Bennett ou le voisin intempestif

Naftali Bennett fut un combattant d’élite de Tsahal[1], et est aujourd’hui officier de réserve au grade de major. Après son passage à l’armée il a fait carrière dans  l’industrie des technologies de pointe et est entré en politique.  Ce patriote au parcours exemplaire a fini par devenir Premier Ministre d’Israël, mais contrairement aux apparences, la vie politique n’est peut-être pas ce qui lui convient le mieux.

Quand il a été intronisé chef de gouvernement  il s’est avéré que la résidence officielle du Premier Ministre, traditionnellement située à Jérusalem, devait être rénovée et ne serait donc pas disponible dans un premier temps. Mais Bennett a déclaré d’emblée qu’il n’avait de toutes manières pas l’intention de  s’y installer, et qu’il continuerait à résider  dans sa villa dans la bonne ville de Raanana pour y assumer ses fonctions.

Suite à la demande de Bennett, le Conseiller Juridique du Gouvernement a fait requalifier sa résidence privée en résidence officielle. La raison invoquée par Bennett était qu’un déménagement de sa famille à Jérusalem serait préjudiciable pour ses enfants et son épouse. A noter qu’il est  de notoriété publique que celle-ci rechigne parfois à se conformer aux contraintes liées aux fonctions de son mari.

La villa en question et ses abords ont du subir des transformations radicales, et donc très couteuses, afin d’être compatibles avec  les normes de sécurité exigées par les services secrets. Des murs se dressent  maintenant en pleine rue,  des pylônes surgissent du sol, des projecteurs éclairent les lieux,   des caméras enregistrent l’activité,  des gardes patrouillent en permanence, et seules les personnes accréditées peuvent accéder au secteur.

Le chamboulement de ce qui était il y a quelque mois seulement une rue paisible dans un quartier résidentiel constitue maintenant une calamité pour le voisinage.  La qualité de vie y a considérablement baissé suite aux travaux et au bruissement lié aux activités du Premier Ministre.

Si cette initiative avait été décrétée au nom de la raison d’Etat il aurait fallu que les voisins  de Bennett prennent leur mal en patience. Mais ce n’est à l’évidence pas le cas : cette décision a été prise par lui et son épouse, à leur seule discrétion et pour leur seule convenance. Leurs voisins ne voient donc pas au nom de quel principe la qualité de vie de la famille Bennett aurait précédence sur la leur.

Bennett est un homme de conviction pour lequel la symbolique de Jérusalem est particulièrement importante. Il est donc étonnant  qu’il se soit résolu à recevoir à Raanana des personnalités en visite officielle au lieu que ce soit dans la capitale d’Israël comme il est d’usage.

D’après la chaine de télévision « Aroutz 13 » le coût de la mise à niveau de la villa de Bennett se situerait autour de 45 millions de Shekel. Cette dépense aux frais du contribuable semble déraisonnable alors que le mandat de Bennett n’est prévu que pour une durée maximale de deux ans.

Mais Naftali Bennett est dans la force de l’âge, et nul doute que cet homme ambitieux et courageux serait à même de relever de nouveaux défis si jamais il était emmené à quitter la vie politique.

[1] Armée de défense d’Israël

Pie XII, disciple de Ponce Pilate

Nina Valbousquet est docteure en histoire et professeure à l’École française de Rome[1]. Elle fait de la recherche concernant le pontificat de Pie XII depuis que le Vatican a ouvert les archives le concernant.  Après avoir compilé des milliers de documents de cette époque, elle conclut qu’« il n’existe aucune preuve solide d’un supposé ordre, ou même encouragement direct de Pie XII protégeant les Juifs contre les persécutions nazies ; il y eut plutôt une sorte de laisser-faire. On ne peut pas attribuer au pape ce que d’autres catholiques ont eu le courage de faire sur le terrain[2] ».

Il ne fait pas de doute que d’une part l’Eglise a sauvé des Juifs, mais que d’autre part le silence de Pie XII était cohérent du point de vue théologique. Il ne s’agissait bien entendu pas pour lui de souscrire aux crimes nazis, mais bien de se taire concernant une Shoah qui lui semblait relever de la volonté divine. Tout comme Ponce Pilate, Pie XII se lavait les mains du sang juif versé par autrui. Revendiquer Urbi et Orbi la légitimité de l’existence  du peuple juif aurait résonné dans le monde chrétien comme un renoncement à la  « théologie de la substitution », fondement même du christianisme.

La « théologie de la substitution »  postule que le peuple d’Israël, autrefois élu par Dieu, est maudit depuis son rejet du Christ. Le judaïsme est obsolète, et n’est plus que la préfiguration de « l’Église triomphante, qui se substitue à Israël et devient le « verus Israel », le nouveau  peuple élu ».

Deux Pères de l’Eglise, Saint Augustin et Saint Chrysostome, considéraient  dès le quatrième siècle que les Juifs étaient les « assassins du Christ », en vertu de quoi ils avaient théorisé la doctrine du « peuple déicide ».  Celle-ci ne fut abandonnée que 1600 ans plus tard, lors de Vatican II en 1965. L’accusation de déicide était donc valide lors du pontificat de Pie XII, et l’est d’ailleurs restée dans l’Église grecque-orthodoxe, dans de nombreuses  mouvances protestantes, et chez les catholiques traditionalistes.

Saint Augustin explique que « les Juifs ont cherché à perdre l’âme du Christ, soit comme chef, puisqu’ils l’ont crucifié, soit comme corps, en persécutant après la mort du Sauveur ses premiers disciples. [3]»  Mais, paradoxalement, il défend la pérennité du peuple juif parce que leur rabaissement, la destruction de leur temple et leur dispersion constitue la preuve vivante du châtiment divin. Le christianisme ne peut donc tolérer la survivance de peuple juif que comme témoin souillé pour l’éternité par son rejet du Christ.

Saint Chrysostome  pour sa part décrit la synagogue comme « un endroit pire qu’un lupanar ou qu’un débit de boisson ; c’est un repaire de fripouilles, de bêtes sauvages, un temple de démons, le refuge de brigands, de débauchés, et la caverne des diables. La synagogue est  une assemblée criminelle d’assassins du Christ. Les démons résident dans la synagogue et dans l’âme des juifs,  qui sont juste bons à être massacrés[4] ».

Mille ans plus tard, Martin Luther, l’un des fondateurs du protestantisme, écrit dans son traité « Des Juifs et de leurs mensonges » que  « les synagogues des Juifs et leurs écoles doivent être brûlées, leurs livres de prières détruits, leurs rabbins interdits d’officier, leurs maisons rasées et leurs biens et argents confisqués. On ne peut montrer à leur égard aucune pitié ni aucune bonté, ni leur procurer de protection légale. Ces vers venimeux et vénéneux doivent être punis de travaux forcés ou expulsés une bonne fois pour toutes. Nous sommes fautifs de ne pas les tuer ».

Monseigneur Lefebvre, archevêque et figure charismatique du catholicisme traditionaliste, exige de Vatican II en 1965 le maintien de la doctrine de l’Eglise concernant « la responsabilité collective des juifs dans la mort du Christ, et de la  réprobation et malédiction de la religion judaïque »

En 2005, Yad Vashem fait figurer dans son musée la photo de Pie XII comme personnalité emblématique de « ceux dont on devrait avoir honte pour ce qu’ils ont fait aux Juifs ».

Denis Charbit, professeur de sciences politiques israélien, évoque dans « Histoire Universelle des Juifs »[5] le silence de Pie XII et de ceux qui comme lui « voyaient dans la Shoah la confirmation de la doctrine augustinienne réservant souffrance et déchéance au peuple qui avait renié Jésus, et qui méritait donc d’expier le sang versé de celui qu’il avait crucifié. »

L’idée, assez répandue il est vrai, que c’est la pièce de théâtre « Le Vicaire » de Rolf Hochhuth qui serait à l’origine de la controverse en 1963 concernant le silence de Pie XII, est un mythe. En réalité de nombreux catholiques avaient été troublés par le silence du Pape dès la fin de la guerre.

Paul Claudel, grand catholique mais antisémite repenti, écrit en décembre 1945 que « rien n’empêche plus la voix du pape de se faire entendre. Les horreurs sans nom et sans précédent dans l’Histoire commises par l’Allemagne nazie [contre les Juifs] auraient mérité une protestation solennelle du vicaire du Christ. Nous avons eu beau prêter l’oreille, nous n’avons entendu que de faibles et vagues gémissements. Le sang versé dans l’affreux silence du Vatican étouffe les chrétiens. [6]»

En 1946, Jacques Maritain, philosophe et ambassadeur de France près le Saint-Siège adjure Pie XII de « condamner explicitement l’antisémitisme, puisque désormais l’Église n’a pas à avoir peur des représailles nazies. Ses initiatives furent vaines.[7]» Silence à nouveau de Pie XII, donc, même un an après la Shoah.

En 1965 Vatican II remplace la « théologie de substitution », qui avait prévalu jusque là, par la doctrine des « deux alliances en vertu de laquelle Dieu n’aurait  jamais rompu son alliance avec le peuple d’Israël.  Il n’y a donc plus lieu de chercher à convertir les Juifs. La doctrine des deux alliances implique que la Bible, juive ou chrétienne, offre deux voies d’accès au salut »[8]. Mais, comme le souligne Henri Tincq, journaliste spécialiste de l’Etat du Vatican, « aussi stupéfiant que cela puisse paraître quarante ans après la guerre, Vatican II n’a toujours  pas dit un mot sur la Shoah et ses victimes[9]

Ce nouveau silence du Vatican n’avait probablement d’autre fonction que de ne rien faire qui pourrait compromettre l’éventuelle canonisation de  Pie XII, père fondateur du négationnisme.

[1] Institut de recherche en histoire, en archéologie et en sciences humaines et sociales dépendant du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

[2] Entretien avec Nina Valbousquet, mensuel « Historia » juin 2021.

[3] Commentaire du psaume 63

[4] Jean Chrysostome, Adversus Judaeos, 1, 6.

[5] Ouvrage collectif publié sous la direction de l’historien et diplomate Elie Barnavi.

[6] « Le long péché par omission de Pie XII », Patrick Kéchichian, « Le Monde » décembre 2009.

[7] Entretien avec Nina Valbousquet, mensuel « Historia » juin 2021.

[8] https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9ologie_des_deux_alliances

[9] https://www.lemonde.fr/idees/article/2005/11/01/entre-juifs-et-catholiques-une-paix-toujours-menacee-par-henri-tincq_705347_3232.html

 

Pie XII et les Juifs

L’obligation doctrinale de  tourmenter les Juifs repose sur les textes fondateurs du christianisme. Parmi les premiers ayant eu force de loi dans l’Empire romain, il y eut  les conclusions du Concile de Nicée en l’an 325, qui décrétaient déjà que « c’était chose indigne, que de suivre en ce point la coutume des Juifs… Les Juifs sont si fort éloignés de la vérité, même en ce point, qu’ils célèbrent deux fois la fête de Pâque en une année ».

Le silence de Pie  XII concernant la Shoah est un fait incontestable du point de vue historique, mais on peut l’interpréter de diverses manières. Il se peut qu’il craignait que les nazis ne déclenchent  de représailles, ou que le souci de protéger les catholiques sous botte nazie était prioritaire, ou que la menace de l’athéisme bolchévique mobilisait toute son attention, etc..

Par ailleurs il semble que nonobstant son silence, Pie XII aurait contribué au sauvetage de Juifs italiens menacés de déportation. Mais l’institution  papale étant de nature spirituelle, elle se situe en principe au-delà des spéculations temporelles. Sachant mieux que quiconque que la matrice de l’antisémitisme était le christianisme, Pie XII aurait pu, s’il l’avait voulu, manifester sa solidarité avec le peuple juif aux prises avec les nazis.  Il n’avait certes pas de canons, mais bien une voix. Il ne s’en est pas servi.

Si l’on considère que Pie XII avait des raisons de se taire concernant la Shoah, alors on peut aussi penser que les Alliés n’auraient pas dû débarquer en Normandie, que les Anglais auraient dû faire la paix avec l’Allemagne, que l’Europe aurait dû accepter de se soumettre au Troisième Reich, et que de Gaulle aurait dû rallier Vichy. Il n’y aurait sans doute pas eu de Deuxième Guerre Mondiale, et on parlerait aujourd’hui allemand à Paris.  On n’en finit pas avec ce genre de raisonnement.

En tant qu’être humain, Pie XII n’était  sans doute pas indifférent au sort des Juifs conduits à l’abattoir. Mais l’on ne peut pas, dans ce contexte, considérer la foi de ce grand chrétien comme un détail. En tant que Vicaire du Christ il devait être imprégné du credo  en vertu duquel le judaïsme est un obstacle à la christianisation – et donc au Salut – du genre humain tout entier.

La persistance du judaïsme ne peut être vécue par la chrétienté que comme un affront. C’est dans ce sens que Pie XII devait d’une certaine manière voir dans l’avènement d’Hitler la main de Dieu. A préciser que bien que germanophile, ce Pape n’avait aucune sympathie envers les nazis. Il estimait cependant qu’il ne pouvait s’opposer à la Providence qui les avait emmenés au pouvoir afin d’éradiquer le judaïsme. Il était convaincu que du point de vue théologique il ne pouvait se mettre en travers de la « Solution Finale », qu’il percevait comme une divine surprise dont les nazis constituaient le bras séculier.

Il n’est pas anodin de relever que l’archevêque anglican  Desmond Tutu récemment décédé avait adressé lors de sa visite au Mémorial de la Shoah à Jérusalem une prière pour l’âme des nazis. Après tout ceux-ci n’étaient de son point de vue, tout comme de celui de Pie XII, que les instruments du céleste Père.

Rien ne pourra jamais exonérer Pie XII de son coupable silence. Pas même sa possible canonisation, outrage ultime à six millions de Juifs partis en fumée. Aucun calcul, aussi rationnel et aussi pragmatique soit-il, aucune contorsion rhétorique ou contrevérité historique ne justifiera jamais qu’il n’ait pas hurlé à la face du monde qu’on était en train de massacrer le peuple juif.

Pie XII était donc un bon chrétien. Toute autre explication de son silence est nulle et non avenue.

Desmond Tutu ou le prélat indigne

L’archevêque Sud-Africain Desmond Tutu est décédé cette semaine à l’âge de 90 ans. Ce grand chrétien, prince de l’Eglise anglicane et prix Nobel de la paix, était aussi un antisémite notoire. Cela faisait des décennies que le centre Simon-Wiesenthal relevait sa judéophobie et son négationnisme de café de commerce.

Tutu minimisait l’ampleur de la Shoah et estimait que les chambres à gaz avaient eu l’avantage de tuer « proprement ».

Tutu accusait les Juifs  de s’être arrogé une exclusivité en matière de génocide et demandait aux survivants des camps d’extermination de « pardonner les nazis[1] ».

Tutu condamnait les Juifs pour avoir « monopolisé Dieu » alors qu’en réalité ils étaient (d’après lui) les ennemis de Dieu et que Jésus était en colère contre eux.

Tutu n’était pas raciste au sens premier du terme. Son antisémitisme était explicitement théologique. Il incriminait les Juifs de ne pas être chrétien, mais ne faisait pas ce reproche aux pratiquants  d’autres religions. C’est la marque même de l’obsession du christianisme, qui commande de liquider le judaïsme dont il est  issu. Le christianisme ne peut admettre la survivance des Juifs autrement que comme témoins souillés pour l’éternité par leur rejet du Christ.

Au mémorial de la Shoah à Jérusalem Tutu a adressé une prière pour les nazis responsables d’avoir exterminé six millions de Juifs.

Tutu accusait les Juifs de faire aux Palestiniens ce que les nazis faisaient aux Juifs. Il estimait que l’Etat d’Israël était terroriste et totalitaire, comparable en cela à l’Allemagne nazie et à l’Afrique du Sud sous Apartheid[2].

Tutu soutenait le BDS, organisation antisémite en faveur d’un boycott  d’Israël avec pour objectif la fin de l’Etat juif.

Tutu accusait les Juifs d’être arrogants et de terroriser les « bons » américains en se servant de la toute-puissance[3] du « lobby juif » aux Etats-Unis.

Tutu avait coutume de dire  « que cela plaise ou non aux Juifs, c’est un peuple particulier. Ils ne peuvent jamais espérer être jugés selon les mêmes normes que celles utilisées pour les autres. » Là aussi ressurgit « l’Enseignement du Mépris » du christianisme tel qu’il a été prêché durant des siècles jusqu’au concile Vatican II. Mais il se peut qu’en tant que dignitaire de l’Eglise anglicane Tutu n’était pas au courant des remises en question des catholiques.

La question est maintenant de savoir si une personnalité comme Tutu qui promeut la haine des Juifs a néanmoins droit à des circonstances atténuantes eu égard à son combat contre l’Apartheid.

La question est aussi de savoir si un prêtre comme Tutu qui avalise l’antijudaïsme chrétien a néanmoins droit à des circonstances atténuantes eu égard à son combat contre l’Apartheid.

Enfin la question est de savoir si un politicien comme Desmond Tutu qui s’appuie sur l’antisémitisme endémique pour nourrir sa propagande a néanmoins droit à des circonstances atténuantes eu égard à son combat contre l’Apartheid.

La réponse est non, non et non.

[1] « Tutu Urges Jews to Forgive The Nazis », San Francisco Chronicle, 27 décembre 1989.

[2] John Allen, Rabble-Rouser For Peace: The Authorised Biography of Desmond Tutu, p. 385

[3] Ibid

Mansour Abbas et Anouar el-Sadate, même combat ?

Mansour Abbas est un homme politique israélien de 47 ans. Bien qu’ayant un diplôme en médecine dentaire, il n’a exercé que  pendant une courte période.  Il milite depuis sa jeunesse pour l’amélioration des conditions de vie de la communauté arabe dont il est issu. Cet érudit enseigne le Coran et se consacre à la promotion d’un Islam modéré.  Il est membre de la faction sud du « Mouvement Islamique Israélien », et secrétaire général du parti arabe Ra’am. Il est aussi député et Ministre chargé des Affaires arabes dans le gouvernement d’Israël.

Les partis politiques arabes israéliens sont traditionnellement hostiles à l’idée même d’un Etat juif, et affichent sans nuances  leur solidarité avec les ennemis les plus irréductibles d’Israël.  Ils estiment que l’avènement de l’Etat juif en 1948 est un accident de l’Histoire qui devra tôt ou tard être revu et corrigé.

Mansour Abbas a récemment participé à un colloque à Tel Aviv sur l’avenir de l’Etat d’Israël, organisé par le quotidien financier « Globes ». Il a été invité à s’exprimer à la tribune en tant que leader politique influent de la communauté arabe d’Israël.

Le journaliste chargé de l’interviewer sur le podium  lui pose la question suivante : « pouvez-vous me dire si vous, en tant qu’Arabe, pouvez admettre Israël en tant qu’Etat juif ? » Mansour Abbas, qui a manifestement une réponse toute prête, répond  sans hésiter: « L’État d’Israël est né en tant qu’État juif. C’est la décision du peuple juif.  Ce serait une erreur que de s’interroger sur l’identité de cet État : il est né juif et le restera. La question maintenant est de déterminer quel est le statut du citoyen arabe dans l’Etat juif d’Israël. »

Cette déclaration sans précédent de la part d’un leader arabe de premier plan est proprement bouleversante. L’avenir dira s’il s’agit d’un cas isolé, ou s’il signale un revirement en profondeur de la conscience collective des Arabes israéliens. On peut l’espérer, mais il faut d’ores et déjà saluer le courage et la vision politique de cet homme qui n’a peut-être pas fini de nous étonner, comme naguère le regretté Président d’Egypte Anouar el-Sadate.

Prions pour que la ressemblance entre leur destin respectif s’arrête là.

Le christianisme selon Leibowitz

Le texte ci-dessous est un extrait de l’ouvrage de Daniel Horowitz paru en 2019 consacré à Yeshayahu Leibowitz.  

Adolf Eichmann[1] refusa, lors de son procès à Jérusalem, de prêter serment sur le Nouveau Testament comme le lui proposait le Président du tribunal. Mais comme il se disait croyant, le tribunal lui permit de jurer « au nom de Dieu » sans que l’on sût au juste duquel il s’agissait. Le monde chrétien en fut soulagé, parce qu’il avait craint – à raison – qu’il n’y eût, durant les débats, association d’idées entre nazisme et christianisme. Mais du point de vue juif il eût été cohérent qu’Eichmann jurât sur le Nouveau Testament, parce qu’en tant qu’artisan de la Shoah, il n’avait fait, du moins du point de vue conceptuel, qu’obtempérer à l’obsession chrétienne de liquider le judaïsme. Cette obsession constitue en effet la raison d’être de la religion créée par Saint Paul de Tarse[2] après la mort de Jésus de Nazareth. Même les chrétiens les mieux disposés par rapport aux Juifs tels que les évangélistes américains ont pour objectif la conversion du peuple juif tout entier après son retour en Israël. Eichmann ne fut donc pour Leibowitz que l’incarnation de deux mille ans d’antisémitisme chrétien.

Martin Luther, fondateur du protestantisme, écrivait au xvie siècle dans son ouvrage « Des Juifs et de leurs mensonges » que

« les synagogues des Juifs et leurs écoles doivent être brûlées, leurs livres de prières détruits, leurs rabbins interdits d’officier, leurs maisons rasées et leurs biens et argents confisqués. On ne peut montrer à leur égard aucune pitié ni aucune bonté, ni leur procurer de protection légale. Ces vers venimeux et vénéneux doivent être punis de travaux forcés ou expulsés une bonne fois pour toutes. Nous sommes fautifs de ne pas les tuer [3]».

Il est frappant de constater la proximité entre la rhétorique antisémite de Luther et celle des nazis. Il n’est pas étonnant que ce qui avait été prêché pendant des siècles à l’Église ait fini par faire partie intégrante de l’inconscient collectif chrétien, tant et si bien que même quand le lien organique entre État et religion fut rompu cela ne mit pas fin à l’antisémitisme.

Les crimes d’Eichmann et de ses complices vis-à-vis des Juifs ne furent que l’aboutissement de ce qui couvait dans la chrétienté depuis les origines. Il est vrai que le déicide dont furent longtemps accusés les Juifs n’est plus à la mode dans l’Église catholique, qui s’abstient depuis la Shoah de mettre les Juifs en cause sur ce point précis. Mais contrairement à une idée reçue, ce n’est pas le mythe du déicide qui explique l’antisémitisme chrétien, mais bien la survivance du judaïsme en tant que frère ainé. Le concile Vatican II a donc mis une sourdine à l’accusation de déicide, mais pas mis fin à la répulsion endémique à l’égard du judaïsme. C’est ce qui faisait dire à Karl Barth, universitaire et théologien du xxe siècle, qu’

« Israël selon la chair est la forme fantomatique et monstrueuse de la synagogue. La synagogue qui entend la Parole de Dieu et qui, en dépit de tout ce qu’elle entend, demeure encore et toujours sans foi. L’entêtement et la mélancolie des Juifs, leurs lubies et leurs bizarreries. Le mensonge orgueilleux, le messianisme nationaliste et légaliste de la synagogue »[4].

Du point de vue Juif, le christianisme, qui se veut continuation du judaïsme, n’est en réalité qu’une régression idolâtre. Le christianisme emprunte certes des figures bibliques, mais n’est en réalité qu’un sous-produit de l’hellénisme païen. Il est courant d’entendre dire, dit Leibowitz, que Jérusalem est le berceau des trois religions monothéistes, mais en réalité c’est faux. Le judaïsme a commencé en Irak, l’islam en Arabie, et s’il est vrai que le christianisme a commencé à Jérusalem, cette religion n’est pas un monothéisme[5].

Il faut savoir que le monothéisme n’est pas à opposer au polythéisme au sens où le judaïsme postulerait qu’il n’y aurait qu’un seul Dieu. Si par exemple les Grecs avaient supprimé leurs dieux pour ne garder que Zeus, cela n’aurait eu aucune ressemblance conceptuelle avec le Dieu transcendant de la Torah. C’est ainsi que le postulat de la Torah en vertu duquel « Dieu est Un » ne fait pas référence à un nombre, mais que l’essence de Dieu est différente de tout ce qui est connaissable par l’être humain.

Le christianisme est l’antithèse du judaïsme au niveau de la pratique, de la pensée et du concept. Maïmonide mettait déjà en garde au xiie siècle contre « ces Chrétiens avec leurs mascarades qui prétendent porter la parole du Messie. Ce sont des idolâtres et il faut les traiter comme la Torah commande de le faire avec les païens[6]. Y a-t-il un plus grand obstacle à Israël que ce Nazaréen qui prétendait être le Messie ? Alors que les prophètes prédisaient que le Messie serait le rédempteur et qu’il terrasserait les oppresseurs, le Nazaréen a causé la destruction, la dispersion, l’humiliation et l’avilissement d’Israël et de sa Torah. »[7]

Il est notoire que le Pape Pie XII observa durant la Seconde Guerre mondiale un silence assourdissant face aux persécutions des Juifs, alors qu’il est établi qu’il ne pouvait les ignorer. La question est de savoir pourquoi il n’a pas dénoncé ces crimes à la face du monde. La réponse est que c’était sa foi qui le guidait[8]. En tant que représentant de Dieu sur terre, le pape ne pouvait que laisser faire les nazis qui, à ses yeux, accomplissaient l’essence du christianisme. Le pape en tant qu’homme n’était peut-être pas indifférent au sort de millions de Juifs menés à l’abattoir, mais ce grand chrétien voyait dans la Shoah le début de la fin du judaïsme,or c’était cela qui était prioritaire à ses yeux. Sa conviction en tant que Vicaire du Christ était que le judaïsme était un obstacle à la christianisation – et donc au Salut – du genre humain tout entier.

Le rapport du christianisme avec le judaïsme est différent de ce qu’il est avec d’autres religions, parce que le christianisme prétend être le véritable judaïsme. Mais le christianisme étant ultérieur au judaïsme, c’est un peu à l’image du fils qui dépouille son père de son vivant, mais continue de craindre pour son héritage aussi longtemps quel père n’est pas mort. C’est ainsi que le judaïsme est illégitime du point de vue chrétien, et que sa persistance ne peut être vécue que comme un outrage. L’Église ne peut s’y résigner qu’à condition que les Juifs soient stigmatisés en raison de leur mécréance. Autrement dit, plus les Juifs souffrent, plus cela démontre qu’ils ont tort de ne pas adhérer au Christ.

Il est vrai que dans un premier temps l’Église ne souhaitait pas la liquidation physique des Juifs, et leur conversion était même bienvenue, parce que cela corroborait la continuité entre judaïsme et christianisme. Mais comme après quelques générations il s’est avéré impossible de convertir l’ensemble des Juifs, il ne restait plus qu’à aspirer à leur extermination. L’apparition d’Hitler fut donc une aubaine pour le monde chrétien : la besogne allait être exécutée par autrui.

C’est dans ce sens que le Pape Eugenio Pacelli ne pouvait voir dans l’avènement d’Hitler autre chose que la main de Dieu. À préciser que cet aristocrate italien n’avait par ailleurs aucune sympathie pour Hitler, et méprisait les nazis qu’il considérait comme des brutes incultes. Mais il estimait qu’il ne pouvait s’opposer à la Providence qui les avait emmenés au pouvoir afin d’éradiquer le judaïsme. Il était convaincu que du point de vue théologique il n’avait pas le droit d’empêcher la « Solution Finale », qu’il percevait comme l’expression de la volonté divine dont les nazis constituaient le bras séculier.

L’indifférence du monde par rapport à la Shoah lors de la Deuxième Guerre mondiale est inexplicable sinon par la persistance d’un antisémitisme dans la mémoire collective du monde chrétien, qui continue à voir dans l’éradication du judaïsme un impératif civilisationnel. L’antisémitisme religieux a fini par muter en antisémitisme laïque, et a ressurgi avec force même dans les régimes politiques les plus athées.

De nos jours la majorité des fidèles qui maintiennent des pratiques religieuses dans le monde chrétien le font par tradition plutôt que par conviction. Beaucoup fêtent Noël, mais ne croient pas que Jésus ait été le fils de Dieu et ne sont de toute manière pas disposés à mourir en son nom. Mais la méfiance, la phobie, l’aversion, la détestation et la haine des Juifs persistent dans toutes les couches de la société occidentale, que ce soit dans la ruralité, les classes moyennes ou les élites, que celles-ci soient de gauche ou de droite. C’est ainsi que de grands esprits dans cet Occident largement déchristianisé estiment qu’il n’est pas démontré que Jésus de Nazareth ait jamais existé, mais demeurent néanmoins persuadés que ce sont les Juifs qui l’ont tué[9]. Les élites s’abstiennent d’exprimer un antisémitisme explicite, mais continuent de ressentir par rapport aux Juifs une étrangeté ontologique. C’était déjà le cas à l’époque des Lumières, quand Voltaire, Kant, Goethe ou Hegel pensaient que les Juifs n’avaient pas de place dans le monde des Droits de l’Homme qui s’annonçait.

C’est pour cela, conclut Leibowitz, qu’une intelligence entre judaïsme et christianisme est impensable du point de vue conceptuel, et un dialogue n’est possible qu’entre Juifs déjudaïsés et chrétiens déchristianisés[10].

[1] Criminel de guerre nazi condamné à mort en Israël en 1961 pour sa participation à la Shoah.

[2] Paul de Tarse est un Juif pharisien devenu apôtre du Christ et considéré comme fondateur de la chrétienté.

[3] Martin Luther « Des Juifs et de leurs mensonges », 1543

[4]  Karl Barth, « Dogmatique », Éditions « Labor et Fides », 1953

[5] Leibowitz, Correspondance, Éditions « Keter », 1999.

[6] Maïmonide, « Introduction à la Mishna ».

[7] Maïmonide « Mishne Torah », Chap. « Livre des Rois »

[8] Leibowitz, critique de la pièce « Le Vicaire » de Rolf Hochhuth.

[9] Leibowitz, Entretiens avec Michaïl Shashar, « Israël et Judaïsme ».

[10] Leibowitz, critique de la pièce « Le Vicaire » de Rolf Hochhuth.

Colette Avital ou l’emprise du passé

Colette Avital est une femme politique israélienne aujourd’hui à la retraite. Elle a été ambassadeur, consul général, députée, vice-présidente de la Knesset, et candidate à l’élection présidentielle.

Dans une interview au journal Haaretz, elle a récemment relaté qu’elle avait subi il y a près de quarante ans du harcèlement sexuel de la part de  Shimon Peres, Président de l’Etat et Prix Nobel, décédé en 2016. Par la suite ils ont néanmoins collaboré au plan professionnel, et Avital ne s’est jamais exprimée en public à propos des méfaits qu’elle impute maintenant à Peres.

Cette accusation est problématique, parce que si ce qu’Avital avance est vrai, elle n’est pas en mesure de le démontrer, et si elle ment, Peres n’est pas en mesure de se défendre.

Quoi qu’il en soit, le chanteur israélien Nissim Garamè, ami juré de Peres, a appelé les proches du défunt Président à faire entendre leur voix pour défendre sa mémoire. Il a en tous cas fait entendre la sienne, et a déclaré sans équivoque qu’il ne croyait pas Avital, qui d’après lui doit l’ensemble de sa carrière à Peres, sans lequel « elle aurait été employée de supermarché » (sic).  Il est convaincu qu’il s’agit d’une opération de relations publiques destinée à promouvoir l’ouvrage autobiographique d’Avital.

Rina Mazliah, journaliste vedette d’une des principales chaines de télévision, a invité Avital sur son plateau pour qu’elle s’explique sur ses allégations.   En guise de préambule la journaliste a salué le « courage » d’Avital sans que l’on puisse saisir en quoi il est courageux d’accuser un mort,  d’autant que ce genre de « révélation »  est plutôt populaire de nos jours. Mazliah s’est contentée de  présenter Avital comme « victime »  (et non pas comme plaignante), faisant l’impasse sur la présomption d’innocence due au disparu. Elle a bien entendu le droit de croire ce qu’elle veut,  mais un minimum de décence n’aurait pas nui à la qualité de son émission.

Guy Peleg, ce vigoureux zélote du politiquement correct, est un journaliste et commentateur spécialisé en matière juridique.  Il s’est exprimé à ce sujet en disant qu’il était enclin à croire Avital du fait qu’il ne voyait pas quel pourrait être son intérêt de formuler des accusations invérifiables. Il n’a cependant pas précisé dans quelle mesure il a cherché à vérifier.

Il y eut à l’époque une rumeur selon laquelle Avital et Peres entretenaient une liaison secrète, ce que les intéressés ont toujours nié.  Par ailleurs les deux ont été de farouches rivaux lors  des élections présidentielles de 2007, que Peres à fini par remporter.

Ces épisodes ont peut-être laissé des traces douloureuses chez Avital, qui maintenant éprouve le besoin de faire le point auprès du public.

Zemmour et les Juifs de France

Les Juifs de France ne devraient pas exiger de la nation qu’elle se soucie en priorité de leurs états d’âme. Ce grand pays a d’autres chats à fouetter, or il existe sur notre planète un autre Etat érigé spécialement pour répondre aux revendications juives.

Ils sont pathétiques, ces Juifs qui reprochent à Eric Zemmour de ne pas penser à eux. Assigner à résidence ethnique ce candidat présumé aux élections présidentielles est déplacé, et finit par déboucher sur une sorte de racisme à rebours. Aspirer à ce que 67 millions de Français choisissent leur président en fonction de ce que Zemmour pense ou ne pense pas de Vichy est ridicule.

Zemmour a de Gaulle pour modèle, or il faut se souvenir que c’est grâce à de Gaulle que Pétain n’a pas été fusillé, ni d’ailleurs jugé pour complicité de génocide ; que de Gaulle a œuvré pour le sortir de prison [1], et que lors de la Guerre des Six-Jours en 1967 de Gaulle a tenu des propos antisémites en lâchant Israël en échange de pétrole arabe. Cela n’a pas empêché de nombreux Juifs de voter pour lui.

Ceux parmi les Juifs qui décrient aujourd’hui les accointances de Zemmour avec la droite extrême sont souvent les mêmes qui naguère votaient pour Mitterrand quand il fraternisait avec les communistes, ces autres bienfaiteurs de l’humanité. Par ailleurs Mitterrand faisait fleurir la tombe de Pétain et fréquentait René Bousquet, ce dignitaire de Vichy organisateur de la rafle du Vél’ d’Hiv’.

Zemmour doit ratisser large pour gagner les élections. Son modèle de campagne est analogue à celui de Donald Trump, qui a un gendre, une fille et des petits-enfants juifs, mais qui n’a pas dédaigné les voix des suprémacistes, et qui a pris Steve Bannon – accusé d’antisémitisme – comme stratège politique.

Zemmour se réclame du RPR des années 1980. Mais ce Parti avait juré de ne jamais s’acoquiner avec le Front National. Le RPR a tenu parole, mais en est mort. C’est en retenant cette leçon – et en lecteur assidu de Machiavel qu’il doit être – que Zemmour s’est appliqué depuis des décennies à ne jamais indisposer le FN (maintenant RN), dont les racines sont pourtant – au moins en partie – nazies, fascistes et antisémites. C’est pour ne pas se couper de l’électorat des Le Pen qu’il entretient des relations cordiales avec eux, et échange même un bisou avec Marine quand il va déjeuner avec elle. C’est en ayant cela à l’esprit que l’on comprend ce qui emmène Zemmour à proposer une lecture spécieuse du rôle de Pétain lors du régime de Vichy.

Il faut savoir que pour un Français catholique intégriste, antidreyfusard, nostalgique de l’Action Française, de Bernanos, de Claudel, de Brasillach, de Céline ou de Drumont, cela fait plaisir d’entendre dire que Pétain n’était pas si méchant que ça. Quand Zemmour émet des réserves sur le fait que les enfants juifs massacrés à Toulouse aient été enterrés en Israël, c’est du même ordre : les vétérans du FN y voient une preuve de double allégeance de la part de Juifs qui ne veulent pas reposer en terre de France pour l’éternité.

Les Français vont sans doute devoir choisir entre une France multiculturelle et une France française. Zemmour étant cohérent avec ses principes, il est juif à la maison et français à la ville.

**

[1] En mai 1951 de Gaulle déclare lors d’un discours à Oran qu’ « il est lamentable pour la France, au nom du passé et de la réconciliation nationale indispensable, qu’on laisse mourir en prison le dernier Maréchal »

Eric Zemmour et sa France

L’ouvrage « La France n’a pas dit son dernier mot » d’Eric Zemmour est une succession de scènes de vie d’un journaliste politique qui s’étale de 2006 à 2020. Pour ceux qui ne goutent pas ce genre de chronique mais qui ont néanmoins la curiosité de comprendre Zemmour, je recommande l’introduction de l’ouvrage,  et aussi sa conclusion.  C’est là que se trouve condensé l’essentiel de sa pensée.

J’ajoute que lire cet ouvrage en tant que Juif est la meilleure manière de n’y rien comprendre. C’est pour cela que je me suis efforcé de le faire comme si j’étais un Français qui se sentait français.

Voterais-je pour Zemmour si j’en avais la possibilité ? Sans doute que non. Mais voterais-je pour Zemmour s’il y avait un Zemmour israélien ? Sans doute que oui.

Dans l’introduction du livre on trouve résumée la doxa du « politiquement correct »  en dix points :

1) La race n’existe pas, mais les racistes existent.

2) Seuls les Blancs sont racistes.

3) L’identité – qu’elle soit ethnique ou sexuelle – ne doit pas être figée.

4) L’école a pour seule mission de lutter contre les inégalités.

5) La virilité est toxique.

6) L’islam est une religion d’amour.

7) Le capitalisme et le patriarcat tyrannisent les femmes comme ils détruisent la planète.

8) Il n’y a pas de culture française, il y a des cultures en France.

9) L’immigration est une chance pour la France.

10) La France ne peut rien sans l’Europe.

Le livre se termine par un chapitre en forme de conclusion. Le dernier paragraphe est à la fois un hommage à la France et un appel aux Français:

«Nous sommes engagés dans un combat pour préserver la France telle que nous la connaissons, telle que nous l’avons connue. Ce combat nous dépasse tous et de lui dépend l’avenir de nos enfants et petits-enfants. Il concerne aussi ceux qui nous ont précédés, qui ont forgé la France dont nous avons hérité, la France si belle que nous aimons et que le monde entier admire, ces ancêtres à qui nous devons reconnaissance et respect, alors que nous ne cessons de les abreuver d’insultes et de reproches, ces ancêtres à qui nous devons de préserver la France telle qu’ils nous l’ont léguée. Nous sommes là pour perpétuer l’histoire de France. Pour ceux d’hier et ceux de demain, il ne s’agit plus de réformer la France, mais de la sauver. La France n’a pas dit son dernier mot.» 

Merav Michaeli ou le monde du contraire

Merav Michaeli est une journaliste et femme politique israélienne de 54 ans. Elle est députée du parti travailliste depuis une dizaine d’années, et en exerce actuellement la présidence. C’est une néoféministe radicale qui se revendique « child-free » (sans enfant par choix). Elle pense que le statut de mère est un fardeau, qu’il est source d’inégalité et qu’il constitue un handicap pour la vie professionnelle. Par ailleurs Michaeli est opposée à la GPA[1] (gestation pour autrui), estimant que la location d’utérus relève d’un trafic de femmes.

Michaeli estime que la cellule familiale est un lieu toxique pour beaucoup d’enfants, et qu’ils devraient être enlevés à leurs parents biologiques dès la naissance pour être confiés à l’Etat. Celui-ci se chargerait ensuite de les placer auprès de personnes dûment habilitées à les élever [2].

Michaeli est par ailleurs d’avis que la société devrait supprimer l’institution du mariage, celle-ci étant un vestige d‘une époque où les femmes n’avaient pas de droits[3].

Michaeli, ayant une large audience en Israël, doit avoir influencé de nombreuses femmes à être comme elle « childfree ». Mais la semaine dernière, coup de tonnerre dans un ciel rose : on apprend que Michaeli et son compagnon ont payé une mère porteuse pour mener à bien une grossesse pour leur compte.

Il n’est pas clair si l’embryon transplanté dans cette mère porteuse est génétiquement celui de Michaeli et de son compagnon. Interrogée sur son revirement, Michaeli déclare à la presse qu’elle n’a pas changé d’avis concernant la maternité, mais affirme avoir cédé au désir d’enfant de son compagnon. Aux dernières nouvelles elle n’a pas été soumise au détecteur de mensonge après cette déclaration.

Michaeli n’en est pas à son premier reniement : le parti travailliste qu’elle préside est depuis les origines du mouvement sioniste l’un de ses pionniers les plus illustres. C’est le parti de Ben Gourion, d’Itzhak Rabin et de nombreux autres héros d’Israël. Or Michaeli a décidé de donner un siège à la Knesset à Ibtisam Mara’ana, cinéaste antisioniste qui d’après ses propres dires aurait aimé écrire un scénario où elle imaginerait la destruction de la ville de Zikhron Ya’akov et expédierait ses habitants en Pologne ou aux Etats-Unis, tout en précisant que les Juifs sont un peuple lâche, cupide et dominateur.

Michaeli, femme de gauche, est actuellement ministre dans un gouvernement dirigé par un Premier ministre de droite. A la réflexion c’est logique dans le monde du contraire de Merav Michaeli.

[1] Cet article de 2013 cite le point de vue de Michaeli sur la GPA :

 אני רואה את זה כדבר מאוד מאוד בעייתי, סוג של סחר בגוף של נשים שמתבצע בחדווה שלא מתקבלת על דעתי. האופן שבו אנשים שאין להם יכולת להביא ילדים לעולם פונים לאישה שצריכה לעבור טיפולים הורמונליים, הריון ולידה עם כל מה שכרוך בזה ואז למסור את הילד, איך להגיד זה, זה לא נראה לי כסביר. הרי מי שעושות את זה הן נשים שזקוקות נואשות לכסף, זאת אומרת אלמנט הבחירה פה הוא קצת מפוקפק  לא בכדי חברות הפונדקאות הגדולות הן בכל מיני מקומות נחשלים בעולם בהן הנשים מוחלשות באופן דרמטי. גם במדינת ישראל מי שעושה פונדקאות זקוקה מאוד לכסף, והתמורה שנשים מקבלות עבור פונדקאות היא לדעתי ממש לא בפרופורציה למחיר שהן משלמות בגוף ובנפש על התהליך הזה. »

« אני חושבת שמי שלא יכולה ללדת ונורא רוצה ילדים וילדות הדבר ההגיוני לעשות הוא לאמץ ולא ללכת לפונדקאות, ואני אומרת את זה בלי שום הבדל מגדרי. אבל אם מותר בישראל לעשות פונדקאות אז זה צריך להיות נגיש לכולם. להגיד לך שזה מאבק שאני אנהל בשמחה- פחות. יחד עם זאת, ודאי שלא אתנגד לזה ואהיה שותפה. לעומת זאת, מה שאני כן אנהל בשמחה רבה ובמאמץ גדול זה את השוואת תנאי האימוץ. אין ספק שזה דבר שחייב להיעשות ואנחנו נעשה אותו בהקדם. -To do list  שלי, ודי גבוה

המשפחה הגרעינית, כפי שאנחנו מכירים אותה, היא המקום הכי פחות בטוח לילדים

 המדינה צריכה להציע שני הסכמי ברירת מחדל: אחד הוא המשמורת על הילדים. לילד יכולים להיות יותר משני הורים; הם לא חייבים להיות הוריו הביולוגיים בהכרח, ותנאי נוסף שלדבריה המדינה אמורה לקבוע הוא שאדם שיזכה להיות הורה לילד יהיה חייב לעמוד בקריטריונים שהמדינה תפקח עליהם, ובמסגרתם ציינה כי  זה צריך לכלול הרבה חופש עבור הילד, להיות מי שהוא או היא

[3] Il s’agit d’un discours d’une vingtaine de minutes à la télévision australienne, où Michaeli plaide pour l’annulation du mariage, arguant que cette institution n’a d’avantage que pour les hommes. Ce discours se termine par un appel vibrant aux femmes les exhortant à ne pas se marier:

« We must cancel marriage, so we can have a new dream, or better yet, many kinds of new dreams. And until then, create your own agreements, have your own arrangements, but, needless to say, don’t get married.

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