La Diaspora et la politique d’Israël

La « Loi du Retour » de l’Etat d’Israël garantit à tout Juif le droit d’immigrer en Israël à tout moment et de devenir citoyen à part entière sur simple demande. Un des amendements de cette loi stipule que « L’État déploiera des efforts pour garantir la sécurité des membres du Peuple Juif et de ses citoyens se trouvant en détresse ou emprisonnés en raison de leur Judéité ou de leur citoyenneté ».

Il y a quelques années, 400 Juifs britanniques ont envoyé une lettre ouverte à l’Ambassade d’Israël de Londres pour lui signifier qu’ils rejetaient à titre définitif tout recours à la « Loi du Retour ». Ils ont déclaré ne pas se sentir concernés par cette loi, ni concrètement ni symboliquement, ni pour eux-mêmes ni pour leurs descendants, ni maintenant ni plus tard. Ils ont donc le droit de critiquer Israël et même de lui être hostile en vertu de la liberté d’expression.

Quant aux Juifs à travers le monde qui estiment être partie prenante de la « Loi du Retour », concrètement ou symboliquement, pour eux-mêmes ou pour leurs descendants,  maintenant ou plus tard, ils ont une obligation de réserve envers Israël, qui s’engage de son côté à accueillir les Juifs de la Diaspora en temps de paix comme en temps de crise.

C’est ainsi que ces Juifs qui tiennent à  la « Loi du Retour », mais qui sont en même temps critiques par rapport à telle ou telle politique d’Israël, ils n’ont qu’un seul devoir :  celui de se taire.

Présidence d’Israël et présomption d’innocence.

Reuven Rivlin, Président d’Israël, a confié la tâche de former un gouvernement à l’élu qui, conformément à l’usage, a recueilli le plus de recommandations de la part des partis siégeant à la Knesset. Mais il a assorti son annonce d’un commentaire malveillant, déplacé et indigne de sa fonction: « ce n’est pas une décision facile pour moi sur une base à la fois morale et éthique », a-t-il indiqué.

Rivlin faisait allusion à son hostilité au député en question sous prétexte qu’il était poursuivi  par la justice. Prétexte, parce qu’il s’agit en réalité d’une animosité datant d’avant les démêlés judiciaires de ce rival. Pour mémoire, les onze juges de la Cour Suprême ayant examiné la question ont estimé à l’unanimité que rien ne s’opposait à l’exercice de la fonction de premier ministre par une personne inculpée mais pas condamnée.

C’est ainsi que le Président Rivlin, premier personnage de l’Etat, se permet de fouler aux pieds la présomption d’innocence. Peut-être a-t-il oublié que pour sa part il ne s’est pas gêné  naguère de fustiger l’institution judiciaire quand lui-même était sous investigation et qu’il estimait être malmené.

Au début des années 2000,  Rivlin faisait l’objet d’une série d’enquêtes, entre autres mettant en cause sa relation avec David Appel, entrepreneur en bâtiment et soutien du Likoud. La police soupçonnait Rivlin, alors avocat et homme politique influent, d’avoir reçu des « faveurs » de cet entrepreneur, qui par ailleurs avait déjà eu maille à partir avec la justice. Une décennie plus tard l’ami de Rivlin était condamné pour corruption dans le cadre d’une autre affaire.

Au bout de plusieurs années de procédure, les sept dossiers mettant Rivlin en cause furent classés sans suite, et ceci contre l’avis de la police qui recommandait pourtant de le traduire en justice sur base de l’un de ces dossiers. En apprenant l’heureux dénouement, Rivlin a néanmoins qualifié le système judiciaire de « pervers », et s’est plaint de ce que ni  lui ni ses proches ne se remettraient jamais du temps perdu. Il a notamment accusé la police de s’être contentée de l’interroger durant  onze heures, et d’avoir ensuite mis plus de trois ans à rendre publiques ses conclusions, ce qui a donné libre cours à une campagne médiatique entachée de fausses rumeurs.

« והמבין יבין  », dit-on en hébreu , ce qui en français donne à peu près « et celui qui comprend comprendra ».

 

Le naufrage du parti travailliste d’Israël

Elie Barnavi, ancien ambassadeur d’Israël, défend dans un article du magazine « Regards » son point de vue à propos de la  décision du parti travailliste  Avoda  de placer Ibtisam Mara’ana en septième position sur la liste des candidats-députés en vue des élections législatives.

Mara’ana est une Israélienne arabe, réalisatrice de cinéma, enseignante, militante féministe et antisioniste. Barnavi précise qu’elle est mariée à un Juif, comme si cela devait exclure l’idée quelle pourrait être antisémite.

En 2008 Mara’ana déclarait au cours d’une interview avec un journaliste du quotidien israélien « Globes »  qu’elle aurait aimé écrire un scénario où elle imaginerait la destruction de la ville de  Zikhron Ya’akov[1] et expédierait ses habitants en Pologne. Elle ajoutait dans un même souffle que les Juifs sont un peuple lâche, cupide et dominateur.

Mara’ana est notoirement opposée à l’Etat du peuple juif tel que défini dans la Déclaration d’Indépendance d’Israël. C’est fidèle à cet esprit qu’elle estime ne pas être tenue de respecter la mémoire des soldats de Tsahal morts au champ d’honneur. En 2012 elle déclarait que quand retentit la sirène de commémoration une fois par an, et que les automobilistes sortent de leur véhicule pour se tenir debout en signe de recueillement, elle continue de rouler et dit éprouver de la jubilation à être seule à poursuivre son chemin. Barnavi estime que  Mara’ana a changé d’avis depuis, puisqu’elle invoque ces jours-ci « une erreur de prime jeunesse ». Mais comme elle avait 37 ans à cette époque cela  ne correspond pas vraiment à la notion de « prime jeunesse ». Elle était au contraire déjà une militante politique mure, et consciente de la portée de ses propos.

Barnavi affirme qu’à l’annonce de la position de Mara’ana  sur la liste du parti travailliste « la droite a aussitôt introduit une requête auprès de la Commission électorale pour lui interdire de se présenter aux élections ». Difficile de déterminer si Barnavi se trompe ou s’il induit sciemment ses lecteurs en erreur, mais le fait est que cette pétition a été déposée par la gauche, notamment  par Maozia Segal, ancien combattant  et membre du parti travailliste, ainsi que par d’autres membres qui objectent à la candidature de Mara’ana pour des raisons d’ordre éthique. C’est dans un deuxième temps seulement que d’autres demandes d’annulation ont suivi la gauche.

Je suis en faveur de la liberté d’expression dans son acception la plus large. J’estime donc que Mara’ana a le droit de détester les Juifs, les cyclistes, les chiens et les chats, et quiconque qui ne lui revient pas. Elle a aussi le droit de penser que les Juifs doivent retourner en Pologne  et que la planète se porterait mieux sans eux. Mais le scandale est ailleurs : indépendamment des opinions politiques de tout un chacun, il est indécent pour un des partis fondateurs du projet sioniste  de pousser vers la Knesset une militante opposée au principe même de l’Etat juif. Le fait que Mara’ana se soit excusée suite à la demande d’annulation de sa candidature est cousu de fil blanc et n’est pas crédible eu égard à la coïncidence avec le calendrier électoral.

Cela ne signifie pas que l’on ne puisse jamais revenir sur ses propos, ni changer d’avis, ni faire amende honorable. Chacun  a droit à l’erreur.  Mais si Mara’ana s’était excusée avant de prétendre siéger à la Knesset et avait milité de manière durable dans un parti sioniste c’eût été différent. Maintenant le fait est là : Mara’ana a réussi son coup politique, mais le parti de Ben Gourion, de Levi Eshkol, d’Itzhak Rabin, de Golda Meïr, de Moshe Dayan et de tant d’autres héros d’Israël s’est déshonoré par la même occasion.

Quant à Elie Barnavi, personnalité et intellectuel respectable, il ne devrait pas soutenir l’insoutenable au nom de l’idée qu’il se fait de la gauche israélienne. Celle-là mérite mieux qu’Ibtisam Mara’ana.

[1] Zikhron Ya’akov a été fondée au 19ème siècle par une centaine de pionniers venus de Roumanie. C’est une des premières agglomération de la mouvance sioniste.

Heureux comme Dieu en France ?

Séquence intéressante, la semaine dernière, au cours de l’émission « Les grandes gueules Moyen-Orient » sur la chaîne de télévision israélienne I24news. La journaliste Noémie Halioua y défendait le droit de vivre des Juifs en Diaspora, mais Olivier Rafowitz, colonel de réserve de Tsahal[1], estimait pour sa part qu’il n’y  avait pas de réponse possible à l’antisémitisme,  autre que celle de l’Etat juif. Selon Rafowitz les colloques et symposium en tous genres à ce propos ne sont qu’enfumage, parce que l’on ne combat pas l’antisémitisme par décret.

Abnousse Shalmani, journaliste et écrivaine qui participait également au débat, défendait quant à elle le concept de « Français d’obédience juive », ce à quoi Rafowitz rétorquait que cette fiction n’avait pas empêché l’Etat français d’envoyer les Juifs à la mort lors de la Shoah.  Mais pour Shalmani l’antisémitisme est un mal qui procède de l’ignorance, ce pourquoi il faut par exemple se battre pour que la Shoah soit enseignée à l’école.

Stanislas de Clermont-Tonnerre[2], député de Paris en 1789 se déclarait en faveur de l’accession des Juifs à la citoyenneté, mais exigeait en même temps de  « tout refuser aux Juifs comme nation et tout accorder aux Juifs comme individus » En 1806 Napoléon 1er  mettait en place le « Grand Sanhedrin[3] » qui souscrivait à l’idée que les Juifs étaient des citoyens à part entière bien que de « confession mosaïque ».

Mais le réel est têtu, et contrairement au vœu de Stanislas de Clermont-Tonnerre, les Juifs constituent un peuple et non pas une « obédience » comme persiste à le penser  Shalmani.  L’identité juive n’est en rien dépendante de la pratique religieuse, pour la simple raison qu’est juif quiconque est né de mère juive, qu’il soit athée ou pratiquant. Feu le Cardinal Lustiger, catholique fervent devant l’Eternel, a toujours tenu à affirmer haut et fort qu’il restait juif en dépit de sa conversion, ce que même le Juif le plus orthodoxe ne lui contestait pas.

La modernité n’a rien changé à l’antisémitisme. De l’Argentine à la Russie, du Danemark à l’Afrique du Sud, de la Malaisie au Pakistan, du Venezuela à l’Iran, de la France à l’Amérique, dans le monde entier des institutions juives sont le théâtre d’agressions antisémites.

L’idée que l’antisémitisme serait une forme d’obscurantisme relève d’une méconnaissance de sa nature profonde. Ni Heidegger, ni Céline, ni Luther, ni Érasme, ni Maurras, ni Balzac, ni Wagner ni Proudhon n’étaient obscurantistes. La nature profonde de l’antisémitisme n’est  pas une objection au judaïsme en tant que religion, mais bien aux Juifs en tant que peuple. Il y avait une anomalie jusqu’en 1948 à ce que ce peuple n’ait pas d’Etat qui en soit le garant. Maintenant c’est chose faite.

[1] Armée de défense d’Israël.  Olivier Rafowitz est aussi ancien porte-parole de Tsahal.

[2] Comte de Clermont-Tonnerre, mort assassiné en 1792, officier et homme politique français, partisan d’une monarchie constitutionnelle.

[3] Cour suprême juive créée le 10 décembre 18061 comprenant soixante-et-onze rabbins et notables.

Le plan de paix Trump

Le « plan Trump » consiste à acter que la ligne d’armistice de 1949 ne peut en aucun cas être considérée comme une frontière d’Israël, et qu’un éventuel Etat palestinien ne pourra disposer ni d’une armée, ni du contrôle de ses frontières, ni de son espace aérien aussi longtemps que le leadership palestinien sera déterminé à détruire Israël.

Il ne reste pour Israël qu’à prendre des mesures unilatérales, or c’est cela que les Etats-Unis ont compris. On peut penser ce que l’on veut de la coiffure du Président Trump, mais depuis qu’il est au pouvoir il a fait un sans-faute en ce qui concerne Israël.

La région d’Israël surnommée « le Petit Triangle » est peuplé de 260.000 arabes israéliens. Ceux-ci sont majoritairement hostiles à Israël en tant qu’Etat sioniste. Ils possèdent leur système d’éducation en langue arabe, sont solidaires des Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza, refusent de faire le service militaire tout comme le service civil, arborent le drapeau palestinien à toute occasion, ne respectent pas l’hymne national israélien, soutiennent la création d’un Etat palestinien et commémorent l’indépendance d’Israël sous le signe du deuil.

Mais en apprenant que le « plan Trump » prévoyait d’inclure « le petit triangle » dans la future Palestine et de commuer leur citoyenneté israélienne en citoyenneté palestinienne, ils ont été pris d’une rage folle et ont manifesté pour clamer qu’en aucun cas ils ne voulaient pour eux de cette Palestine qui semblait pourtant jusqu’à la semaine dernière incarner leur rêve le plus fou.

Le grand-Rabbin de France et la loi Avia

Haïm Korsia, grand rabbin de France, exprime dans un article paru dans « Times of Israel » sa déception de ce que la loi proposée par la députée Laetitia Avia contre les dérapages des réseaux sociaux ait été recalée par le Conseil Constitutionnel. Il estime que la violence des échanges sur Internet « a atteint des paroxysmes et des surenchères intolérables ».

Pour mémoire, ce projet de loi faisait obligation aux opérateurs des réseaux sociaux de retirer sous vingt-quatre heures tout propos haineux. Au cas où cette loi aurait été adoptée il n’aurait donc plus été nécessaire de porter l’affaire devant les tribunaux. Les opérateurs devenaient juges en la matière et pouvaient retirer de tels propos à leur seule discrétion.

Quand l’on fait observer à Korsia qu’il n’existe pas de définition de « propos haineux », il objecte que c’est « indéfinissable comme la beauté ou le charme, que l’on reconnaît pourtant immanquablement et sous les cultures les plus différentes, quand on y est exposé. A-t-on besoin d’une définition juridique et universelle de la beauté ? »

Cette explication venant d’un homme pourtant cultivé est d’un obscurantisme confondant. Il va donc de soi pour Korsia que ce qui est beau, charmant ou haineux fait l’objet d’un consensus tellement universel qu’il serait vain d’en discuter. L’on comprend que dans ces conditions il estime que n’importe quel réseau social est compétent pour trancher en la matière.

Mais quand bien même il serait possible de se mettre d’accord sur ce que sont des propos haineux, au nom de quoi justifierait-on de les retirer ? Depuis quand est-il interdit de haïr ? Quelqu’un qui publierait par exemple une phrase du genre « je hais Hitler » devrait-il être censuré ?

Korsia s’insurge par ailleurs contre ce qu’il dénonce comme un « double standard », qui fait que le racisme et l’antisémitisme en ligne ne jouirait pas « de la même attention et détermination que la pédopornographie ou l’apologie du terrorisme ». C’est évidemment une contrevérité, parce que le racisme et l’antisémitisme – en ligne ou ailleurs – tout comme la pédopornographie et l’apologie du terrorisme, constituent des infractions pénales, donc nul besoin de Loi Avia.

Korsia est un homme respectable, mais ses idées ne sont pas toujours lumineuses. En 2004, il a voulu inviter l’antisémite Dieudonné à Auschwitz, mais il en a été dissuadé par Joseph Sitruk, grand-rabbin de France à l’époque. Maintenant Korsia veut s’attaquer à liberté d’expression, ce qui ne laisse pas de surprendre chez ce guide spirituel qui se veut pourtant moderne.

Jean Daniel et le Coronavirus

Jean Daniel, fondateur du « Nouvel Observateur », écrivain, journaliste et intellectuel notoire, est décédé à l’âge de 99 ans. Ce bel esprit d’origine juive avait choisi de se distancier de sa judéité.  Comme beaucoup de Juifs honteux, la haine de soi l’avait rendu plus critique vis-à-vis d’Israël que du reste du monde. Au fil du temps cette détestation avait fini par infecter sa plume pour tout ce qui tournait autour du conflit israélo-arabe. Dans son ouvrage « La Prison Juive » il en arrive à conclure que les Juifs sont les artisans de leur propre malheur tellement ils sont captifs de leur délire messianique.

Jean Daniel n’est plus de ce monde, ce qui fait que l’on ne saura malheureusement jamais s’il estimait que le Coronavirus c’est la faute aux Juifs, aux Chinois ou aux cyclistes.

Obama et la question juive

Il existe ce que j’appelle un « antisémitisme de basse intensité ». Il s’agit d’une sorte d’antipathie silencieuse, qui ne vise pas forcement à nuire aux Juifs, mais qui sous-tend l’exigence que ceux-ci ne soient ni trop visibles ni trop dérangeants. Cet antisémitisme-là est même capable de se muer en sympathie lorsque des Juifs sont dans le rôle de la victime.

Il y a aux Etats-Unis des congrégations afro-américaines  dirigées par des antisémites notoires comme les pasteurs Louis Farrakhan et Jeremiah Wright. Ce dernier  fut pendant vingt ans le mentor et guide spirituel du Président Barak Obama . Obama le cite 26 fois dans son autobiographie, et raconte qu’il lui a demandé de le marier et de baptiser ses enfants. Il a fini par le renier en 2008 à l’occasion de sa candidature à la présidence, sans doute parce que cela faisait mauvais effet auprès de l’électorat juif et évangéliste. Il n’empêche qu’aussi  longtemps qu’Obama était sénateur il a religieusement écouté les harangues antisémites de son pasteur sans jamais s’en formaliser. Quand on y ajoute l’hostilité manifeste d’Obama à Israël pendant sa présidence, il est difficile de ne pas établir de lien de cause à effet.

Obama relate dans son autobiographie l’épisode où  il rend visite aux vestiges du  camp de concentration de Buchenwald[1]. Il se souvient que cela avait eu pour lui « une signification politique forte [2]».  Il entend par là qu’il avait « envisagé » un voyage en Israël, mais qu’il y avait renoncé « par respect pour le souhait du gouvernement israélien de ne pas faire de la question palestinienne le point central de son discours ». En d’autres mots il prétend avoir été censuré par la seule démocratie de cette partie du monde.

Pour comprendre l’étendue de ce mensonge il faut se souvenir qu’Obama a réussi la prouesse de ne pas mettre les pieds en Israël au cours des quatre années de son premier mandat. Au lieu de cela il a « opté pour une visite de l’un des lieux emblématiques de l’Holocauste comme moyen de proclamer son engagement à Israël et au peuple juif. ». En clair il a préféré un pèlerinage là où les Juifs meurent plutôt que là où les Juifs sont vivants.

Quand, lors de son deuxième mandat, Obama s’est résolu à venir en Israël, il a choisi de prononcer son discours à Jérusalem devant un public acquis d’avance dans une banale salle de conférence.  Ceci en lieu et place de la Knesset[3], comme c’est l’usage chez les leaders du monde libre soucieux d’honorer la démocratie israélienne.

Obama qualifie dans son autobiographie la branche militaire du Hamas de « groupe de résistance palestinienne ». Résistance ? Dans son propre pays le Hamas figure sur la liste des organisations terroristes.

Autre passage d’une mauvaise foi inouïe et qui frise le négationnisme: « À l’école primaire, j’ai assisté en 1972 aux retransmissions des Jeux olympiques de Munich où des athlètes ont été massacrés par des hommes masqués » C’était qui, ces athlètes ? Des Martiens ? Et les « hommes masqués » ? D’autres extra-terrestres ? Non : ces  athlètes étaient des Juifs assassinés parce que Juifs, et les « hommes masqués » étaient des tueurs d’une mouvance palestinienne, mais Obama le passe totalement sous silence.

Obama n’est donc pas allé en Israël lors de son premier mandat, mais bien en Turquie et en Egypte.  Israël est pourtant situé entre ces deux pays, mais peut-être qu’Obama n’avait-il pas accumulé assez de « Miles » pour s’offrir  une escale à l’aéroport Ben Gourion.  Toujours est-il que lors de sa visite au Caire il a adressé son discours aux dignitaires du régime, parmi lesquels « quelques personnalités des Frères musulmans ».  Il leur a déclaré que « l’Amérique et l’islam se recoupent et se nourrissent de principes communs, à savoir la justice et le progrès, la tolérance et la dignité de chaque être humain.  L’Islam a une tradition de tolérance dont il est fier ». On ne saura jamais si c’était de l’humour.

Mais  là où Obama n’a pas essayé d’être drôle du tout, mais a au contraire réussi à être nauséabond, c’est quand, au cours de ce même discours, il a établi un parallèle entre le calvaire des Juifs de la Shoah et la peine des Palestiniens « en quête d’un territoire ».

Tout cela étant dit il faut bien reconnaître que quand Obama a fini par faire une visite d’Etat à Jérusalem, il a quand même déclaré qu’il était un ami d’Israël. A cela il faut ajouter qu’il est détenteur du prix Nobel de la Paix sur base d’une discrimination positive consistant à distinguer des personnalités qui n’ont strictement rien fait pour la paix.

C’est dans ces cas-là que l’on dit que quand on a des amis comme cela on n’a pas besoin d’ennemis.

[1] Camp de concentration nazi créé en 1937 en Allemagne libéré par les Américains en 1945.

[2] Tous les passages en italiques de l’article sont extraits de l’autobiographie d’Obama.

[3] Parlement israélien.

 

De Gaulle et les Juifs

Dès son arrivé au pouvoir en 1958 de Gaulle prit ses distances par rapport à Israël afin de resserrer les liens de la France avec le monde arabe. C’est donc tout naturellement qu’en 1967 il prit le parti du monde arabe après la défaite de celui-ci contre Israël lors de la Guerre des Six-Jours[1]. Il libéra du même coup la parole antisémite en qualifiant les Juifs de « peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur[2] » lors d’une mémorable conférence de presse. Plus tard il prévint même les Juifs qu’il ne tolèrerait pas de double allégeance de leur part: « notre sympathie pour les Juifs est indiscutable, mais faudrait-il encore que certains ne se sentent pas plus israéliens que français. Leur prise de position en faveur de l’État d’Israël est inadmissible. [3]»

Il ne fait pas de doute que dans l’esprit  de de Gaulle il en allait de l’intérêt de la France, mais il ne fait pas de doute non plus qu’exposer les Juifs à la menace de génocide en échange de pétrole arabe était tout aussi inadmissible.

Retour en arrière pour saisir le rapport aux Juifs de de Gaulle:

En 1945 la Haute Cour de Justice  condamne Pétain à mort, mais souhaite que la sentence ne soit pas exécutée « étant donné son grand âge ». De Gaulle, alors au pouvoir,  est un admirateur de Pétain, qu’il qualifie dans ses mémoires « d’homme d’exception ». Il a avec lui des affinités intellectuelles, culturelles, religieuses et politiques, malgré la  guerre qui les a opposés. De Gaulle s’empresse de suivre le tribunal et commue la sentence de mort en réclusion à perpétuité.

Mais de Gaulle  ne s’en tient pas là.  En 1951 il déclare qu’ «il est lamentable pour la France, au nom du passé et de la réconciliation nationale indispensable, qu’on laisse mourir en prison le dernier Maréchal »[4].  Suite à son intervention Pétain sort de prison et est installé dans une villa mise à sa disposition par des amis. Après sa mort il continue d’être l’objet d’hommages de la part de la Présidence de la République.

Il y a quelque chose de proprement incompréhensible et de moralement insoutenable quand on pense que bien que Pétain ait été condamné  pour haute trahison, il ne l’ait pas été pour crimes contre l’humanité, en dépit de l’ignominie du « Statut des Juifs », et aussi pour avoir fait emprisonner, torturer et expédier aux camps d’extermination des dizaines de milliers de Juifs. S’il avait été jugé au même titre que les monstres nazis au Procès de Nuremberg[5] il n’y aurait eu pour Pétain ni grâce ni prescription possible, et il aurait été pendu malgré « son grand âge ».

Pour comprendre la duplicité de de Gaulle dans cette affaire il est intéressant de comparer le sort qu’il a réservé à Pétain avec celui qu’il a fait subir à Robert Brasillach, jugé pour intelligence avec l’ennemi.

Brasillach était un écrivain, un journaliste et un intellectuel de talent, mais aussi un collaborationniste et un  antisémite implacable. Son procès fut expédié en un jour, et au bout d’une délibération de vingt minutes le tribunal prononça sa condamnation à mort. Une série d’intellectuels et de résistants demandèrent sa grâce, mais De Gaulle la refusa, et Brasillach fut fusillé. Il avait 36 ans.

[1] Guerre entre d’une part Israël et d’autre part l’Égypte, la Jordanie et la Syrie appuyés par le monde arabe toute entier et l’URSS.

[2] Conférence de presse du général de Gaulle du 27 novembre 1967

[3] Entretien avec le rabbin Jacob Kaplan  en 1968.

[4] Discours prononcé le 26 mai 1951 à Oran.

[5] Procès contre 24 des principaux responsables du Troisième Reich, accusés de complot, crimes contre la paix, crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

Israël, l’Etat et la religion

Israël n’a pas de religion d’Etat. Cette précision est importante, parce que n’est pas clair pour tout le monde. Cependant le fait est que la séparation entre Etat et religion n’est pas consommée en Israël. Il y a des raisons historiques à cela, mais cela ne signifie pas qu’il faille s’y résigner.  

Une séparation radicale de l’Etat et de la religion serait de nature à promouvoir le sentiment d’égalité entre citoyens.  Cela aurait des répercussions en profondeur sur des questions comme le service militaire, l’enseignement, le marché du travail et les minorités non-juives. Il s’agit d’une question à la fois philosophique et politique.

Philosophique, parce qu’il ne faut pas que l’Etat privilégie une spiritualité plutôt qu’une autre, étant donné qu’il n’y a aucun moyen de trancher en la matière.

Politique, parce que l’Etat est un mal nécessaire qui ne doit avoir d’autre fonction que celle de régler les rapports entre citoyens, et non pas de décréter des valeurs.

L’Etat d’Israël est un Etat laïque et doit continuer de l’être. C’était d’ailleurs l’intention de la plupart des pères fondateurs, parce qu’ils y ont vu la formule adéquate pour rallier tous les courants juifs en vue d’un même projet. Herzl, Ahad Ha’am, Ben  Gourion, Bialik et Jabotinsky avaient ceci en commun qu’ils voyaient dans le projet sioniste  un foyer pour le peuple juif, et non pas une théocratie. Le Rav Kook lui-même, guide spirituel du judaïsme orthodoxe et décisionnaire de Halakha reconnaissait le rôle de premier plan des sionistes laïques dans l’édification de l’Etat juif.

L’idée consisterait à mettre fin à tout lien organique entre Etat et religion. Les institutions religieuses devraient être financées  par leurs fidèles ou sympathisants, et transformées en institutions à caractère privé. Cela ne signifie pas qu’il faudrait négliger la diffusion du judaïsme, bien au contraire : au lieu que ce soient les institutions religieuses les seules à prodiguer l’enseignement de nos grands textes, il faudrait favoriser la transmission du judaïsme dans l’éducation nationale et dans la vie culturelle.

Autre point : la Loi du Retour a pour vocation d’accorder la nationalité israélienne à tout Juif qui en exprime le désir. Cette loi a un caractère civil et non pas religieux, même s’il est vrai que les candidats doivent produire une attestation de judéité émis par un rabbin accrédité. Cependant le fait est que l’esprit de la Loi du Retour est que tout Juif est éligible pour l’Alyah, non pas parce qu’il pratique la religion juive, mais parce qu’il est d’ascendance juive par au moins un de ses quatre grands-parents.

Quand une personne faisant appel à la Loi du Retour ne dispose pas d’une attestation de judéité en bonne et due forme il se voit refuser l’Alyah. Il ne lui reste dans ces conditions qu’à entamer un processus de conversion au judaïsme et à s’engager à changer de mode de vie. Il y a là un paradoxe qu’il faut résoudre, parce que l’Etat d’Israël n’a pas vocation à demander à qui que ce soit de faire acte d’allégeance à quelle religion que ce soit.

Au lieu d’exiger de quelqu’un de se convertir à une religion à laquelle il ne croit pas, il faudrait lui donner la possibilité de se fondre au peuple juif de manière laïque. Une formation pourrait être envisagée de manière à ce qu’au bout du processus il pourrait bénéficier de la Loi du Retour et faire son Alyah en connaissance de cause.

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