniste du terme, ne seront jamais accordés dès lors qu’il entreraient en conflit avec des valeurs juives. Navot précise qu’elle assume cela et estime qu’il fait bon vivre dans un tel pays en tant que juif.

L’Etat d’Israël n’est pas né de la Shoah

L’historien Georges Bensoussan [1] démontrait lors d’une conférence récente à Tel-Aviv que l’idée reçue selon laquelle la compassion de l’Occident après la Shoah aurait facilité la création de l’Etat d’Israël, est une fiction.

Il rappelle qu’après soixante ans de sionisme, des bataillons entiers de jeunes allaient faire l’ossature du futur Etat juif, mais au lieu de cela sont partis en fumée dans les camps de la mort. Les mouvements sionistes en Europe de l’Est comptaient près d’un million de membres. Des dizaines de milliers de jeunes gens s’initiant à l’agriculture en vue de l’Alyah [2]furent empêchés de rallier la Palestine, et ensuite exterminés.

Pour l’historien Yehuda Bauer [3] également, le lien entre Shoah et l’Etat d’Israël est un mythe. Il avance la thèse que la Shoah a même manqué de peu d’empêcher la création de l’Etat. Il estime, tout comme Bensoussan, que la fable d’un Etat concédé aux Juifs en compensation de la Shoah est un non-sens. Il y avait en Europe de l’Est des millions de Juifs dont un tiers vivaient sous le seuil de pauvreté, qui auraient immigré en Palestine si les frontières n’avaient été verrouillées.

Après avoir vérifié les archives des échanges entre Etats qui s’apprêtaient à voter à l’ONU le partage de la Palestine, Bauer relève qu’il n’est jamais question de Shoah. Les plus fervents soutiens à l’ONU du Yishouv mettaient en évidence les réalisations des pionniers juifs en Palestine et leur droit à l’indépendance, mais jamais ils n’invoquaient la Shoah.

Pour comprendre l’absence de lien entre l’Etat d’Israël et la Shoah il est nécessaire de revoir la chronologie de l’épopée sioniste :

Suite au démantèlement de l’empire ottoman, la Palestine est placée sous Mandat britannique en 1923 par la Société des Nations, conformément à la résolution de la conférence de San Remo[4]. Ce Mandat a pour objectif la mise en place d’un foyer national juif tel que défini par la déclaration Balfour [5]de 1917.

En 1936 une révolte arabe exige l’abolition du Mandat britannique et la création d’un État pour mettre fin à l’immigration juive. Les notables de la révolte, dont le Grand Mufti de Jérusalem, pactisent avec Hitler et font alliance avec l’Allemagne nazie.

En 1937 une Commission d’enquête britannique présidée par Lord Peel [6] recommande que la Palestine soit partagée en deux Etats, l’un arabe et l’autre juif. Des modérés du Yishouv sont tentés d’accepter, mais du côté arabe personne n’ose se prononcer en faveur du projet. Quelque temps plus tard une nouvelle Commission venue de Londres y met fin.

En 1939, les Britanniques prévoient une autodétermination de la Palestine sous dix ans. Ils décident de limiter l’immigration des Juifs de manière drastique, ce qui les amènerait à être minoritaires dans un éventuel État arabe. Cette idée est rejetée par le Yishouv[7], qui la considère comme une violation de la déclaration Balfour. L’Irgoun[8] réagit en déclenchant une vague d’attentats antibritanniques, mais celle-ci est interrompue par le début de la Seconde Guerre mondiale.

En 1944 l’Irgoun reprend sa campagne d’attentats. En 1945 la Haganah[9] et le Palmah[10] ouvrent de leur côté une lutte armée contre l’administration et les soldats britanniques. Le ministre-résident anglais Lord Moyne est assassiné.

Les autorités britanniques lancent en juin 1946 l’opération « Agatha », également connue sous le nom de « Samedi Noir ». Les soldats et la police britannique procèdent à l’arrestation de milliers de Juifs et saisissent des armes. Le Lehi et l’Irgoun intensifient leurs attaques pour venger l’opération, et font sauter l’hôtel King David, centre de l’administration britannique à Jérusalem.

Les Britanniques sont démunis face à cette violence. Devant leur incapacité à concilier Arabes et Juifs, et confronté aux pertes militaires, le Ministre des Affaires Étrangères britannique Bevin annonce à l’ONU en février 1947 qu’il met fin au Mandat sur la Palestine et donne instruction à ses troupes de l’évacuer dans les meilleurs délais. Le Yishouv ayant réussi à chasser les Britanniques va choisir le moment opportun pour déclarer l’indépendance, qui n’est alors plus qu’une question tactique.

L’UNSCOP est une commission de l’ONU chargée en juillet 1947 d’étudier sur place les causes du conflit et de préparer un plan de partage de la Palestine. Au moment où ses membres sillonnent le pays, le Mossad [11] décide opportunément d’organiser une opération consistant à embarquer 4500 réfugiés sur un bateau baptisé « Exodus » à destination de la Palestine. Le but du Mossad consiste à faire impression sur L’UNSCOP.

Une fois arrivé dans les eaux territoriales, le bateau est arraisonné et les membres de L’UNSCOP assistent au pénible spectacle du transbordement des passagers à bout de forces à qui l’on refuse l’accès à la Terre Promise. Ils sont transférés à Chypre dans des conditions déplorables. Quelques mois plus tard ils reviendront en Palestine avec des visas en bonne et due forme.

En novembre 1947, l’Assemblée générale de l’ONU vote un plan de partage de la Palestine visant à aboutir à la création d’un État juif et d’un État arabe après le départ des Britanniques. Les Juifs acceptent, mais les Arabes refusent. La première guerre israélo-arabe a commencé. Le 14 mai 1948, les derniers Britanniques quittent la Palestine et l’Etat Israël déclare son indépendance.

Près d’un an plus tard des armistices sont signés un à un à Rhodes avec les différentes parties, mais les lignes du cessez-le-feu ne sont définies qu’à des fins militaires et ne constituent de frontières permanentes pour aucun des belligérants.

Ce qu’il faut comprendre dans cette tragédie, c’est que le Mandat britannique n’avait jamais eu d’objectif autre que celui de gouverner la Palestine jusqu’à ce qu’elle soit en mesure de le faire elle-même. Comme les institutions de l’Etat juif étaient en place quand les Britanniques ont plié bagage, Israël aurait proclamé son indépendance dans tous les cas de figure, avec ou sans l’aval de l’ONU, avec ou sans l’aval des Arabes.

L’Etat d’Israël n’est donc pas la conséquence de la Shoah. Ce qui est vrai, en revanche, c’est que le fait qu’une nouvelle Shoah soit devenue impensable est lié à la naissance l’Etat d’Israël.

[1] Historien français spécialiste d’histoire culturelle de l’Europe des 19ème et 20ème siècle et en particulier, des mondes juifs occidentaux et orientaux.

Les leçons des élections

La coalition qui vient de remporter les élections en Israël n’est pas l’œuvre de Benjamin Netanyahu, mais celle d’une mouvance idéologique dont le socle est le parti Likoud. Ces élections ne marquent pas non plus la défaite de l’opposition au Likoud, mais celle de frères ennemis au sein même de cette famille politique.

L’hostilité de ces dissidents les a menés au suicide en proposant comme thème de campagne la détestation du chef de file, et non pas un programme de gouvernement. Les rivaux issus du propre camp de Netanyahu ont voulu l’éliminer de la vie publique par des moyens déshonorants et provoqué depuis des années des élections superflues, inutiles et nuisibles. Ils ont bricolé des alliances hybrides en dépit du bon sens, et violé les engagements les plus élémentaires envers leur électorat. Ainsi va la vie de famille, quand on se dispute pour un héritage alors qu’il n’y a ni testament, ni notaire, ni défunt.

Nul doute que l’inquiétude que ressentent maintenant ceux qui aspiraient à être calife à la place du calife est sincère. Le gouvernement dirigé par Netanyahu va disposer d’une majorité assez confortable pour ne pas être exposé à des défections ponctuelles. Il n’est pas non plus tributaire d’une rotation entre deux chefs qui auraient vocation à se torpiller l’un l’autre. Ce gouvernement a des chances de durer.

Le Likoud détient la moitié des sièges de la coalition actuelle. C’est un parti libéral du point de vue économique, qui n’est ni religieux ni extrémiste comme l’autre moitié. Les adversaires du Likoud sont dans leur rôle dans l’opposition, mais la plupart de ceux qui lui sont idéologiquement apparentés ont maintenant le devoir de le soutenir.

Donc rien, sauf leur ego, ne les empêche de rallier le Likoud à la Knesset pour faire contrepoids à l’extrême-droite et aux ultra-orthodoxes. S’ils tiennent vraiment à faire barrage à l’extrémisme, c’est le moment de le démontrer. Ils seraient irresponsables de ne pas le faire, en particulier si Netanyahu le leur propose.

Ils doivent avaler leur chapeau, exercice plus difficile que de retourner leur veste. Ils l’on tellement fait qu’à ce stade elle doit être usée.

Résilience et judéité

Les Juifs de la Diaspora sont des citoyens à part entière, du moins dans le monde libre. Ils perpétuent leurs rites ou leurs traditions dans la sphère privée comme le font les adeptes d’autres spiritualités. Mais cette situation ne date que depuis l‘Emancipation des Juifs, qui dans la foulée de la Révolution Française s’est étendue à tous les Juifs du monde occidental.

Avant l‘Emancipation, les Juifs n’ont jamais fait partie intégrante des peuples au sein desquels ils vivaient. Ils étaient au contraire un peuple dans le peuple, un corps étranger plus ou moins bien toléré selon les régimes et les époques.

Hannah Arendt[1] relève dans « Eichmann à Jérusalem[2] » qu’au vingtième  siècle encore « les Juifs d’Europe de l’Est étaient considérés comme un peuple distinct par leurs amis comme par leurs ennemis…   Je ne crois pas pour ma part m’être jamais considérée comme allemande – au sens d’appartenance à un peuple et non d’appartenance à un État, si je puis me permettre cette distinction[3] ».

Vers la fin de la seconde guerre mondiale cette intellectuelle de nationalité et de culture allemande ajoute qu’elle espère qu’émergera une Europe unie dans laquelle « les Juifs seraient reconnus en tant que nation européenne et représentés au Parlement[4]».

Les Juifs en exil ont de tous temps été un peuple dans le peuple partout où ils étaient établis. C’est ainsi qu’à Babylone la communauté juive eut pendant mille ans ses propres tribunaux, sa police, ses corporations, ses régions, ses académies, et même un souverain  avec pour titre officiel « Exilarque[5] ».

Dans la majeure partie du monde les Juifs étaient gouvernés par des institutions autonomes reconnues par le pouvoir local. Les décisions des tribunaux rabbiniques fonctionnaient sur base du droit talmudique[6] et avaient force de loi. Ils pouvaient même dans certains cas prononcer la peine de mort[7]. Des Juifs vivant en dehors de ce cadre étaient rarissimes et  finissaient le plus souvent par se convertir au christianisme ou à l’Islam. Quand au 17ème siècle Spinoza[8] est excommunié par les rabbins d’Amsterdam, il n’a pas vers qui se tourner. C’est pour cette raison qu’il est souvent considéré comme le premier Juif laïque.

Des théoriciens du sionisme des origines comme Ahad Ha’am[9] ou Bialik[10] avaient conscience du fait que l’Emancipation avait été une arme à double tranchant. Passer du statut de peuple dans le peuple à celui de citoyens à part entière risquait d’entraîner une extinction de la judéité par le l’assimilation.

Un peuple est une fiction à partir d’une conscience collective se référant à une continuité historique. Le sionisme est donc avant tout un mouvement de libération nationale de Juifs revendiquant un Etat au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Contrairement à une idée reçue, la résilience de la judéité en Diaspora est due à la persistance de l’appartenance à un peuple, et non pas à une religion.

A cela on oppose parfois que c’est la religion qui a permis de maintenir l’identité juive en Exil, mais cette manière de voir consiste à interpréter le passé à l’aune du présent. Aujourd’hui de nombreux Juifs sont non-pratiquants, voire athées, mais revendiquent leur appartenance au peuple juif, dont près de la moitié vit en Israël.

Israël n’est pas une théocratie, conformément au souhait de  Theodor Herzl[11] qui dans « l’Etat Juif[12] »  écrit  « nous ne laisserons pas prendre racine les velléités théocratiques de nos rabbins. Nous saurons les maintenir dans leurs synagogues de même que nous maintiendrons nos militaires dans leurs casernes. L’armée et le clergé doivent être honorés comme l’exige et le mérite leur fonction. L’État les respectera, mais ils n’auront rien à dire. »

La  Diaspora juive est en voie de disparition. Partout où la judéité n’est plus qu’une religion son déclin est inéluctable.  Les mouvances ultra-orthodoxes persisteront dans des enclaves aux Etats Unis ou ailleurs, mais c’est précisément parce quelles ne sont pas assimilables. Mais en dehors de cela, la résilience juive n’est plus pensable ailleurs qu’en Israël, l’Etat du peuple juif.

[1] Politologue, philosophe et journaliste juive allemande décédée en 1975.

[2] « Eichmann à Jérusalem », Viking Press, 1963, chapitre « Les déportations des Balkans »

[3] Idem

[4] Compilation des écrits de Hannah Arendt sur la judéité. Editions Fayard 2011.

[5] Le « Chef de l’exil » était le représentant du judaïsme babylonien reconnu par l’État et s’accompagnait de privilèges et prérogatives.

[6] המשפט העברי, מנחם אלון,1973 הוצעת מגנס

[7] Idem

[8] Philosophe rationaliste d’origine séfarade portugaise mort en 1677.

[9] Penseur nationaliste juif et leader des Amants de Sion. L’un des pères de la littérature hébraïque moderne.

[10] Poète, essayiste et journaliste en langue hébraïque d’origine ukrainienne. Mort en Palestine en 1934.

[11] Journaliste et écrivain juif austro-hongrois, mort en 1904. Fondateur du mouvement sioniste.

[12] Ouvrage de référence du sionisme publié par Theodor Herzl en 1896.

Mahmoud Abbas le récidiviste

Il y a quelques semaines à peine Mahmoud Abbas, Président de l’Autorité Palestinienne, se demandait si « au bout de 74 ans depuis la Nakba et l’occupation, le temps n’est pas venu de mettre un terme à l’occupation pour que le peuple palestinien soit libre et indépendant  ». En d’autres mots qu’il n’y a pas de place pour un Etat juif dans la Palestine historique. Certains ont vu un lapsus dans cette référence à 1948, année de la naissance de l’Etat d’Israël, mais considérant les antécédents d’Abbas il ne fait pas de doute qu’il exprimait là le fond de sa pensée, volontairement ou pas.

Il faut savoir qu’Abbas est titulaire d’un doctorat sous forme de thèse négationniste. D’après lui la Shoah est une mystification dont les Juifs se sont servis pour s’emparer de la Palestine. Depuis lors Abbas n’a eu de cesse que de contester non seulement la légitimité d’Israël, mais aussi celle du peuple juif lui-même par ses déclarations antisémites à répétition.

La semaine dernière ce récidiviste a été reçu à Berlin par le chancelier Olaf Scholz. Abbas n’a pas voulu exprimer de regrets concernant l’assassinat de 11 athlètes israélien à Munich en 1972 par le Fatah, organisation  aujourd’hui sous sa direction. Il a minimisé ce massacre en disant que ce n’est pas grand-chose en comparaison des 50 Shoah perpétrées par les Juifs depuis 74 ans.

Basé sur cette révélation en forme de scoop il appert donc que 300 millions de Palestiniens auraient été exterminés par les Juifs. Mais il y a là une impasse logique: étant donné que le docteur Abbas estime lui-même que la Shoah juive  n’a jamais eu lieu alors ça fait combien 50 Shoah palestiniennes multipliées par zéro ?

Douglas Murray et l’étrange suicide de l’Europe 

Douglas Murray est un écrivain, journaliste et commentateur politique britannique néo-conservateur. Ci-dessous des extraits de « L’étrange suicide de l’Europe », traduit de l’anglais et publié en 2018 par « L’Artilleur » à Paris.

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Cette civilisation que nous appelons « Europe » a entamé un processus d’autodestruction, et que ni l’Angleterre, ni aucun pays d’Europe occidentale ne saurait échapper à ce destin. Car il semble bien que nous souffrions tous des mêmes symptômes et des mêmes pathologies. Quand la génération européenne actuelle s’éteindra, l’Europe ne sera plus l’Europe et ses peuples auront perdu leur patrie. Le seul endroit au monde où nous étions chez nous.

Quels que soient ses autres aspects positifs, les bienfaits économiques de l’immigration ne retombent en réalité quasiment que sur le migrant lui-même. Ce sont les immigrés qui ont accès aux infrastructures publiques pour lesquelles ils n’ont pas payé au préalable. Ce sont les immigrés qui bénéficient d’un salaire plus élevé que celui qu’ils pourraient atteindre dans leur pays d’origine. Et très souvent, l’argent qu’ils gagnent, ou du moins une bonne partie de cet argent, est envoyé à leur famille, résidant hors du Royaume-Uni, plutôt que d’être réinjecté dans l’économie locale.

Une étude Gallup menée en Grande-Bretagne révéla précisément que 0 % des musulmans britanniques (à partir d’un échantillon de 500) considéraient que l’homosexualité était moralement acceptable. Une autre étude menée en 2016 révéla que 52 % des musulmans britanniques estimaient qu’il faudrait rendre l’homosexualité illégale.

Pendant ces années, faire campagne sur ces agressions sexuelles, voire les mentionner, vous exposait à de très gros ennuis. Lorsque la députée Labour du Nord, Ann Cryer, s’empara de la question du viol de filles mineures dans sa propre circonscription, elle fut dénoncée comme « islamophobe » et « raciste ». Elle dut solliciter une protection policière. Il fallut des années au gouvernement central, à la police, aux édiles locaux et à l’autorité judiciaire pour oser faire affronter le problème. Lorsqu’ils commencèrent enfin à s’en préoccuper, une enquête officielle dans la ville de Rotherham révéla l’exploitation d’au moins 1 400 enfants de 1997 à 2014. Les victimes étaient toutes des jeunes filles blanches non musulmanes de la communauté locale, la plus jeune d’entre elles n’avait que 11 ans. Elles avaient toutes été sauvagement violées, certaines avaient été aspergées de pétrole et menacées d’être brûlées vives. D’autres avaient été obligées, sous la menace d’une arme, de regarder le viol d’une autre fille : on voulait ainsi les dissuader de raconter ce qu’elles avaient subi. En enquêtant sur ces faits, on découvrit que, même si les coupables étaient presque tous des hommes d’origine pakistanaise, opérant en gangs, les membres du conseil municipal exprimaient une « réticence à reconnaître les origines ethniques des coupables, de crainte d’être considérés comme racistes »

Partout en Europe de l’Ouest, la même vérité émergeait, au moins aussi lentement, souvent presque en même temps, qu’en Grande-Bretagne. Dans chaque pays, le refus des autorités d’intégrer aux statistiques criminelles des considérations ethniques ou religieuses contribua au maintien du silence. En 2009, la police en Norvège révéla que les immigrés d’origine non occidentale étaient responsables de « l’ensemble des viols rapportés » à Oslo22. En 2011, le bureau statistique de l’État norvégien accepta de reconnaître que les immigrés étaient « surreprésentés dans les statistiques de criminalité ».

Si la mondialisation fait qu’on ne peut plus empêcher quiconque de venir en Europe, il faut noter pourtant que ce problème planétaire n’affecte pas tous les pays. Si la cause en est l’attraction économique, alors il n’y a aucune raison pour que le Japon ne soit pas touché par les vagues d’immigration. En 2016, le pays était la troisième plus grande économie au monde, devant l’Allemagne et la Grande-Bretagne. Mais bien sûr, malgré sa vitalité économique considérable, supérieure à celle de tous les pays européens, le Japon a évité l’immigration de masse en mettant en œuvre des mesures pour l’arrêter, en dissuadant les migrants de s’installer, en rendant l’accès à la citoyenneté japonaise difficile. Peu importe que l’on cautionne ou non la politique du Japon, mais l’exemple de ce pays montre que même à notre époque hyperconnectée, il est possible à une économie moderne d’éviter l’immigration de masse. Le processus n’est pas « inévitable ». De la même manière, bien que la Chine soit la deuxième plus grande économie mondiale, elle n’est pas un pays d’accueil pour demandeurs d’asile ou migrants économiques. En mettant de côté la question de la moralité de ce refus, il est assurément possible, y compris pour les nations les plus riches de la terre, de ne pas devenir le pôle d’attraction des migrants du monde entier. Si l’Europe est attractive, ce n’est pas seulement parce qu’elle fait miroiter richesse et emplois. Certaines raisons spécifiques expliquent qu’elle soit devenue une destination de choix pour les migrants, et ces raisons sont de son fait. Tout d’abord, les migrants ont conscience que l’Europe les autorisera très probablement à rester sur son territoire. Au top des motifs qui les poussent à affluer en Europe figure leur connaissance des mécanismes de l’État providence. Ils savent que l’État providence s’occupe des migrants qui arrivent et que, même s’il leur faudra du temps, même s’ils sont mal pris en charge, leur niveau de vie sera plus élevé et leurs droits plus étendus que nulle part ailleurs, a fortiori dans leur pays d’origine. La croyance, exacte et flatteuse pour les Européens, que l’Europe est plus tolérante, plus pacifique et plus accueillante que n’importe quelle autre partie du monde en fait aussi une destination privilégiée. S’il y avait plus de continents comme l’Europe, nous ne pourrions pas nous vanter d’être une des sociétés les plus généreuses de la planète. Si cette image d’unique endroit sur terre où il est facile de rentrer, facile de rester et sûr de vivre se renforce, alors le continent pourrait découvrir que l’attention qu’il suscite est bien moins flatteuse à long terme qu’elle peut l’être à court terme. Cependant, il n’est pas inévitable que les migrants du monde entier viennent en Europe. Ils viennent parce que l’Europe s’est rendue, pour de bonnes comme pour de mauvaises raisons, attractive.

En décembre 2014, un jour où la mer était agitée, un navire parti des alentours de Nador dans le nord du Maroc et transportant plus de 50 Africains subsahariens tenta de rejoindre la côte du sud de l’Espagne. Le capitaine musulman camerounais accusa un pasteur nigérian chrétien d’être responsable du mauvais temps parce qu’il priait à bord. Le capitaine et l’équipage frappèrent le pasteur et le jetèrent par-dessus bord avant de contrôler les autres passagers, d’identifier les chrétiens, de les frapper, et de les jeter eux aussi par-dessus bord4.

Le terme « multiculturalisme » (et plus encore celui de multikulti en allemand) résonnait différemment selon les individus. Pendant des années et encore aujourd’hui, pour la plupart des gens, le terme signifie « pluralisme » et désigne simplement une société ethniquement diversifiée. Dire à ce moment-là qu’on était en faveur du multiculturalisme revenait à dire qu’on ne se souciait pas du fait que des gens de tous horizons vivent dans son pays.

En 2006, le ministre de la Justice hollandais, Piet Hein Donner, souleva une vague de colère aux Pays-Bas, en laissant entendre dans un entretien que, si les musulmans souhaitaient remplacer la loi du pays par la charia, ils pourraient le faire par des moyens démocratiques (sous-entendant par là : lorsque les musulmans seront devenus majoritaires). En 2004, Donner avait temporairement proposé la réinstauration du délit de blasphème afin de satisfaire aux exigences de certains musulmans.

Samuel Huntington: « Le multiculturalisme est une civilisation ontologiquement anti-européenne. C’est fondamentalement une idéologie anti-occidentale. »

Alors que l’ère multiculturelle commençait à accuser le coup, on chercha à tout prix un pays où ce concept avait fonctionné. Lorsque l’onde de choc des attentats a frappé Londres, les Britanniques se sont demandé si le modèle français de laïcité n’était pas la solution aux problèmes d’intégration. Puis, après la recrudescence du nombre d’attaques terroristes en France commises par des Français, on se demanda si le modèle anglo-saxon n’avait pas au fond tous les mérites. Entre-temps, on crut trouver en Scandinavie la solution miracle, jusqu’à ce que les problèmes de ces pays finissent par apparaître au grand jour. Globalement, l’opinion publique pouvait constater ce que les dirigeants politiques n’arrivaient pas à voir : malgré les différences entre les nations européennes, elles avaient toutes échoué à intégrer les nouveaux venus.

Pendant la crise, la chancelière Merkel téléphona au Premier ministre Benjamin Netanyahu. On raconte qu’elle voulait lui demander conseil. Israël est le seul pays au monde à avoir efficacement intégré un nombre comparable de gens sur une durée équivalente, comme on le vit à l’arrivée des Juifs russes, dans les années 1990. Sans compter les autres vagues migratoires à grande échelle qu’Israël est parvenu à absorber dans les décennies qui ont suivi sa création. Comment Israël avait-il réussi à accueillir autant d’individus tout en restant remarquablement uni, et peut-être même encore plus uni qu’auparavant ? De nombreuses raisons peuvent l’expliquer, notamment les liens que tissent l’expérience commune du service militaire obligatoire et les programmes d’assimilation mis en place par le Gouvernement en Israël. Ce que la courtoisie diplomatique a peut-être empêché le Premier ministre Netanyahu de souligner, mais qu’il eût sans doute été pertinent de dire, c’est que la quasi-totalité des gens qui pendant des dizaines d’années sont arrivés en Israël partageaient un héritage juif commun, alors que dans les mois et les années à venir, Angela Merkel et son pays allaient devoir admettre que les luthériens allemands étaient peu représentés parmi la masse de gens accueillis en 2015.

Le 5 octobre 1990, un dirigeant musulman religieux déclara lors d’une émission de radio – une station subventionnée d’Amsterdam – que « ceux qui résistent à l’islam, à l’ordre de l’islam ou qui s’opposent à Allah et à son prophète, peuvent être tués, pendus, massacrés ou bannis, comme le prescrit la charia ».

Au Royaume-Uni, la police admit n’avoir pas mené à terme de nombreuses enquêtes concernant la mort de jeunes femmes musulmanes, considérant que ce qui ressemblait bien à des « crimes d’honneur » constituait un phénomène interne, propre à la communauté musulmane. En 2006, l’association médicale britannique rapporta qu’en Grande-Bretagne, au moins 74 000 femmes avaient subi l’excision.

Alors qu’ils ne représentent que 1 % de la population, les juifs étaient victimes de près de la moitié des agressions racistes enregistrées en France. Le 14 juillet 2014, à Paris, des fidèles furent enfermés à l’intérieur d’une synagogue par des immigrés psalmodiant, entre autres, « Mort aux Juifs ». En 2012, un musulman armé a tué trois enfants et un professeur dans une école juive de Toulouse. En 2014, un musulman armé a assassiné quatre personnes au musée juif de Bruxelles. En 2015, un autre musulman armé a tué quatre juifs dans un hypermarché casher à Paris. En 2015, c’est encore un musulman armé qui a tué Des prophètes sans honneur un homme, juif, chargé de la protection à la grande synagogue de Copenhague. Ces assassinats, et d’autres agressions, poussèrent finalement à poser la question de l’antisémitisme musulman.

Fallaci cita l’ancien président algérien Houari Boumédiène. Celui-ci, en 1974, avait dit devant l’assemblée générale des Nations unies : « Un jour, des millions d’hommes quitteront l’hémisphère sud de cette planète pour pénétrer dans l’hémisphère nord. Mais pas en amis. Parce qu’ils jailliront pour conquérir, et ils conquerront en le peuplant de leurs enfants. La victoire nous viendra du ventre de nos femmes.

Lors d’un meeting à Cologne en 2008, le Premier ministre (et futur Président) turc, Erdoğan, expliqua à une foule de 20 000 Turcs vivant en Allemagne, Belgique, France et aux Pays-Bas : « Je comprends très bien que vous soyez contre l’assimilation. On ne peut attendre de vous que vous vous assimiliez. L’assimilation est un crime contre l’humanité. » Cependant, il expliqua à son auditoire qu’il lui fallait s’impliquer dans la politique et gagner suffisamment d’influence pour que les cinq millions de Turcs vivant alors en Europe soient capables de ne plus être simplement des « invités » mais deviennent un « élément constitutif » majeur de la société européenne.

Un dernier pays dont l’existence même est reprochée aux Européens et dont on considère généralement qu’il procède du même « péché originel », c’est l’État d’Israël. Depuis sa fondation en 1948, ce « péché originel » n’a fait que se confirmer et s’accentuer. Peu importe que la création du Pakistan, la même année qu’Israël, ait immédiatement entraîné des massacres inimaginables et imposé la déportation forcée de millions de personnes. Le départ et les expulsions occasionnelles de milliers de Palestiniens en vue de créer l’État d’Israël en 1948 sont devenus le « péché originel » du seul État juif de la planète. Au fil des années, un terme arabe s’est popularisé pour décrire ce qui s’était passé : nakba, ou « catastrophe ». Rares sont les États qui ont été créés sans mouvements de population. De nombreux pays nés au XXe siècle (le Bangladesh par exemple) ont connu des mouvements de population et des effusions de sang qui excèdent très largement tout ce qui s’est jamais produit dans les années qui ont suivi la création d’Israël. Mais aujourd’hui, c’est Israël qu’on accuse constamment d’être né de ce « péché originel ». Les citoyens du Pakistan et du Bangladesh peuvent faire des reproches aux Britanniques, mais jamais on exigerait d’eux qu’ils se sentent coupables, comme on l’exige pourtant des Européens et de leurs descendants. Bien sûr, lorsqu’il s’agit d’Israël (État comparativement plus jeune), les suggestions les plus extrêmes pour régler la situation sont envisageables.

Les attentats de Paris accélérèrent le processus de rétropédalage qui était déjà plus ou moins à l’œuvre. La Norvège modifia précipitamment sa politique d’asile et, en l’espace d’une quinzaine de jours après les événements de Paris, même la Suède annonça qu’elle réintroduisait les contrôles à ses frontières. Dorénavant, les gens entrant dans le pays devraient montrer une pièce d’identité. Ce fut annoncé comme si personne n’avait jamais entendu parler d’une telle chose. Lorsque la Première ministre suédoise, Åsa Romson du Parti vert, fit cette déclaration, elle éclata en sanglots.

Un mois avant l’interdiction du burkini à Nice, un Tunisien, Mohammed Lahouaiej-Boulel, fonça en camion dans la foule massée sur la promenade des Anglais pour célébrer le 14 juillet. Quatre-vingt-six personnes furent tuées ce soir-là et bien davantage encore furent blessées. Daesh affirma que le terroriste avait répondu à l’ordre de commettre des attentats en Europe. Le gouvernement français prolongea encore une fois l’état d’urgence en vigueur dans le pays depuis novembre dernier. Mais il est fascinant de constater qu’à peine un mois après une telle atrocité, le plus virulent des débats publics ait porté sur un accoutrement nautique islamique inventé à peine dix ans auparavant. Être fasciné par un tel attachement aux détails, alors que la question centrale demeurait irrésolue, était tout à fait tentant. Un État est capable d’arrêter des gens qui tiennent des kalachnikovs mais comment peut-on empêcher des gens de mettre la main sur des camions ? On peut arrêter les extrémistes qui s’infiltrent dans le pays mais comment fait-on lorsque les extrémistes sont des citoyens français ?

En décembre 2015, le New York Times fit exception à la règle en publiant un reportage sur les stages suivis en Norvège par des réfugiés volontaires, stages destinés à leur apprendre comment traiter les femmes. Ceci visait à lutter contre la drastique augmentation des viols en Norvège. Pendant ces stages, on expliquait notamment aux réfugiés que, si une femme leur souriait ou était court vêtue, cela ne signifiait pas qu’ils pouvaient la violer. Ces formations, destinées à des gens qui (pour reprendre les paroles d’un des organisateurs) n’avaient jamais vu que des femmes en borka et pas en minijupe, plongeaient certains d’entre Apprendre à vivre avec eux dans des abîmes de perplexité. « Les hommes ont des faiblesses. Quand on voit quelqu’un qui nous sourit, c’est difficile de se contrôler », expliquait un demandeur d’asile de 33 ans. Dans son propre pays, l’Érythrée, continua-t-il, « si quelqu’un veut une femme, il n’a qu’à la prendre, il ne sera pas puni pour ça ».

Finalement, le tabou atteint de telles proportions qu’en septembre 2015, des fonctionnaires bavarois commencèrent à mettre en garde les parents allemands : ceux-ci devaient désormais s’assurer que leurs filles, lorsqu’elles sortaient, ne portent pas des vêtements trop près du corps. « Les décolletés, les minishorts et les minijupes peuvent susciter des malentendus », prévenait une lettre aux parents. Dans certaines villes bavaroises, notamment à Mering, la police incitait les parents à ne pas laisser leurs enfants sortir seuls. On conseilla aux femmes de ne pas se rendre à la gare sans être accompagnées. À partir de 2015, on enregistra quotidiennement des signalements de viols dans les rues d’Allemagne, les bâtiments publics, les piscines et en bien d’autres endroits. Des événements semblables furent signalés en Suède, en Autriche et partout ailleurs. Mais partout le sujet des viols resta sous le boisseau, étouffé par les autorités et considéré par la plupart des médias européens comme ne faisant pas partie des informations dignes d’être rapportées.

En janvier 2016, deux hommes politiques révélèrent la véritable ampleur du désastre. Lors d’un entretien accordé à la télévision néerlandaise, Frans Timmermans, vice-président de la Commission européenne, reconnut que la majorité des gens arrivés en Europe l’année précédente n’étaient pas des demandeurs d’asile, mais bien des migrants économiques. Citant des chiffres de l’agence de contrôle des frontières Frontex, Timmermans admit qu’au moins 60 % des personnes arrivées en Europe l’année précédente étaient en réalité des migrants économiques, qui n’avaient pas davantage le droit de rester en Europe que n’importe quel autre étranger. Quant à ceux qui étaient originaires d’États d’Afrique du Nord, comme le Maroc et la Tunisie, Timmermans ajouta « qu’ils n’avaient aucune raison de demander le statut de réfugiés ».

Puis, le ministre de l’Intérieur suédois Anders Ygeman reconnut que, parmi les 163 000 personnes arrivées en Suède l’année précédente, seulement la moitié pouvait légitimement déposer une demande d’asile. M. Ygeman évoqua le nombre d’avions dont le gouvernement suédois allait avoir besoin pour les renvoyer dans leur pays, et prévint que plusieurs années seraient nécessaires pour expulser ces gens. Concernant les migrants présents en Suède en 2015, et dont le Gouvernement avait estimé qu’ils n’avaient pas le droit d’être là, il déclara : « Nous parlons de 60 000 personnes mais les chiffres pourraient monter à 80 000. » Il est terrifiant qu’un Gouvernement puisse aboutir à cette conclusion après avoir lui-même fait entrer tant de gens dans son pays.

À la fin du mois de mai 2016, l’Allemagne avait plus de 220 000 personnes sous le coup d’un arrêté d’expulsion. Seules 11 300 d’entre elles furent expulsées, y compris vers les pays où elles étaient arrivées en premier lieu, comme la Bulgarie.

Lorsque les services belges ont enquêté sur les nombreux projets d’attentats fomentés par des Belges, ils ont découvert qu’une grande partie d’entre eux préparaient leur coup en étant toujours subventionnés par l’État. Salah Abdeslam, par exemple, le principal suspect et survivant des attentats de Paris en novembre 2015, avait perçu pendant la période précédant les attentats 19 000 euros d’allocations chômage. Ses dernières allocations remontaient à peine à quelques semaines avant les attentats. Cela fait des sociétés européennes les premières dans l’histoire du monde à payer les gens qui les attaquent.

Écrivains et penseurs se montraient autrefois moins réservés sur la question. Le Déclin de l’Occident d’Oswald Spengler fait partie de ces ouvrages pessimistes et profondément vivifiants qui ont marqué la pensée allemande du début du XXe siècle. Il y défend précisément cette thèse. Spengler considère en effet que les civilisations, à l’instar des gens, naissent, s’épanouissent, dégénèrent et meurent. À ses yeux, l’Occident arrive au terme de ce processus. Une critique courante du « spenglérisme » consiste à dire qu’une des caractéristiques de la culture occidentale réside précisément dans la peur permanente de la décadence. En admettant que cette critique soit juste, cela n’empêche pas que l’Occident, qui aime à s’apitoyer sur son sort, ait effectivement entamé une phase de déclin.

Que détruisirent encore ces conflits et le choc des idéologies ? Très certainement l’idée consolatrice d’un Dieu miséricordieux, à défaut des derniers vestiges de religion. Si la disparition de cette idée ne s’était complètement accomplie dans les boues des Flandres, l’affaire fut définitivement réglée lors du « procès de Dieu » comme Elie Wiesel le décrivit à Auschwitz. Les juifs pouvaient continuer à honorer leurs traditions en tant que peuple et, s’ils avaient perdu leur foi en Dieu, ils pouvaient croire en leur peuple. Mais l’Europe chrétienne avait perdu la foi non seulement en son Dieu, mais aussi en ses peuples. Toute foi que l’homme pouvait encore avoir en l’homme avait été détruite en Europe. À partir des Lumières, la croyance et la confiance en Dieu s’étaient étiolées, mais la croyance et la confiance en l’homme les avaient partiellement remplacées. La croyance en un homme autonome s’était développée avec les Lumières, qui avaient mis l’accent sur la sagesse potentielle de l’humanité. Néanmoins, ceux qui s’étaient laissé guider par la raison avaient désormais l’air aussi ridicules que les autres. La « raison » et le « rationalisme » avaient mené les hommes à commettre les choses les plus déraisonnables et les plus irrationnelles qui soient. Ce n’était qu’un moyen utilisé par des hommes pour contrôler d’autres hommes. La croyance en l’autonomie de l’homme avait été détruite par l’homme.

Quelles répercussions peut avoir l’arrivée massive en Europe de gens qui n’ont reçu en héritage ni les doutes ni les intuitions des Européens ? Personne ne le sait à ce jour et personne ne l’a jamais su. La seule chose dont nous puissions être certains, c’est que cela ne saurait rester sans effet. Laisser s’installer des dizaines de millions de gens, avec leurs idées et leurs contradictions, sur un continent qui professe d’autres idées et porte d’autres contradictions, a nécessairement des conséquences. L’hypothèse que formulaient les tenants de l’intégration, selon laquelle tout le monde, avec le temps, pouvait se transformer en Européen, apparaît d’autant moins valide aujourd’hui que de nombreux Européens ne sont eux-mêmes pas vraiment certains de vouloir le rester.

Puis, par mégarde, M. Goldstein laissa filer une information intéressante. Des amis, qui enseignaient en lycée dans les zones principalement musulmanes de Molenbeek et de Schaerbeek, lui avaient raconté que, dès qu’il était question des terroristes qui avaient semé la désolation dans leur ville, « 90 % des lycéens, âgés de 17 à 18 ans, les considéraient comme des héros ». Ailleurs, dans un entretien accordé à De Standaard, le ministre de l’Intérieur belge, Jan Jambon, affirma qu’une part significative de la communauté musulmane avait dansé lorsque les attaques avaient eu lieu.

Un sondage effectué en Grande-Bretagne en 2006, un an après que les caricatures danoises furent publiées, montra que 78 % des musulmans britanniques pensaient qu’il fallait assigner en justice ceux qui les avaient publiées. Un pourcentage à peine plus faible (68 %) avait le sentiment qu’il fallait assigner en justice toute personne qui insultait l’islam. Le même sondage découvrait que près d’un cinquième des musulmans britanniques (19 %) respectait Oussama Ben Laden et 6 % déclaraient même le « respecter grandement2 ». Neuf ans plus tard, lorsque deux membres d’Aqmi entrèrent dans les bureaux de Charlie Hebdo et massacrèrent l’équipe de rédaction qui avait publié les caricatures de Mahomet, 27 % des musulmans britanniques estimèrent avoir « de la sympathie » pour les motifs des terroristes. Près d’un quart (24 %) disent trouver légitime la violence envers ceux qui publient des images de Mahomet3. La BBC, qui avait commandé le sondage, en fit le gros titre suivant : « La plupart des musulmans britanniques s’opposent aux représailles contre les caricaturistes de Mahomet. »

Ainsi, par exemple, le directeur du centre islamique de Luton, Abdul Qadeer Baksh, qui dirige une école locale, qui est l’allié d’élus locaux au rang desquels on compte quelques parlementaires, qui travaille avec les fonctionnaires du réseau interconfessionnel Luton Council of Faiths. Il pense par ailleurs que l’islam est depuis mille quatre cents ans en guerre avec « les juifs » et que, dans une société idéale, les homosexuels devraient être tués. Il défend l’idée de couper les mains aux voleurs ou de fouetter les femmes, car ce sont des punitions hudud de l’islam, donc acceptables.

Pendant l’été 2014, le festival musical We are Stockholm eut lieu comme chaque année. Sauf qu’en l’occurrence, des dizaines de jeunes filles, dont certaines n’avaient que 14 ans, furent encerclées par des bandes de migrants, principalement des Afghans, frappées et violées. La police locale étouffa l’affaire et n’en fit aucune mention dans son rapport sur le festival, lequel durait cinq jours. Il n’y eut aucune arrestation et la presse évita toute mention des viols. En 2015, des viols organisés par des bandes de migrants eurent lieu dans d’autres festivals de musique, à Stockholm, à Malmö et dans d’autres villes. Les statistiques étaient incroyables. Alors qu’en 1975, la police suédoise recensait 421 viols, en 2014 les chiffres annuels s’élevaient à 6 6205. En 2015, la Suède avait le taux de viols par habitant le plus élevé du monde, à l’exception du Lesotho.

Après le viol en réunion d’une jeune fille, à bord du ferry reliant Stockholm à Turku, en Finlande, la presse affirma que les coupables étaient suédois, alors qu’il s’agissait en réalité de Somaliens. Dans tous les pays voisins se produisaient les mêmes événements. Des études publiées au Danemark en 2016 montrèrent qu’à âge égal, les Somaliens avaient 26 fois plus de chances de commettre un viol que les Danois. Et pourtant, en Suède comme ailleurs, le sujet demeurait tabou.

Il aurait d’abord fallu se pencher sur les racines du problème : à qui l’Europe est-elle destinée ? Ceux qui pensent qu’elle appartient au monde entier n’ont jamais expliqué pourquoi ceci ne fonctionnait qu’à sens unique. Que les Européens parcourent le monde, et on les taxe de colonialisme. Que le monde vienne en Europe, et alors, ce n’est que justice. Ils n’ont pas non plus précisé que si l’immigration devait faire de l’Europe un endroit appartenant à tous, les autres pays en revanche restaient la propriété de leurs peuples. Ils ne sont parvenus à leurs fins que parce qu’ils ont trompé l’opinion et dissimulé ce qu’ils voulaient entreprendre.

Au milieu de ce siècle, alors que la Chine ressemblera probablement encore à la Chine, l’Inde à l’Inde, la Russie à la Russie et l’Europe de l’Est à l’Europe de l’Est, l’Europe occidentale ressemblera à une version à grande échelle des Nations unies.

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