Quand la presse se prend pour l’opposition
Les médias israéliens dans leur quasi-totalité cherchent à chasser Netanyahu du pouvoir en invoquant les enquêtes en cours à son sujet. L’argument de faiseurs d’opinion en tout genre consiste à avancer que le fait que le Premier Ministre soit sous investigation exige qu’il s’en aille parce qu’il n’est plus en mesure de remplir ses fonctions de manière adéquate.
Ses adversaires savent qu’ils n’ont pas le support populaire qu’il faudrait pour changer le régime au moyen d’un processus électoral. Faute de cela ils font une chasse à l’homme et scrutent les recoins de sa vie publique et privée pour y trouver des éléments susceptibles de déclencher des enquêtes. Une fois ces enquêtes ouvertes ils organisent un tapage autour de l’évènement pour forcer Netanyahu à se démettre.
Les chroniqueurs politiques hostiles à Netanyahu se défendent de commettre un lynchage médiatique en arguant qu’ils ne font qu’informer le public, ce qui est somme tout leur rôle. Mais la vérité est que la plupart de ces enquêtes sont déclenchées par ces mêmes chroniqueurs. Les médias qui les emploient servent ensuite de caisse de résonance au pouvoir judiciaire, qui de son côté ne semble pas trop soucieux du secret de l’instruction.
Le fait est que les fuites sont massives et relayées pratiquement en temps réel par la presse. Il y a donc une dynamique entre médias et justice pour pousser Netanyahu à la démission sans qu’il ait été condamné ni même inculpé.
L’on peut admettre qu’un élu soit gêné dans l’accomplissement de ses fonctions lorsqu’il est l’objet d’une enquête. Mais un soupçon, une délation ou une diffamation ne peut en aucun cas l’obliger à s’effacer. Permettre cela serait substituer le règne des juges et de la presse à celui de la démocratie. Il serait trop facile pour n’importe qui de colporter n’importe quoi contre un élu qui lui déplait, quitte à ce qu’il y ait non-lieu en fin de compte. En attendant les électeurs seraient privés de leur élu, et lui-même verrait son mandat révoqué sans raison.
L’offensive médiatique contre Netanyahu a atteint une ampleur qui défie le bon sens. Même quand ses opposants n’ont rien à lui reprocher ils demandent son départ quand une de ses relations a des démêlés avec la justice. Mieux : un membre du Parlement a récemment déclaré que Netanyahu devait être présumé coupable jusqu’à preuve de son innocence.
Ce vacarme médiatique ne fait probablement que renforcer Netanyahu dans l’opinion publique. Pour mémoire, lors des dernières élections la presse avait massivement voté contre lui, mais le peuple avait massivement voté contre la presse. A bon entendeur salut.
Le hasard existe-t-il ?
Le hasard n’existe pas. Même en physique quantique l’imprévisibilité des particules est contestée par certains physiciens[1] en ce sens qu’ils estiment que leur état semble aléatoire uniquement parce qu’il nous manque des paramètres, et que quand bien même nous exclurions cette hypothèse il se pourrait qu’il y en ait dont nous ignorons l’existence et qui échappent à l’expérimentation.
Un thème qui revient de manière récurrente dans les échanges entre scientifiques à propos du hasard est celui de l’ignorance des causes de ce qui arrive, ce qui les emmènent à définir le hasard comme processus aléatoire. Selon cette définition l’on peut certes diminuer les incertitudes dans une certaine mesure (améliorer par exemple les prévisions météorologiques), mais les causes profondes étant sans liens apparents et infiniment multiples il faut renoncer à en faire le tour.
Cette incertitude devient alors dans le langage courant synonyme de hasard, ce qui est en fait un abus de langage. En effet, même si les causes sont impossibles à saisir ou même à théoriser, il n’en reste pas moins que ce sont des causes, et partant l’on ne peut qu’en déduire que rien n’aurait pu se produire autrement que ce qui s’est produit. Il ne s’agit donc pas de hasard. Dans ces conditions le monde serait totalement déterminé, et il n’y aurait pas de hasard, mais seulement une inaptitude humaine à appréhender la globalité des causes.
Si la volonté humaine n’était qu’un effet de la causalité globale tout comme le mouvement des astres, alors nous pourrions trancher dans le sens du déterminisme de Spinoza. Mais selon Yeshayahu Leibowitz [2], la volonté humaine n’est pas l’effet d’une cause. Cette volonté est sans lien avec le monde et est détachée de tout. Du point de vue sémantique, vouloir est l’antithèse de déduire et ne répond à aucune logique. C’est cette aptitude singulière qui permet le libre arbitre.
Si l’on oppose le libre arbitre au déterminisme intégral, alors le postulat de Spinoza s’écroule. Si la volonté humaine est non-contingente comme l’enseigne Leibowitz, alors elle constitue bien une cause, mais pour le coup il s’agit d’une cause imprévisible par définition.
Cela signifie que dans ce cas il y aurait quelque chose d’interférant dans le cours de la Nature sous l’impulsion de la volonté humaine. En d’autres mots, qu’il y aurait deux mondes : celui de la matière régie par les lois de la Nature, et celui de l’esprit qui agirait sur cette même Nature, phénomène inconnaissable mais qu’il serait justifié de qualifier de hasard du fait qu’il serait sans cause. Cela correspondrait à l’intuition de la Torah comme quoi l’homme serait à l’image de Dieu, c’est à-dire cause de soi-même.
Nonobstant Spinoza, la nature humaine est ainsi faite que la question du déterminisme ne peut avoir de réponse philosophique, parce que le simple fait que l’homme se pose cette question est en soi une réfutation du déterminisme intégral.
Dès lors que l’homme pense avoir une conscience, il ne peut faire autrement que de se penser libre. Et s’il est libre il a un effet sur le monde. Et s’il a un effet sur le monde c’est que le hasard existe.
[1] Einstein, entre autres.
[2] Penseur du judaïsme, philosophe et scientifique.
===============================================
A écouter sur France Culture: causerie sur le hasard menée par le physicien Etienne Klein.
Réponse à Eytan à propos de Leibowitz
Accuser Leibowitz d’incohérence ou de provocation est une manière d’éluder le débat d’idées. Il est plus intéressant de s’attaquer à des points précis et d’essayer de les réfuter. La difficulté c’est que la plupart de ceux qui s’y frottent s’égarent dans une confusion entre foi et raison, ou opposent de l’émotion à des arguments.
La puissance intellectuelle de Leibowitz réside dans son imperturbable logique. Il est vrai qu’il lui est arrivé d’avoir des écarts de langage injustifiables, mais à d’autres occasions ses formules ont fait mouche parce qu’elles illustraient une réalité dérangeante.
Dans son cycle sur le « Guide des Égares » de Maïmonide, un des élève de Leibowitz défend l’idée de l’intervention divine en relevant que « l’historiographie de la Thora nous enseigne que la Providence veille sur le sort du peuple juif de manière spécifique. »
Réponse de Leibowitz : « A moi la Torah m’apprend que Jéroboam ben Yoash, le plus conquérant des Rois, celui qui compte parmi les plus aguerris qui ait jamais régné sur Israël, qui « rétablit la frontière d’Israël depuis Hamat jusqu’à la mer de la Plaine » et dont « les victoires permirent de restituer Damas à Israël» (Melakhim 2 Chap 14), fut aussi un mécréant qui précipita le peuple d’Israël dans le péché, ce qui ne l’empêcha pas de prospérer tout au long de quarante deux ans de règne. Par opposition, je lis aussi dans la Thora que Josias Ben Amon, le seul Roi d’Israël véritablement vertueux (צדיק), qui préserva le judaïsme et la Torah, qui servit Dieu de toute son âme, qui extirpa l’idolâtrie, fut assassiné à trente-neuf ans, entraînant dans sa chute l’asservissement d’Israël. Voilà l’historiographie que je trouve dans la Torah, ce qui fait que je n’arrive pas du tout à comprendre comment vous en arrivez à voir un quelconque lien entre Histoire et foi. »
Le « Guide des Égares » ne figure pas dans la bibliographie du judaïsme orthodoxe, mais c’est pour des raison identiques à celles qui font que ces milieux se méfient de Leibowitz. Vous abondez dans mon sens en le relevant, parce que cela démontre qu’il y a bel et bien continuité entre Maïmonide et Leibowitz. Le « Guide des Égarés » que vous traitez de quantité négligeable, dont vous dites qu’il « n’intéresse que les milieux académiques » comme si c ‘était un anomalie, a été écrit à l’âge de la maturité intellectuelle de Maïmonide, à un stade où il avait intégré l’essentiel du savoir philosophique, religieux, et scientifique de son temps. C’est le couronnement de sa pensée à la lumière de laquelle tout ce qu’il a écrit précédemment s’éclaire.
Des ouvrages de Maïmonide ont été brûlés en place publique après sa mort, mais cela en dit plus long sur les incendiaires que sur les incendiés. Comme disait le poète Heinrich Heine, « Là ou on brûle des livres on finit tôt ou tard par brûler des hommes. »
Les sommités que vous citez en rapport avec la Kabbale sont toutes apparues de nombreux siècles après la clôture du Talmud. Il est vrai que l’on murmure que la tradition mystique de la Kabbale date depuis la création du monde, mais le fait est que les Tanaïm tout comme Maïmonide s’ont sont bien passés.
Tout dans la Torah est affaire d’interprétation, mais si vous pensez que la Révélation est un fait historique, alors l’honnêteté intellectuelle commande que vous vous serviez des mêmes outils que pour démontrer n’importe quelle autre événement.
La question de savoir pourquoi accomplir les Commandements est centrale. Si c’est en vue d’obtenir quelque chose, alors c’est proche du paganisme, qui depuis l’aube de l’humanité tend à amadouer les Dieux pour obtenir une bonne vie. C’est ce qui dans le judaïsme s’appelle « emouna lo lishma » (la foi intéressée). Ce n’est pas proscrit par la Halakha, parce que Hazal estimaient que la foi intéressée finissait par mener à la « emouna lishma » (la foi pour elle-même).
לעולם יעסוק אדם בתורה ובמצווה, אפילו שלא לשמה, שמתוך שלא לשמה – בא לשמה
A quoi sert la pensée de Yeshayahu Leibowitz ?
L’on a tendance à qualifier Yeshayahu Leibowitz de philosophe, mais quand il s’agissait de judaïsme il se limitait à enseigner une méthode et non pas à formuler des concepts ou à innover de quelque manière que ce soit. C’est cela qui rend sa doctrine si difficile à réfuter. Il expliquait à ses contradicteurs que rien de ce qu’il avançait n’était nouveau, et les confondait avec une virtuosité éblouissante en puisant dans les sources les plus traditionnelles du Talmud.
Son maître à penser était Maïmonide, considéré comme le plus grand des penseurs juifs depuis l’Antiquité, or c’est à travers cette filiation qu’il faut appréhender Leibowitz. Les faiblesses que l’on peut trouver chez lui en matière de judaïsme ne sont donc jamais que les faiblesses de Maïmonide lui-même.
Il est important de comprendre qu’au Moyen-âge il y eut deux courants majeurs dans la pensée juive, qui, s’ils n’ont pas conduit à un schisme, sont néanmoins très éloignés l’un de l’autre du point de vue conceptuel.
Il y eut d’une part Yehuda Halevy, père spirituel du sionisme religieux, relayé plus tard par le Rav Kook, et d’autre part Maïmonide, relayé lui par Leibowitz. Alors que le Rav Kook était un mystique imprégné de Kabbale, Leibowitz considérait celle-ci comme une intrusion de l’idolâtrie dans le judaïsme. Maïmonide n’a pas connu la vague kabbalistique qui n’a commencé à se répandre que vers le douzième siècle, mais il est probable qu’en tant que rationaliste il ne l’aurait jamais avalisée.
Certains se demandent à propos de Leibowitz à quoi peut bien servir une pensée qui ne donne aucune réponse aux questions existentielles du présent. A cela Leibowitz aurait sans doute répondu que cette question n’a aucun sens si on la pose dans le contexte du judaïsme, parce qu’il ne faut pas chercher chez Dieu de réponse aux questions du passé, du présent ou de l’avenir. Attendre qu’il résolve des questions existentielles revient à croire que Dieu doit servir à quelque chose, alors que dans le judaïsme c’est l’homme qui doit servir Dieu.
Leibowitz aimait à dire que Dieu n’était ni un service de santé ni un parti politique. Quand un rescapé de la Shoah lui confiait qu’il avait cessé de croire après la guerre, Leibowitz lui rétorquait que c’était qu’avant la guerre il n’avait pas cru non plus en Dieu, mais seulement en l’aide de Dieu, ce qui n’est pas pareil.
Quelle est la signification profonde du premier verset de la Torah qui dit « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre » ? D’après Leibowitz la seule chose que nous pouvons déduire de cette formulation cryptique c’est que Dieu ne fait pas partie du monde, puisque qu’Il était avant que le monde ne fût. (אדון עולם אשר מלך בטרם כל יציר נברא).
Cela signifie que même si l’on considère que tout procède de Dieu, le monde tel que nous le connaissons n’obéit qu’aux lois de la Nature. C’est cela, selon Maïmonide, la Providence universelle. La Providence individuelle quant à elle c’est le libre arbitre, qui fait que contrairement à tout ce que nous connaissons du Cosmos, l’homme a l’incompréhensible faculté de vouloir, ce qui est à l’image de Dieu (צלם אלוהים).
Croire que Dieu intervient dans la Nature ou dans l’Histoire est une impasse logique et confine à la superstition. Leibowitz insistait pour dire que n’importe qui doué de bon sens pouvait constater qu’il n’y avait aucune corrélation entre la pratique religieuse et ce qui nous arrive, à nous, à nos proches, à nos ennemis ou au monde en général. (צדיק ורע לו, רשע וטוב לו).
Tout cela n’enlève rien à la valeur de l’impressionnant corpus du judaïsme. Ce monument d’intelligence a été construit au fil de millénaires par nos Anciens et constitue la colonne vertébrale et la raison d’être du peuple juif. Cette œuvre faite par des hommes pour des hommes doit donc continuer à être enseignée et enrichie pour que vive le peuple juif. C’est d’ailleurs ce qu’a fait Leibowitz toute sa vie tout en sachant que les 613 Commandements de la Torah n’avaient aucun rapport avec la marche du monde, dont il était convaincu que seule la science pouvait percer certains des secrets (עולם כמנהגו נוהג).
La conception de Leibowitz de la religion est la seule acceptable pour un esprit rationnel. Ceci par opposition à toute construction intellectuelle qui reposerait sur la Révélation comme fait historique, ce qui ne saurait être pris en compte par aucun système de pensée.
L’enseignement de Leibowitz comme celui de Maïmonide a consisté à remettre Dieu à sa vraie place, qui est celle de la transcendance, et qui n’est donc pas de ce monde. Par conséquent la réponse à la question « à quoi sert la pensée de Yeshayahu Leibowitz ? » est qu’elle sert à penser.
Ce n’est pas rien.
La journaliste se trompe-t-elle ?
Le « Times of Israel » a récemment publié un article avec pour titre « Un amendement peu remarqué du droit fiscal a-t-il transformé Israël en paradis pour les criminels ? ».
Il s’agit d’une analyse par la journaliste Simona Weinglass du panier d’avantages dont bénéficient les Olim Hadashim[1].
Le titre de l’article est accrocheur et perfide. Le point d’interrogation censé donner une apparence de neutralité au propos n’y change rien. C’est un procédé consistant à médire de manière subliminale.
Par ailleurs, l’on peut se demander quel instrument de mesure la journaliste applique pour estimer que l’amendement en question a été « peu remarqué ».
Il suffit de faire une recherche minimale dans la presse de l’époque pour découvrir qu’il a au contraire fait l’objet de beaucoup de publicité et suscité de nombreux commentaires.
Sur la première page on lit « En 2008, la Knesset a adopté un amendement exemptant les nouveaux immigrants de payer des impôts sur les revenus étrangers, dans le but d’encourager l’Alyah. »
Le lecteur non averti en déduira que cette exemption date de 2008, or il n’en est rien. Il ne s’agit pas d’un nouveau train de mesures, mais bien d’une mise à jour de dispositions existantes liées à la « Loi du Retour ».
C’est ainsi que le Ministère de l’immigration et de l’Absorption a décidé en 2008 d’allonger une exemption existante depuis de nombreuses années, qui passe ainsi de cinq à dix ans.
Cette exemption, ainsi que d’autres stimuli, s’applique désormais aux Israéliens revenant au pays après une absence prolongée aussi bien qu’aux Olim. A cela il faut ajouter la dispense de déclaration de revenus étrangers, la gratuité de l’Oulpan[2], le régime de taxation à l’achat d’un véhicule et d’autres prérogatives du même ordre.
Plus loin dans l’article un économiste relève que « l’idée était d’encourager l’Alyah des personnes riches en transformant Israël en paradis fiscal ». C’est faux. Le fait d’accorder des avantages ponctuels et limités dans le temps à des Olim n’est en rien un critère de paradis fiscal.
Qu’il y ait des Olim qui abusent de la loi en exploitant ses failles est possible, mais ne la rend pas illégitime : c’est une faiblesse inhérente à tout subside étatique dans n’importe quel domaine et dans n’importe quel pays.
D’une manière générale, les Etats qui tentent d’attirer des personnes privées ou des sociétés au moyen d’avantages fiscaux n’enfreignent en rien le droit international.
Plus loin encore on apprend qu’un professeur de droit fiscal condamne les exemptions dont jouissent les Olim en arguant qu’ils « viennent en Israël pour pouvoir échapper à l’impôt d’autres pays ». On ne voit pas sur quoi cette affirmation se base.
Des Olim qui auraient des obligations fiscales où un contentieux dans leur pays d’origine restent comptables de la période qui précède leur Alyah.
Qu’ils continuent à avoir une activité professionnelle en dehors d’Israël ou en Israël même, ils sont et restent des contribuables comme les autres.
Quant à l’efficacité des privilèges liés à la « Loi du Retour », l’article ne conclue ni dans un sens ni dans l’autre, mais ce qu’il faut retenir c’est que ces dispositions sont dans le droit fil de la politique de l’Agence Juive depuis sa création, qui est d’encourager l’Alyah de tous les Juifs, même celle des riches.
[1] Nouveaux immigrants bénéficiant du régime de la « Loi du Retour » votée par la Knesset en 1950
[2] Système d’enseignement de l’hébreu aux immigrants
L’ONU et la colonisation de la Judée-Samarie
La Résolution 2334 de l’ONU condamnant la colonisation de la Judée-Samarie par Israël est conforme à la position traditionnelle des Etats membres. Ce qui est nouveau, c’est la décision des Etats-Unis de ne pas y opposer de veto. C’est un geste bête, méchant et lâche du Président Obama, qui a eu pour effet de faire basculer la presque totalité de l’opinion publique israélienne dans un même dégoût.
L’année dernière l’ONU a adopté vingt Résolutions contre Israël, et prononcé trois condamnations contre le reste du monde. Les membres du Conseil de Sécurité font ainsi de l’antisémitisme sans le savoir, tout comme ce Monsieur Jourdain du « Bourgeois Gentilhomme » qui parlait en prose, lui aussi sans le savoir.
Le coup bas d’Obama en fin de règne était inévitable, parce que la vérité est qu’il a été hostile à Israël dès sa prise de fonction. La stupidité de ce geste n’est cependant pas exceptionnelle, étant donné que beaucoup d’observateurs avertis s’accordent pour qualifier Obama comme ayant été le Président comme le plus incompétent que l’Amérique ait jamais connu en matière de politique étrangère.
Poser qu’Israël viole le droit international en construisant sur des terres domaniales ayant appartenu à l’Empire turc et occupées ensuite par les Britanniques est une absurdité.
Israël est en faveur de la création d’un Etat palestinien à ses côtés – et non pas à sa place – mais il n’existe aucun document sur lequel on puisse se baser objectivement pour délimiter où s’arrête Israël et où commence la Palestine. Israël ne déterminera donc ses frontières qu’en concertation avec ses voisins, et avec personne d’autre, fût-ce l’ONU.
Les voisins d’Israël sont – entre autres – le Hezbollah et le Hamas, tous deux financés et armés par l’Iran et ayant pour vocation de détruire Israël. L’Autorité palestinienne quant à elle est amorphe, et bien qu’ayant la possibilité de négocier avec Israël, elle s’y refuse. Même quand Obama a imposé à Israël de geler la colonisation en 2013 l’Autorité palestinienne s’est défilée.
C’est ainsi que la frange la plus radicale du côté israélien s’engouffre dans le vide juridique concernant les frontières de la Palestine, ce qui est – littéralement – de bonne guerre quand il n’y pas à qui parler de l’autre côté.
Les implantations israéliennes constituent une arme de guerre comme une autre. Personne ne peut nier que la colonisation du Sinaï a été décisive pour emmener l’Egypte à signer un traité de paix avec Israël. En maintenant le Sinaï comme monnaie d’échange jusqu’à ce moment historique Israël n’a fait que faire preuve de bon sens.
Cependant la stratégie des territoires occupés comme monnaie d’échange n’est pas efficace contre ceux qui nient le droit à l’existence d’Israël . Pour eux il n’y aucune différence entre les implantations le long de la ligne verte, les colonisations sauvages, et Tel Aviv ou Haïfa. C’est pour cela que ni le retrait du Liban ni celui de Gaza n’ont pu créer de climat favorable à la paix.
La Résolution 2334 est scélérate parce qu’elle fait l’impasse sur la doctrine de destruction d’Israël par ses ennemis. L’Unesco a d’ailleurs récemment abondé dans ce sens en adoptant un texte qui nie tout lien entre le peuple juif et Jérusalem.
Le fil conducteur entre le texte de l’Unesco et la Résolution 2334 de l’ONU saute aux yeux: il s’agit de dénier au peuple Juif le droit à la souveraineté en réécrivant l’Histoire.
Ury Avnery et les « Trois Non » de Khartoum
Uri Avnery est un écrivain et journaliste israélien aujourd’hui âgé de 93 ans. Il a récemment publié sa biographie, qui couvre donc l’Histoire d’Israël sur près d’un siècle.
Ci-dessous un passage où il évoque la réunion d’urgence de la Ligue Arabe à Khartoum en 1967 suite à la Guerre des Six-Jours.
Tome II, page 120.
Fin août 1967, le gouvernement israélien reçut un cadeau inespéré. Les leaders du monde arabe –Rois, Princes et Présidents – se réunirent à Khartoum, capitale du Soudan, et décrétèrent les fameux « Trois Non » : Non à la paix avec Israël, Non à la reconnaissance d’Israël, Non à la négociation avec Israël. Cela procura un prétexte légitime à Israël pour ne pas ouvrir de négociation, ni pour rendre les territoires conquis. Qu’est-ce qui mena les leaders arabes à une conduite d’une stupidité aussi monumentale ? Pour saisir cela il faut prendre en compte le fond psychologique : cette guerre leur avait infligé une défaite tellement cuisante que l’humiliation en était insoutenable, et leur pouvoir commençait à vaciller dangereusement. Il leur sembla qu’une démonstration d’orgueil national, fût-elle artificielle et sans substance, rétablirait leur prestige.
Ce passage est caractéristique de la déconnexion mentale d’idéologues comme Avnery qui, quand la réalité ne leur convient pas, échouent dans un déni qui a au moins pour eux l’avantage d’être politiquement correct. Qu’était censé faire Israël après avoir repoussé les armées arabes qui s’apprêtaient à rayer le pays de la carte ?
S’excuser de s’être défendu ?
Personne ne peut nier que le monde arabe n’a eu de cesse que de chercher à liquider Israël dès sa création. Plus de vingt nations se sont liguées à l’époque pour l’éliminer par tous les moyens : guerre, terrorisme ou asphyxie économique. Ces dictatures ou théocraties comptaient – et comptent encore toujours – parmi les plus sanguinaires, les plus arriérées et les plus cruelles du monde.
Elles affamèrent leurs peuples pour consacrer leurs ressources à une folle course aux armes entre 1947 et 1967 afin de réaliser leur fantasme de Solution Finale de la question juive au Moyen-Orient. Elles empruntèrent à la tradition antisémite les clichés les plus éculés afin de donner à leurs enfants le goût du sang juif dès l’âge de raison. Tout cela pour aboutir au Jour J de la liquidation d’Israël prévue pour juin 1967. Ce fut la Guerre des Six-Jours.
La coalition arabe ouvrit les hostilités après une longue et méticuleuse préparation, alimentée par la conviction profonde de mener une guerre sainte. Ahmed Choukeiry, leader de l’OLP à l’époque, fut dans les semaines précédant la Guerre des Six-Jours, porté en triomphe dans les capitales arabes aux cris de « les Juifs à la mer » vociférés par des foules en délire.
Après cela, après que le monde arabe eut subi une défaite militaire sans précédent dans l’histoire moderne, après seulement six jours de combats, après des dizaines de milliers de soldats arabes fauchés en pleine jeunesse par la folie de leurs dirigeants, après les « Trois Non » de Khartoum, après que ces potentats réunis en conclave eussent juré devant le monde entier qu’ils étaient déterminés à continuer la lutte contre Israël quoi qu’il arrive, Ury Avnery en arrive – en dépit du bon sens – à estimer que c’était Israël qui ne voulait ni la paix ni rendre les territoires conquis.
C’est ainsi, que selon lui, les « Trois Non » constituèrent un « cadeau » pour Israël, qui pouvait donc continuer à guerroyer contre les Arabes la conscience tranquille.
Le fait qu’Israël ait accepté de rendre le Sinaï à l’Egypte contre la simple reconnaissance de son droit à l’existence ne semble pas avoir ébranlé la conviction d’Avnery que c’était Israël le fauteur de guerre.
Il est vrai que cela correspond aux divagations de ses acolytes qui à Paris, à Londres ou ailleurs portent et colportent la détestation d’Israël.
Avnery fut un temps le seul député de son parti à la Knesset. Un contre cent-vingt, aimait-il à dire. Seul contre tous, donc.
Encore heureux.
Ury Avnery et les Juifs orientaux
Uri Avnery est un écrivain et journaliste israélien âgé de 93 ans. Il a récemment publié sa biographie, qui couvre donc l’Histoire d’Israël sur près d’un siècle.
Dans un passage où il évoque les Israéliens originaires du monde arabe, il s’interroge sur leur orientation politique, majoritairement à droite.
Page 444, tome I
« L’adhésion de la communauté juive orientale au camp nationaliste anti-arabe était pour moi incompréhensible. Le sort des Juifs du monde musulman avait été infiniment meilleur que celui de leurs frères de l’Europe chrétienne. Ils n’avaient rien vécu de comparable à l’Inquisition, à l’expulsion d’Angleterre ou d’ailleurs, aux massacres des Croisés, aux pogroms d’Europe de l’Est, sans parler de la Shoah. »
Avnery estime que les Israéliens d’origine orientale se sont trompés en ralliant la droite, mais il ne se pose à aucun moment la question de savoir si lui, ashkénaze allemand, a légitimité à penser à leur place.
La même question se pose d’ailleurs pour les immigrants d’URSS, qui se situent eux aussi massivement à droite de l’échiquier politique. Faut-il s’étonner qu’ils aient développé une détestation viscérale de tout ce qui ressemble à la gauche après avoir été persécutés en tant que Juifs dans la patrie même du socialisme ?
Il est vrai, les Juifs orientaux n’ont pas eu un sort aussi apocalyptique que ceux du monde chrétien, mais en déduire qu’ils n’avaient pas de raison d’en vouloir aux régimes arabes est une contre-vérité.
Au Moyen-âge, le statut de « dhimmi » leur interdisait de posséder des armes, de témoigner au tribunal ou de monter à cheval. Ils devaient porter des signes distinctifs, étaient assujettis à une taxe spéciale et leurs habitations devaient être plus basses que celles des musulmans.
Au Yémen, les Juifs avaient pour tâche de vider les fosses d’aisance et de dégager les cadavres d’animaux.
Une grande partie de tout cela n’était plus d’application au 20e siècle, mais cette humiliation est restée ancrée dans la mémoire collective des Juifs d’Orient. Ce n’est qu’en ayant ce passé de « dhimmi » à l’esprit que l’on arrive à comprendre comment près d’un million de Juifs ont pu disparaître du monde arabe en moins d’une décennie.
La manière dont ils ont été chassés diffère d’une région à l’autre, mais le dénominateur commun est un antisémitisme remontant à l’époque du Prophète. Celui-ci avait voulu rallier les Juifs à l’islam, mais il s’est retourné contre eux quand il a compris qu’il n’y parviendrait pas.
Des communautés juives vivant depuis des temps immémoriaux en terre arabe ont été traquées, expulsées ou éliminées d’une manière ou d’une autre après la création de l’Etat d’Israël.
A noter qu’ils n’ont jamais bénéficié du statut de réfugiés de l’ONU, contrairement aux Palestiniens qui le conservent d’une génération à l’autre.
Clinton ou la sanction des élites
La victoire de Trump sur Clinton est encore plus invraisemblable qu’il n’y paraît, pour autant qu’on ne se limite pas au strict décompte des voix. Après tout les deux protagonistes se sont départagés les électeurs à peu près à égalité, et Clinton a même eu légèrement plus de voix que son rival, qui l’a néanmoins remporté grâce à ce système électoral qui ne repose pas sur la proportionnelle intégrale.
Sur 200 organes de presse, 194 étaient opposés à Trump. Le budget dont il disposait était la moitié de celui de Clinton. Celle-ci avait des milliers de militants rémunérés faisant du porte-à-porte jusqu’à la dernière minute. La quasi-totalité de Hollywood, de l’intelligentsia et des milieux artistiques la soutenaient, et certaines des vedettes les plus populaires au monde apparaissaient à ses meetings sur le podium à côté d’elle.
Elle avait le soutien indéfectible de son ex-président de mari et d’un président en exercice. Les deux se sont démenés sans compter, aux frais du contribuable en ce qui concerne Obama.
Clinton avait le support du parti Démocrate, son parti depuis toujours, alors que Trump, naguère membre du parti démocrate lui-même et aficionado de Clinton, n’a rallié le parti républicain qu’en 2012. Il s’est même vu désavoué en pleine campagne électorale par des figures historiques du parti tels que les ex-présidents Bush et autres républicains notoires qui ont tenté de torpiller sa candidature.
La plupart des instituts de sondages étaient tendancieux et ont essayé d’induire le public en erreur. Quelques heures avant les éléctions le New York Times titrait « Hillary Clinton a 85 % de chances de gagner« . Etc… Et pourtant…
Quand en 2002 il a fallu choisir en France entre Le Pen et Chirac pour l’élection présidentielle, beaucoup d’électeurs on dit qu’ils iraient voter Chirac « en se bouchant le nez ». C’est probablement de cette manière que certains électeurs ont voté pour Clinton. Mais ce qui est exaspérant en Amérique comme ailleurs dans le monde libre, c’est que les bien-pensants choisissent de refouler la poussière sous le tapis au lieu de prendre acte du réel.
Obama a d’ailleurs fait une sorte de mea culpa en commentant la défaite de Clinton : « nous n’avons pas voulu voir ni entendre certaines choses ». Cela sous-entend qu’il aurait aussi du dire certaines choses. Par exemple que la porosité des frontières et l’immigration illégale est encouragée par les élites parce que cela arrange les riches mais dérange les pauvres, exactement comme en Europe.
Lors de la campagne électorale de 1952 le candidat Eisenhower eut ce mot pour discréditer Nixon : « Achèteriez-vous une voiture d’occasion chez cet homme ? » Certains électeurs traditionnels du parti républicain ont repris cela à leur compte pour se détourner de Trump.
Trump a pour lui de ne pas prétendre faire d’idéologie, au lieu de quoi il dit préférer se servir de son bon sens. Certains courants peu recommandables lui ont donné leur appui, mais à cela l’on peut répliquer qu’il est sidérant d’entendre les gens se plaindre de ce que les politiques soient « tous pourris »« , que « les promesses n’engagent que ceux qui y croient », et que ces promesses ne sont donc jamais tenues… sauf quand il s’agit de Trump, dont il faut soudain croire qu’il fera ce qu’il a promis. C’est pourtant simple : pour gagner les élections la recette de Trump est qu’il ne faut pas mentir plus que l’adversaire, mais mieux.
« Les Etats n’ont pas d’amis. Ils n’ont que des intérêts » disait de Gaulle. Cela s’applique évidemment aux relations israélo-américaines, dont la tendance de fond est favorable à Israël depuis des décennies.
Cela n’a pas toujours été le cas, et il fut même une époque où la France était plus proche d’Israël que l’Amérique, jusqu’à ce que de Gaulle estime qu’il valait mieux vendre son âme aux rois du pétrole que de se solidariser avec les Juifs.
Obama, qui est un idéologue qui se fiche du réel, a fait tout ce qu’il pouvait pour nuire à Israël mais sans y réussir vraiment, parce que son pouvoir était limité par les puissants garde-fous de la démocratie américaine. Trump ne peut donc pas être pire qu’Obama de ce point de vue-là, et a même des chances d’être meilleur, parce que c’est l’intérêt bien compris des Etats-Unis.
Le bilan d’Obama en politique intérieure est débattable, mais il y a quasi-unanimité pour estimer que sa politique étrangère à été catastrophique. Les yeux doux qu’il a fait aux régimes arabes n’ont servi à rien, et l’Amérique est détestée plus que jamais par eux, même plus que sous Bush, ce qui n’est pas peu dire. Obama a voulu s’en consoler en flirtant avec l’Iran, et voilà que l’Iran le hait encore plus que les Arabes.
Quoi qu’il en soit, l’ère Obama est révolue grâce à Hillary Clinton. C’est peut-être ce que l’Histoire retiendra d’elle.