L’antisémitisme n’est pas l’affaire des Juifs

L’idée que l’antisémitisme serait dû à l’ignorance ou à l’obscurantisme est fausse, même s’il est vrai qu’il y a des obscurantistes et des ignorants partout. La riposte à l’antisémitisme à travers le monde n’est ni dans l’éducation ni dans la laïcité ni dans l’humanisme ni dans l’antiracisme ni dans l’information ni dans la démocratie. Elle est dans l’Etat des Juifs. La logorrhée antisémite qui persiste en Occident est de même nature que celle qui a abouti à la Shoah. Les mêmes causes produiraient les mêmes effets si par malheur l’Etat d’Israël disparaissait.

La lutte contre l’antisémitisme n’est pas l’affaire des Juifs. Ils n’ont aucune prise sur ce fléau et aucun moyen de le combattre. Il n’y a d’ailleurs pas d’antisémitisme d’Etat dans le monde libre, et les autorités font généralement ce qu’elles peuvent pour le sanctionner. Mais le fait est qu’elles n’arrivent pas à juguler ce phénomène fabriqué par des siècles d’antijudaïsme  chrétien. Il est frappant d’observer que les manifestations contre l’antisémitisme en Europe ne mobilisent pas grand-monde excepté les Juifs eux-mêmes. Ces manifestations sont souvent pathétiques, tellement elles renvoient les Juifs à leur solitude. Une des raisons de la frilosité de la classe politique européenne à ce sujet est la crainte d’indisposer les musulmans, dix fois plus nombreux et soutenus par une gauche qui avance masquée sous couvert d’antisionisme.

L’Etat d’Israël doit faire entendre sa voix contre l’antisémitisme par les canaux diplomatiques d’usage, mais il n’est pas en son pouvoir ni de son  droit d’intervenir dans la politique intérieure des pays concernés. Israël peut et doit en revanche promouvoir l’Alyah auprès des Juifs à travers le monde qui estiment que leur qualité de vie, ou leur vie tout court, est compromise du seul fait d’être Juif.

L’institution judiciaire en Israël

L’institution judiciaire d’Israël est inspirée par le droit ottoman, anglais et aussi le droit international. La Cour Suprême en est la clé de voute. Elle est composée d’un panel de 15 juges nommés en fonction de leur expérience, de leur expertise et de leur intégrité.

Lors de la création de l’Etat d’Israël, la Cour Suprême avait pour  fonction principale de dire le droit dans des litiges d’ordre juridique.  Mais en 1992 une réforme a été adoptée par la Knesset sous l’impulsion du juge Aharon Barak. Cette réforme a ouvert la voie à de l’activisme judiciaire concernant les droits de l’homme et les libertés civiles, parfois contre l’avis de la Knesset ou du gouvernement.

Depuis la réforme Barak la Cour Suprême a compétence pour examiner des décisions de justice, des controverses légales, des pétitions, des questions relatives à la liberté d’expression et de culte, à la vie privée et à la protection des minorités. Elle a aussi pour mission de prévenir des abus de pouvoir, des nominations tendancieuses ou des décisions gouvernementales réputées déraisonnables. Elle peut s’autosaisir pour retoquer des lois votées par la Knesset, y compris des Lois Fondamentales.

Le processus de nomination des juges du système judiciaire est parfois critiqué pour une opacité qui permet des cooptations de fait. Le comité actuel de nomination des juges comprend deux députés de la Knesset, deux membres de l’Ordre des avocats, deux ministres et trois membres du système judiciaire. Comme l’Ordre des avocats se range traditionnellement du côte du système judiciaire, c’est lui qui prévaut en pratique.

En l’absence de Constitution, les juges sont en principe seuls face à leur conscience pour déterminer les valeurs sur lesquelles ils fondent leurs décisions. Mais depuis la réforme Barak, le système judiciaire est considéré comme plutôt progressiste, par opposition à une opinion publique plutôt conservatrice. Cela a fini par créer une tension qui a emmené le gouvernement de la 25ème Knesset à initier une réforme visant à réduire de manière significative le pouvoir de la Cour Suprême et à modifier le système de nomination des juges.

Le nouveau comité de nomination comprendrait le président de la Cour Suprême, deux juges à la retraite désignés par le ministre de la Justice, trois ministres dont deux choisis par le gouvernement en plus du ministre de la Justice, trois membres de la Knesset dont un député de la coalition, un de l’opposition et le président de la Commission des Lois.

L’équilibre des forces s’établirait alors à six sièges sur neuf pour l’ensemble exécutif et législatif, contre trois pour le judiciaire, ce qui revient à créer un système dont la sensibilité serait celle de la majorité au pouvoir. Cette réforme n’a pas abouti et a été remise en question suite à des manifestations d’ampleur et à la guerre consécutive au massacre du 7 octobre.

Si l’on permet à la Cour Suprême d’invalider à sa seule discrétion l’action de l’exécutif ou du législatif, cela revient à contredire la volonté populaire. D’un autre côté, s’il n’y a pas de mécanisme pour vérifier la raisonnabilité des décisions de l’exécutif il y a un risque de dérive autoritaire. Vu  l’absence de Constitution, le potentiel d’abus de pouvoir est donc manifeste dans les deux cas de figure. Le fait est que depuis que la droite est majoritaire dans le pays il arrive que la Cour Suprême se comporte comme une opposition politique, en particulier quand il s’agit de questions sociétales.

Le projet de réforme a provoqué  une fracture idéologique inquiétante dans la société israélienne, mais a paradoxalement fait émerger un consensus concernant la nécessité même de réformer l’institution judiciaire.

 

Séparation entre religion et Etat

Israël est l’Etat des Juifs, mais n’a pas de religion d’Etat. C’est une république de tradition juive dans le même sens que la France est une république de tradition chrétienne. Parmi les pères fondateurs de l’épopée sioniste il y eut Ben Gourion, politiquement à gauche, et Jabotinsky, politiquement à droite, mais ces deux personnages qui figurent parmi les penseurs les plus importants du sionisme, avaient comme point commun de connaitre la Torah par cœur et de ne jamais mettre les pieds à la synagogue.

La plupart des Juifs pratiquants sont attachés à la démocratie et ne considèrent pas que la Torah doive servir de fondement à la Loi ni à l’hypothétique Constitution qui peine à voir le jour. Par ailleurs, de nombreux Juifs sont non-pratiquants, voire athées, mais revendiquent leur appartenance au peuple juif au même titre et avec la même conviction que les pratiquants. A noter qu’il y a des Juifs ultraorthodoxes en Israël qui ne se considèrent pas comme partie prenante du projet sioniste. Certains sont même opposés à la notion d’Etat des Juifs. A noter en passant que Maïmonide, l’un des décisionnaires les plus importants de la Halakha[1], n’inclut pas dans son inventaire des 613 mitzvot l’obligation de vivre en Israël. Mais quoi qu’il en soit, l’Etat d’Israël en tant qu’avatar du Siècle des Lumières et de la Haskala[2] ne saurait être une théocratie.

Tout lien organique entre Etat et religion ne peut être que problématique. Certaines prérogatives des institutions religieuses peuvent être maintenues par pragmatisme, eu égard à l’Histoire, mais la vie publique doit être de nature séculière. En revanche il est important d’enrichir le droit israélien de principes du droit talmudique, en plus des sources anglaises et ottomanes.

Le sionisme est le mouvement de libération du peuple juif tout entier, et non pas de sa frange religieuse, même s’il est vrai que la Torah en est le mythe fondateur. Pour Yeshayahu Leibowitz[3] « L’État d’Israël n’a été créé ni à cause du judaïsme ni sous la pression du judaïsme ni dans l’intérêt du judaïsme, mais dans le cadre de l’indépendance nationale du peuple juif »[4].

C’est dans ce sens que Theodor Herzl[5] détermine dans « L’Etat des Juifs [6]» que la question juive n’est « ni une question sociale, ni une question religieuse, mais une question nationale.  Nous ne laisserons pas prendre racine les velléités théocratiques de nos rabbins. Nous saurons les maintenir dans leurs synagogues, de même que nous maintiendrons nos militaires dans leurs casernes. L’armée et le rabbinat doivent être respectés, mais au niveau de l’État ils n’ont rien à dire. »

[1] Ensemble des prescriptions et interdits de la Loi juive contenus dans le Talmud.

[2] Mouvement de pensée juif des 18ème et 19ème siècles influencé par les Lumières.

[3] Chimiste, médecin, historien de la science, érudit du judaïsme, Juif orthodoxe, philosophe et moraliste,  rédacteur en chef de l’Encyclopédie hébraïque.

[4] Leibowitz, Entretiens avec Michel Shashar, « Israël et Judaïsme, ma part de vérité ».

[5] Fondateur du mouvement sioniste au congrès de Bâle en 1897.

[6] « Der Judenstaat », publié en 1896

Israël Etat juif et démocratique

Il existe une tension naturelle entre démocratie et nation. Alors que la démocratie encourage la diversité, la nation tend à privilégier l’homogénéité. Chaque peuple a une Histoire spécifique avec laquelle la démocratie doit composer. C’est ainsi que l’on observe que l’application des principes démocratiques fondamentaux peut différer de manière significative d’un pays à l’autre.

Israël se veut « Etat juif et démocratique » selon la formule consacrée, mais cette formule suppose, pour le moins,  une hiérarchie dans les termes. A « Etat juif et démocratique », il faut ajouter « dans cet ordre ». Israël est d’abord l’Etat des Juifs ; c’est son essence. Le fait qu’il a vocation à être démocratique est consigné dans le projet sioniste et dans la déclaration d’indépendance, mais ce n’est pas sa raison d’être. Bien que le système de gouvernement d’Israël soit comparable à celui qui existe ailleurs dans le monde libre, il doit être en phase avec l’Histoire du peuple juif et sa spécificité.

Il ne faut pas que la vie démocratique relègue au second plan la judéité comme s’il s’agissait d’un folklore. Il faut se garder de suivre l’exemple des démocraties molles en Occident qui ont oublié leur fondement spirituel. Il y a de grandes démocraties, comme l’Inde ou le Japon, qui sont de plain-pied dans la modernité, mais qui en même temps sont fidèles à leurs racines.

L’Education Nationale doit favoriser la transmission des grands textes du judaïsme. L’enseignement de la Torah, du Talmud et de la pensée juive doit être substantiel  et intégré à tous les niveaux du système scolaire, tout en tenant compte des sensibilités religieuses et philosophiques. Les institutions religieuses ne doivent pas être seules à perpétuer ce précieux savoir comme s’il en avait le monopole. Par ailleurs, l’histoire du sionisme et celle de la révolution culturelle que constitue l’hébreu moderne et sa littérature doit faire partie du récit national.

Quant aux communautés arabes, druzes, tcherkesses ou autres, elles  sont libres de promouvoir un enseignement conforme à leurs traditions, mais dans le respect du caractère juif de l’Etat d’Israël.

La Cisjordanie ?

La Cisjordanie, de son vrai nom la Judée-Samarie, est, au mieux, un territoire disputé. En novembre 1947 l’Assemblée Générale des Nations-Unies adoptait la Résolution 181, non contraignante, suggérant d’établir à l’ouest du Jourdain deux Etats, l’un juif et l’autre arabe, en prévision du départ de Palestine des Britanniques. Les Juifs ont accepté, les Arabes ont refusé et tenté de s’emparer par la force de ce qui restait de la Palestine historique. Ce rejet du principe même d’un Etat juif et la détermination arabe de lui faire la guerre a rendu la Résolution 181 de l’ONU caduque.

En réalité la Jordanie est le véritable Etat des Palestiniens.  La majorité des Jordaniens sont ethniquement palestiniens et beaucoup ont des liens de famille avec ceux de  Cisjordanie, qui faisait partie de la Jordanie jusqu’à la Guerre des Six-Jours en 1967. Même après avoir perdu Cisjordanie, la Jordanie s’est alignée sur la résolution de la Ligue Arabe déclarant « non à la paix avec Israël, non à la reconnaissance d’Israël, non à la négociation avec Israël ». C’est suite à ce rejet qu’Israël a inauguré sa politique d’implantations, confirmée ensuite par tous les gouvernements successifs.

L’argument selon lequel Israël violerait le droit international en occupant la Cisjordanie est une mystification. Il n’y a rien qui permette de contester à Israël le contrôle de ce territoire à partir duquel la Jordanie a tenté de jeter les Juifs à la mer en 1967. Israël a d’ailleurs longtemps été disposé à le rétrocéder en échange d’un traité de paix, mais le Roi Hussein a préféré y renoncer pour inciter des Palestiniens à y créer un Etat hostile à Israël. Cela n’engageait en rien Israël, ni juridiquement ni moralement, et constitue une aberration du point de vue géopolitique.

Si la Cisjordanie d’aujourd’hui devenait indépendante, avec ou sans l’accord d’Israël, il est probable qu’elle reproduirait le précédent de Gaza, consistant à persévérer dans le rejet d’Israël. La revendication palestinienne d’un Etat entre Israël et la Jordanie  est un artifice cousu de fil blanc, parce que cette aspiration n’a d’autre moteur que la haine antijuive. La terrible vérité est que la majorité des Cisjordaniens et des Gazaouis sont en proie à une pathologie antisémite doublée d’un rejet de la modernité. L’idée reçue selon laquelle ils seraient manipulés par leurs  dirigeants, mais aspireraient en réalité à la paix avec les Juifs,  est une contrevérité. Tout comme les Allemands lors de la Shoah,  ces Palestiniens-là doivent être considérés comme globalement hostiles au peuple juif, même s’il y a comme partout des minorités lucides lors de psychoses de masse.

Aucune direction palestinienne ne peut fonder  sa popularité sur autre chose que la détermination de mener une lutte à mort contre Israël. Même les régimes du monde arabe qui aspirent à une normalisation avec Israël ont une crainte atavique de ce qu’on appelle « la rue arabe ». Nous assistons à un paradoxe nouveau, qui fait que les élites du monde arabe sont souvent plus pragmatiques et moins fanatiques que leur peuple.

Au fil du temps les implantations en Cisjordanie ont fini par constituer un problème pseudo-éthique et pseudo-juridique pour Israël. L’hostilité du monde arabe, la pression internationale, les dérives gauchistes, les attentats, l’antisémitisme endémique, les fractures au sein même de la société israélienne ont fini par rendre la situation d’une complexité sans nom faute d’horizon politique.

Une solution pourrait maintenant intervenir, consistant à diviser la Cisjordanie en deux en fonction de la sociologie des populations concernées. La partie majoritairement palestinienne retournerait à la Jordanie comme avant 1967, et la partie majoritairement juive serait intégrée à Israël. Une frontière serait convenue entre les deux Etats et éliminerait la ligne d’armistice de 1949. Cette solution est probablement la moins difficile et la plus raisonnable, et a l’avantage que ni la plupart des Palestiniens ni la plupart des Juifs n’auraient à quitter leur maison. Elle mettrait fin au statut d’apatride des Palestiniens qui acquerraient une dignité de citoyens d’un Etat, la Jordanie, qui est en paix avec Israël depuis des décennies.

Fin de la Diaspora

« Le Juif est considéré par les vivants comme un mort, par les autochtones comme un étranger, par les sédentaires comme un clochard, par les gens aisés comme un mendiant, par les pauvres comme un exploiteur, par les patriotes comme un apatride, et par toutes les classes comme un concurrent qu’on déteste.[1] »

Les Juifs en exil ont de tous temps été un peuple dans le peuple partout où ils étaient établis. C’est ainsi qu’à Babylone, la communauté juive eut pendant plus d’un millénaire ses tribunaux, sa police, ses corporations, ses régions, ses académies, et même un chef suprême appelé l’Exilarque[2]. L’étymologie même de ce titre indique que la communauté juive de Babylone ne se considérait pas comme des citoyens mais comme des exilés.

Depuis l’antiquité jusqu’au Moyen-âge, les Juifs avaient, en Occident comme en Orient, des institutions autonomes, avec des tribunaux rabbiniques qui jugeaient su base du droit hébreu[3]. Les Juifs vivant en dehors de ce cadre étaient rarissimes et finissaient le plus souvent par se convertir au christianisme ou à l’Islam. Quand, au 17ème siècle, Spinoza[4] est excommunié par les rabbins d’Amsterdam, il n’a pas vers qui se tourner. Il est parfois considéré comme le premier Juif laïque.

Hannah Arendt[5] relève dans « Eichmann à Jérusalem[6]   » qu’au vingtième siècle encore les Juifs d’Europe de l’Est étaient considérés comme un peuple distinct par leurs amis comme par leurs ennemis…   Je ne crois pas pour ma part m’être jamais considérée comme allemande – au sens d’appartenance à un peuple et non d’appartenance à un État, si je puis me permettre cette distinction ».

Vers la fin de la Seconde Guerre Mondiale elle exprimait l’espoir qu’émerge une Europe unie dans laquelle « les Juifs seraient reconnus en tant que nation européenne et représentés au Parlement[7]».

Depuis l’Emancipation[8] au 19ème siècle, les Juifs se sont intégrés dans le monde libre et  perpétuent leurs traditions dans la sphère privée. Mais partout où le fait juif est plutôt une religion qu’une identité, le nombre de Juifs tend à diminuer. Des théoriciens du sionisme comme Ahad Ha’am[9] et Bialik[10] craignaient que l’Emancipation n’entraîne la fin de l’identité juive par l’assimilation. A notre époque, seules les mouvances ultra-orthodoxes persistent dans leur être de manière résolue dans des enclaves aux Etats Unis ou ailleurs, mais c’est précisément parce quelles ne sont pas assimilables. Mais en dehors de cela, la Diaspora est probablement en voie de disparition.

Il y a eu par le passé des initiatives en faveur de l’octroi de la nationalité israélienne aux Juifs qui n’envisageaient pas d’émigrer vers Israël. Il faudrait y repenser. Ceux que cela intéresserait introduiraient une demande en précisant qu’ils souhaitent acquérir la nationalité israélienne, tout en continuant à résider dans leur pays respectif. Ils ne seraient autorisés à participer aux élections législatives en Israël que dans certaines conditions. Par exemple, ceux ou celles qui accompliraient un service militaire ou civil en Israël et qui retourneraient ensuite chez eux. On pourrait aussi imaginer que ceux qui, sans résider en Israël, y passent un temps significatif, pour des raisons personnelles ou professionnelles aient également le droit de voter. A noter qu’actuellement les Israéliens résidant à l’étranger ne peuvent voter qu’à condition d’être présents dans le pays le jour des élections.

Beaucoup de Juifs se disent sionistes et soutiennent Israël, mais nombreux sont ceux qui n’ont pas les moyens de le manifester de manière concrète. Ceux qui s’estiment concernés par la Loi du Retour, concrètement ou symboliquement, pour eux-mêmes ou pour leurs descendants,   maintenant ou plus tard, ont, pour le moins, un devoir moral envers Israël. Prendre la nationalité serait une manière de l’exprimer par un geste fort. Il est vrai que ce pourrait être perçu en Diaspora comme un indice de double allégeance. Mais ce serait un effort mineur à consentir pour témoigner de sa solidarité envers Israël qui veille à la sécurité, à la pérennité et à la viabilité de l’Etat juif. Une raison supplémentaire serait de prévenir un engorgement administratif en cas d’augmentation soudaine de demandes d’immigration, consécutives à une vague d’antisémitisme.

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[1] « Autoémancipation, avertissement d’un Juif russe à ses frères », 1882, Léon Pinsker, militant sioniste.

[2] Représentant officiel du puissant judaïsme babylonien auprès des autorités locales.

[3] המשפט העברי, מנחם אלון,1973 הוצעת מגנס

[4]  Philosophe rationaliste d’origine séfarade portugaise mort en 1677.

[5] Politologue, philosophe et journaliste juive allemande décédée en 1975.

[6] “Eichmann à Jérusalem”, Viking Press, 1963, chapitre “Les déportations des Balkans”

[7] Compilation des écrits de Hannah Arendt sur la judéité. Editions Fayard 2011.

[8] Processus de libération des Juifs en Europe et dans le monde, qui leur a permis d’obtenir la citoyenneté et la pleine égalité de leurs droits avec leurs concitoyens.

[9] Penseur nationaliste juif et leader des Amants de Sion. L’un des pères de la littérature hébraïque moderne.

[10] Poète, essayiste et journaliste en langue hébraïque d’origine ukrainienne. Mort en Palestine en 1934.

La légitimité d’Israël

Les Royaumes de l’époque biblique, la dynastie hasmonéenne et celle d’Hérode totalisent environ 400 ans au cours desquels les Juifs ont été souverains en terre d’Israël.  Mais la vassalisation par les Perses, les Grecs ou les Romains n’ont jamais entrainé une dilution de la conscience nationale juive. Cette conscience doit donc être mesurée à l’aune de la présence effective des Juifs en Israël, et non pas se limiter aux périodes de souveraineté nationale.

Selon le narratif biblique, les descendants de la tribu d’Abraham se sont mués en peuple au cours des quatre siècles d’exil en Egypte. Lors de l’Exode, et à l’occasion de la réception de la Torah au mont Sinaï comme le veut la tradition, ce peuple affirme son ancrage en Israël et se dote d’une Loi. Il y a là suffisamment d’éléments pour pouvoir parler de naissance d’une nation, vers 1400 avant notre ère, et de celle d’une conscience nationale liée à un terroir. A partir de l’établissement à Canaan jusqu’à l’avènement de l’Islam, soit pendant près de deux millénaires, les Juifs ont été présents en Israël en grand nombre sinon en majorité, pratiquement sans interruption.

Il est notable que les Juifs ont souvent vécu en autarcie en Diaspora, mais n’ont jamais revendiqué d’indépendance ailleurs qu’en Israël. La seule exception apparente se trouve dans un ouvrage médiéval intitulé « Livre du Khazar », de Judah Halevi[1]. C’est l’histoire d’un peuple du Caucase dont le Roi est séduit par le judaïsme grâce à la rhétorique d’un érudit juif. Il décide de se convertir et de faire du judaïsme la religion d’Etat. Mais il s’agit en réalité d’un exercice théologique et philosophique sous forme d’allégorie pour mettre en évidence les fondements du judaïsme.

L’Exode d’Egypte, le retour en Israël après le premier exil à Babylone, le soulèvement des Maccabées contre les Grecs et la révolte de Bar Kokhba contre les Romains attestent de manière incontestable qu’un sentiment national lié à la terre d’Israël a été constant dans la conscience collective juive tout au long de l’Antiquité. C’est ce qui fait dire au 17ème siècle à Spinoza que « si l’esprit de leur religion n’efféminait leurs âmes, je suis convaincu qu’une occasion favorable venant à se présenter, les Juifs pourraient reconstituer leur Etat »[2].

Que les juifs  s’inspirent de l’Histoire ou de la Torah, la plupart revendiquent un lien spirituel, charnel et factuel avec la terre d’Israël. Il y a une indéniable continuité dans la manière dont ils ont été tournés vers Israël depuis la Sortie d’Egypte jusqu’à nos jours .

Mais alors qu’entre Juifs nous savons ce qui dans notre tréfonds nous lie à Israël, ce sentiment n’est pas opposable à des tiers au sens du droit ou de la justice.  Le fait est que la présence des Juifs en Israël a été négligeable pendant de nombreux siècles, ce qui a rendu caduc le droit à une souveraineté juive en Israël sur base de la Torah ou de l’Histoire.

La recevabilité, la légitimité et la pertinence aussi bien éthique que juridique de l’Etat d’Israël repose sur la manière dont les pères fondateurs du sionisme se sont pris pour mener à bien leur projet.

Il n’y avait pas d’Etat en Palestine lors de la naissance du sionisme. C’était une région sous domination ottomane depuis des siècles et ensuite sous occupation Britannique. L’Organisation Sioniste Mondiale[3], dont la mission était de fonder l’Etat juif, n’a jamais tenté d’obtenir quoi que ce soit par des moyens détournés, illégaux  ou par la force. Les sionistes qui venaient s’établir en Palestine au cours de la première moitié du 20ème siècle étaient munis de visas d’immigration en bonne et due forme, recevaient un passeport et étaient enregistrés dès les années 1920 en tant que palestiniens sous mandat britannique.

Ils ont graduellement peuplé la Palestine et développé son économie et ses institutions. Ils ont fini par constituer une masse critique suffisamment importante pour envisager la mutation du Yishouv[4] en Etat viable. Cela ne faisait au fond que formaliser une situation de fait. Les juifs s’étaient établis sur des terrains acquis de manière régulière ou sur des terres domaniales qui n’appartenaient à personne depuis le démembrement de l’empire ottoman.

La légitimité politique d’Israël a été consolidée successivement par la Déclaration Balfour, la Conférence de San Remo[5], la Commission Peel[6], la Résolution 181 de l’Onu[7], la Déclaration d’Indépendance[8], l’admission d’Israël aux Nations-Unies[9] et sa reconnaissance par 160 pays membres, à ce jour.

La légitimité de l’Etat d’Israël aux yeux du monde ne peut raisonnablement être revendiquée au nom de Dieu ni au nom de l’Histoire, quelle que soit la valeur sentimentale que nous en tant que Juifs attachons à notre mémoire collective et à nos traditions. En revanche, la légitimité de l’Etat d’Israël est opposable en droit sur base de l’aboutissement effectif du projet sioniste incarné par les femmes et les hommes qui l’ont mené à bien en vertu du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

[1] Rabbin, philosophe, médecin et poète séfarade du 12ème siècle.

[2]  « Traité Théologico-politique », Chap. 3, Spinoza

[3] Organisation dont l’objectif était l’établissement d’un centre spirituel, territorial ou étatique pour le peuple juif en terre d’Israël, territoire qui correspondait d’abord à la Palestine ottomane et ensuite à la Palestine mandataire.

[4] Ensemble des Juifs présents en Palestine avant la création de l’État d’Israël.

[5] Conférence internationale en avril 1920  a déterminé l’attribution des mandats de la Société des Nations, pour l’administration de trois territoires anciennement ottomans, dont  la Palestine.

[6] Commission d’enquête britannique en 1936 afin de proposer des modifications au mandat britannique en Palestine.

[7] Le plan de partage de la Palestine approuvé par l’Assemblée générale de l’ONU novembre 1947.

[8] La déclaration d’indépendance de l’État d’Israël au 14 mai 1948, dernier jour du mandat britannique sur la Palestine.

[9] L’Etat d’Israël est devenu le 59ème membre de l’Organisation des Nations unies le 11 mai 1949.

Worthalter dans le rôle de Tartuffe.

Arieh Worthalter est un acteur qui descend d’une illustre famille de tailleurs de diamant. Son grand-père, que j’ai connu dans un mouvement de jeunesse sioniste, fut le plus célèbre tailleur au monde, et facetta aussi les plus gros brillants au monde. Worthalter est brillant lui aussi, mais pas dans le domaine de ses ancêtres. Il fait carrière dans le cinéma et  a récemment été sacré meilleur acteur par l’Académie des Césars et l’Académie des Lumières.

Certaines célébrités se servent de la possibilité qu’ils ont de s’adresser au grand public pour s’exprimer sur des questions sans rapport avec leur spécialité. Worthalter n’a pas manqué de le faire à propos du pogrom du 7 octobre par des Palestiniens en Israël. Lors d’une cérémonie cinématographique de remise de trophée il s’est adressé aux proches des otages détenus par le Hamas à Gaza pour leur dire qu’il comprenait leur douleur. Mais il a ajouté qu’il  « n’arrivait pas à croire » que ces otages puissent ne pas avoir conscience que « l’événement » du 7 octobre est instrumentalisé par le gouvernement d’Israël pour « détruire » en toute liberté, plutôt que de « construire », sans préciser quoi ni avec qui.  Autrement dit la riposte par Israël au plus grand massacre de Juifs depuis la Shoah ne serait d’après Worthalter qu’une manipulation politique d’autres Juifs qui aspirent à revenir dans un territoire qu’ils ont quitté pour ne pas revenir.  Comprenne qui pourra cette ignominie d’un esprit enfumé qui renvoie victimes et assassins dos à dos.

Il se peut que Worthalter figure parmi ces crétins qui pensent que la Terre est plate. Il serait utile de vérifier.  Pas si la Terre est plate, mais si Worthalter est un crétin. Mais comme il ne l’est probablement pas, sa cécité sélective ne peut être que l’effet d’un étiolement moral induit par les feux de la rampe.

Jacques Attali ou le naufrage de l’esprit

Jacques Attali est né en 1943 dans une famille juive séfarade d’Algérie. C’est un technocrate diplômé de l’École polytechnique et de l’École nationale d’administration (ENA). Il est aussi détenteur d’un doctorat en économie. Il semble cependant ne pas avoir saisi les implications pratiques de cette discipline. Quand il a dirigé la « Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) » il a été contraint de démissionner[1] suite à des révélations sur les dépenses de la banque et son train de vie personnel. En outre il aurait été rémunéré pour des discours en contradiction apparente avec le règlement de la banque. Il avait par ailleurs un faible pour les déplacements en jet privé.

Attali est un érudit, mais il y a des érudits qui ne comprennent pas eux-mêmes ce qu’ils savent. Cet intellectuel pénétré de sa judéité fut proche du Président Mitterrand, qui, lui, avait soutenu le régime de Vichy et été décoré de la Francisque par Pétain.  Il est même arrivé à Attali de dîner en compagnie de René Bousquet, antisémite rabique responsable de la rafle du « Vélodrome d’hiver » en 1942[2].

Attali a récemment déclaré qu’il « faudrait pouvoir envoyer Netanyahu, ses ministres extrémistes et les dirigeants du Hamas dans la même prison. À vie. Pour crimes de guerre, massacres de leurs jeunesses et tentatives de meurtres contre l’avenir de leurs peuples. [3]»

Que l’on apprécie Netanyahu ou pas, le fait est qu’il fut en 1972 l’un des membres du commando qui donna l’assaut à un appareil détourné de la Sabena[4], et sauva ainsi une centaine d’otages prisonniers de terroristes palestiniens.

Entre le Juif de cour et le combattant de Tsahal il y a un choix qui s’impose.

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[1] https://www.lesechos.fr/1993/06/le-president-jacques-attali-contraint-a-demissionner-de-la-berd-907252

[2] https://www.lemonde.fr/archives/article/1994/10/11/reperes-m-mitterrand-et-vichy-jacques-attali-confirme-qu-il-a-dejeune-par-hasard-avec-rene-bousquet_3847307_1819218.html

[3] https://www.i24news.tv/fr/actu/france/1703064243-jacques-attali-veut-envoyer-netanyahou-et-les-dirigeants-du-hamas-dans-la-meme-prison

[4] https://www.idf.il/fr/minisites/tsahal-au-passe/guerres-et-operations/operation-isotope-1972/

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