Israël ou la leçon de solidarité

Le soldat israélien Guilad Shalit a été libéré en échange de 1027 prisonniers palestiniens. Ce dénouement marque le début d’une nouvelle réflexion du côté d’Israël en ce qui concerne l’attitude à adopter à l’avenir en cas de prise d’otage. Certains reprochent au gouvernement de n’avoir pas agi plus vite, arguant que s’il était disposé à payer le prix qu’exigeait le Hamas il aurait pu écourter le calvaire de Guilad Shalit et de ses proches. En réalité le Hamas a assoupli sa position au fil du temps, et il s’agissait surtout pour Israël de se convaincre qu’une opération militaire n’était pas envisageable.

En 1972 un avion de la Sabena était capturé par des terroristes qui avaient réussi à embarquer avec des armes et des explosifs. Une fois l’appareil posé sur le tarmac de l’aéroport de Tel-Aviv, les preneurs d’otages ont exigé la libération d’un grand nombre de terroristes détenus en Israël. Le gouvernement a fait mine d’étudier la question, mais au bout d’une journée éprouvante un commando a donné l’assaut, maîtrisé ou tué les terroristes, et libéré les passagers. Parmi ces commandos, Ehud Barak et Benjamin Netanyahu.

Quatre décennies plus tard les mêmes Netanyahu et Barak font partie du gouvernement qui a décidé de céder au chantage du Hamas. S’ils ont déterminé qu’une opération militaire était trop risquée, cela doit avoir été la mort dans l’âme, mais avec la certitude qu’il n’y avait pas d’autre issue. Personne mieux que ces deux ex-commandos n’étaient à même d’évaluer toutes les options à leur juste mesure.

Le Premier Ministre a hérité le dossier Shalit du gouvernement précédent, qui avait déjà commencé à négocier indirectement avec le Hamas. Il n’était pas tenu de suivre la même ligne, mais s’il la rejetait il condamnait probablement Guilad Shalit à mort du fait que ses geôliers auraient estimé qu’Israël rejetait le principe même de la négociation et préparaient une opération militaire.

Le fait que les preneurs de décision israéliens aient cédé au chantage cette fois-ci ne signifie pas que c’est une politique à laquelle ils sont tenus. Chaque cas nécessite une approche spécifique. Il peut y avoir des prises d’otages en Israël ou à l’étranger, les otages peuvent être civils ou militaires, il peut y avoir une urgence, etc..Il est difficile de déterminer une stratégie qui anticiperait tous les cas de figure.

L’opinion publique israélienne est majoritairement en faveur de la décision de gouvernement, mais craint en même temps que parmi les terroristes libérés certains renouent avec la violence. Mais qu’il y ait plus de terroristes en circulation après cet épisode n’est qu’un facteur parmi d’autres concernant la sécurité, parce qu’il y a aussi la manière dont Israël se protège. Par exemple, la barrière de séparation entre la Cisjordanie et Israël a démontré qu’on pouvait faire baisser le nombre d’attentats de manière significative bien que le nombre de terroristes potentiels n’ait pas diminué.

Il y a un aspect important qui plaide en faveur de l’échange d’un seul otage contre plus de mille criminels quand on considère le formidable ballon d’oxygène moral que la libération de Guilad Shalit donne à Tsahal, l’Armée de Défense d’Israël. Les centaines de milliers de soldats qui servent le pays sont extrêmement sensibles à cette image d’une nation qui ne les abandonne jamais et qui est prête à prendre tous les risques pour les sauver.
Des terroristes remis en liberté, donc, mais une armée entière qui retrouve son souffle à la vue du sourire d’un Guilad Shalit amaigri, intimidé, mais bien vivant.

Guilad Shalit ou la conscience d’Israël

Israël a décidé de libérer plus de mille prisonniers palestiniens en échange de Guilad Shalit, le soldat kidnappé il y a cinq ans le long de la frontière avec Gaza lors d’une patrouille de routine. Parmi les détenus à libérer il y en a 450 qui ont été condamnés pour assassinat au moyen d’attentats à la bombe, de tirs à bout portant, de monstruosités à l’arme blanche ou à mains nues. Ces terroristes ont tué ou grièvement blessé des milliers de civils dont l’unique crime était de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment.

C’est le cœur lourd que le gouvernement israélien a décidé de procéder à l’échange d’un seul innocent contre mille criminels. Tout le monde en Israël était bien entendu en faveur d’une initiative pour libérer Guilad Shalit, mais il y avait des divergences profondes quant à la manière dont il convenait de s’y prendre. Le sentiment de ceux qui s’opposaient à l’échange était qu’ils jugeaient inévitable que certains terroristes récidivent.
Il est difficile de déterminer si la décision du gouvernement est populaire ou pas. Certains israéliens pensent qu’il ne faut jamais céder au chantage, et qu’il est toujours préférable de tenter une opération militaire, quitte à mettre l’otage en péril. D’autres pensent qu’il aurait fallu éliminer des responsables du Hamas jusqu’à ce que celui-ci libère l’otage. D’autres encore pensent qu’il aurait fallu accentuer le blocus de Gaza ou exercer des pressions sur les terroristes emprisonnés en Israël.

L’opinion publique israélienne est ambivalente par rapport à la manière dont le gouvernement a géré l’affaire Shalit. Chacun y va de son commentaire, parce que chacun a des proches dans cette armée véritablement populaire dans tous les sens du terme.

Beaucoup d’israéliens considèrent maintenant que d’une certaine manière ils ont perdu la partie, mais pensent en même temps que c’est l’honneur d’Israël que de relâcher des assassins en échange de la vie d’un de ses fils. Cela signifie que chacun prend sur soi une part du risque que cela implique.

Nul doute que d’autres options ont été envisagées jusqu’à ce que les responsables israéliens concluent qu’aucune d’entre elles n’était raisonnable. Le Premier Ministre ainsi que de nombreux membres de son gouvernement ont longtemps refusé de céder au chantage, mais cet épisode démontre une fois de plus que quand il y a une véritable offre sur la table, fût-elle déposée par le plus barbare de ses ennemis, Israël sait parier sur l’avenir. Cela ne signifie pas que tous les gouvernements se valent, mais que dans une authentique démocratie comme Israël le gouvernement ne fait jamais qu’exprimer la volonté du peuple.

Les oubliés du conflit israélo-palestinien

Beaucoup d’observateurs s’interrogent sur la question de savoir pourquoi ce conflit dure si longtemps. Ils pensent – à raison – que les paramètres d’un éventuel arrangement doivent être connus. Il se peut qu’Israël n’ait pas exploité de manière optimale certaines fenêtres d’opportunités, mais l’impasse semble globalement du côté palestinien.

Les dirigeants palestiniens dits « modérés » ne le sont que dans le sens où leur pragmatisme les conduit à accepter la réalité de l’Etat d’Israël, tout en la considérant comme temporaire. Cela signifie qu’en attendant qu’Israël disparaisse ils sont disposés à renoncer à la violence et à coopérer au plan économique. Cela permet aux palestiniens de développer leurs institutions et donne aux israéliens une sécurité relative.

Mais quand il s’agit d’envisager l’avenir, en d’autres mots d’établir un Etat palestinien indépendant, ces dirigeants sont tétanisés à l’idée de devoir apposer leur signature au bas d’un document stipulant que le conflit est terminé, et que les réfugiés palestiniens ainsi que leurs descendants doivent renoncer à s’établir en Israël.

Il est clair que pour Israël il ne sera jamais question d’admettre le retour de ces réfugiés, parce que cela constituerait un arrêt de mort pour l’Etat Juif. Sachant que cette question constitue une ligne rouge pour Israël, le leadership palestinien l’ignore délibérément afin de s’assurer de ne jamais aboutir à un accord. C’est donc la question des réfugiés palestiniens qui s’avère la plus insoluble de toutes. Mais en la mettant en perspective on s’aperçoit qu’il y a là une illusion d’optique, parce que tout le monde, ou presque, fait mine de croire que la guerre de 1948 n’a fait des réfugiés que d’un côté. Quand les intermédiaires les mieux intentionnés veulent s’interposer, ils feignent tous d’ignorer que la guerre israélo-arabe de 1948 a peut-être fait plus de réfugiés juifs que de réfugiés arabes. C’est ce qui ressort de travaux d’intellectuels tels que Shmuel Trigano, Nathan Weinstock ou Stanley Urman, Président de « Justice For Jews From Arab Countries« .

C’est à la lumière des recherches de ce dernier que l’on constate que la Communauté Internationale n’oppose jamais aux revendications palestiniennes l’évidence historique des réfugiés juifs forcés de fuir après 1948 le monde arabe où ils étaient établis parfois depuis plus longtemps que les arabes eux-mêmes.

Après la déclaration d’indépendance d’Israël, les juifs du monde arabes ont été arrêtés, torturés, expulsés, spoliés et parfois assassinés. Des décrets officiels ont été promulgués leur déniant les droits les plus élémentaires. Beaucoup furent expropriés et déchus de leur nationalité. Ce fut le cas notamment en Iraq, en Egypte et en Lybie. En Syrie ils ont été discriminés mais interdits d’émigration. Ces violations des droits de l’homme en écho à la création de l’Etat d’Israël n’ont jamais été prises en compte dans la recherche d’une solution au conflit.

Au total il y semble y avoir eu 850.000 juifs contraints à s’expatrier hors de dix pays arabes du seul fait de l’hostilité de ces régimes contre Israël. La plupart d’entre eux n’avaient aucun rapport avec le conflit, mais furent néanmoins persécutés parce que juifs. L’Etat d’Israël a intégré ceux qui en exprimé le souhait et leur a accordé la citoyenneté. Le monde arabe, en revanche, à l’exception de la Jordanie, a séquestré les réfugiés palestiniens dans des camps et les utilisent jusqu’à ce jour à des fins politiques.

Depuis sa création en 1968, la Commission des Droits de l’Homme des Nations-Unies a adopté 132 résolutions en faveur des réfugiés palestiniens, mais pas une seule en faveur des réfugiés juifs, pourtant victimes du même conflit. Il y eut de nombreuses tentatives pour attirer l’attention des Nations Unies sur leur sort, mais aucune n’a jamais abouti. Alors qu’il existe dix organisations qui s’occupent des réfugies palestiniens sous les auspices de l’ONU, pas une seule n’a été chargée de s’occuper des juifs.

La Résolution 242 des Nations-Unies stipule que les parties veilleront à une « solution juste du problème des réfugiés », ce qui implique qu’il n’y pas à distinguer entre arabes et juifs. Aucune des personnalités qui ont bien voulu offrir leurs bons offices n’a jamais pensé à souligner le fait que formulation de la Résolution 242 impliquait qu’il y avait des réfugiés des deux côtés.

Pourtant l’accord de paix avec l’Egypte de 1979, celui avec la Jordanie de 1988, la Conférence de Madrid de 1991, les accords d’Oslo de 1993 et la Feuille de Route de 2003 font toutes allusion aux réfugiés sans spécifier lesquels.

On pourrait se demander pourquoi l’Etat d’Israël lui-même n’avance cet argument que de manière discrète. La raison en est vraisemblablement qu’il veut tourner la page en posant que les souffrances des uns valent bien celle des autres, et que chacun doit panser ses blessures, et penser à aller de l’avant.

La gauche israélienne renaît de ses cendres

Il y a des courants dans l’opinion publique internationale qui tentent de faire accroire que l’impasse dans laquelle se trouve englué le conflit israélo-palestinien est due à l’attitude du gouvernement d’Israël, mais pas de son peuple. Il y plusieurs manières de contester cette distinction entre peuple et gouvernement, mais nous n’en retiendrons que deux pour la démonstration.

Le premier argument est celui de la nature démocratique de l’Etat d’Israël, où le pouvoir politique tire sa légitimité non seulement du système électoral, mais aussi des institutions qui permettent à un Etat de droit de fonctionner normalement entre deux élections. Parmi celles-ci la liberté de presse, d’opinion, de culte, l’indépendance de la justice, le droit de grève, celui de manifester, l’égalité des sexes, les partis politiques etc..Ceci pour dire que le gouvernement d’Israël exprime bel et bien la volonté du peuple au sens démocratique du terme. Il est donc absurde de faire mine en Europe ou ailleurs qu’on est en désaccord avec le gouvernement d’Israël mais pas avec son peuple, parce que les deux sont inextricablement liés .

Le deuxième argument consiste à réfuter l’idée comme quoi le premier ministre Benjamin Netanyahu serait moins accommodant que ne le furent certains de ses prédécesseurs, dont Itzhak Rabin. En réalité Itzhak Rabin rejetait la notion même d’Etat palestinien. Il était catégoriquement opposé au retour des lignes de 1967. Il excluait le partage de Jérusalem. Il projetait non seulement d’inclure les colonies existantes en Cisjordanie ou à Gaza dans l’Etat d’Israël, mais proposait d’en ajouter. Il estimait que la vallée du Jourdain devait être la frontière d’Israël au sens le plus large du terme.
On peut arguer que si Rabin avait vécu il aurait peut-être adouci sa position. On n’en sait rien, mais d’après sa fille Dahlia il envisageait à la veille de son assassinat un durcissement vis-à-vis des palestiniens et un renoncement aux accords d’Oslo, ceci à cause de la reprise du terrorisme, et parce qu’Arafat ne respectait pas ses engagements (voir My father considered stopping the Oslo process due to terrorism).

Le parti travailliste « Avoda » auquel appartenait Rabin est membre de l’Internationale Socialiste. Ce parti a pendant longtemps dominé la politique israélienne parce qu’il incarnait l’épopée sioniste combinée au socialisme. Non seulement n’est-il plus majoritaire depuis longtemps, mais il s’est rétréci ces dernières années au point de presque disparaître. Il a y une quinzaine de jours il a organisé des primaires, et élu à sa tête Shelly Yachimovich, une députée entrée en politique après avoir quitté le journalisme.

Lors de sa campagne pour les primaires, Shelly Yachimovich a donné une interview au journal Haaretz. A la question de savoir ce qu’en tant que femme de gauche elle pensait des colons israéliens en Cisjordanie, elle a répondu « ces colons ne sont pas nos ennemis. C’est pour cela que quand je vais au supermarché je ne boycotte pas leurs produits ». Cette déclaration a déclenché une violente polémique dans les milieux de gauche, mais ne l’a pas empêchée d’être élue à la direction de son parti. Mieux: les sondages nous apprennent maintenant que s’il y avait des élections pour le Parlement, le nombre de députés d’Avoda passerait de sept à vingt-deux, plaçant ce parti en deuxième position derrière le Likoud.

Le parcours de la socialiste Shelly Yachimovich démontre que le peuple de gauche n’est plus dupe de certains de ses intellectuels qui ne proposent pour résoudre le conflit israélo-palestinien que des slogans en décrochage complet avec la réalité. Shelly Yachimovich estime que les colonies en Cisjordanie ne sont pas les causes d’un problème, mais l’effet d’un problème. En d’autres mots, que les ennemis d’Israël ne veulent de juifs ni dans les frontières d’avant 1967 ni dans celles d’après.

Un des rivaux de Shelly Yachimovich aux primaires du parti a prévenu les militants que « voter Shelly Yachimovich, c’est voter Netanyahu ». Il n’avait peut-être pas tort.

Daniel Cohn Bendit en Israël

Les pacifistes à tous crins retardent  l’avènement de la paix au lieu de l’accélérer. Ils font penser à cette intelligentsia des années 1960, à ces gens bien, cultivés, de bonne foi, courageux, qui ont continué à se fourvoyer en soutenant l’URRS alors que les gens simples savaient depuis longtemps ce qu’il fallait en penser.

Aragon n’avait toujours pas compris en 1960 ce que Gide avait découvert trente ans plus tôt. Sartre proclamait lors d’un retour d’URSS que la liberté d’opinion y était totale. Cet aveuglement est de même nature que celui qui affecte aujourd’hui une certaine catégorie d’intellectuels, en Israël ou ailleurs, qui ne représente pas grand-monde, mais qui préférerait changer de peuple plutôt que d’opinion.

Daniel Cohn-Bendit, le mythique et par ailleurs sympathique  frondeur de mai 68, vient de faire un tour en Israël où il a rencontré les leaders du mouvement social qui agite en ce moment le pays. Il leur a fait la leçon en leur expliquant que leurs revendications ne devaient pas se limiter au plan social, mais qu’il fallait les lier à la question des implantations en Cisjordanie. Il leur a rappelé que l’Etat d’Israël consacrait huit pourcent de son budget à la défense, alors qu’ailleurs la norme était plutôt de deux pourcent. Il suffirait donc d’après lui de démanteler les colonies, ce qui entraînerait ipso-facto la paix, ce qui permettrait au gouvernement israélien de réduire le budget de la défense pour le réallouer aux impératifs sociaux.

Le problème, c’est que Cohn-Bendit, qui connaît pourtant bien l’Histoire, a omis de vérifier le budget de l’armée israélienne d’avant 1967, autrement dit à une époque où il n’y avait pas d’occupation, à moins que l’on considère que Tel-Aviv soit un territoire occupé. Or ce budget n’était pas de huit pourcent, mais de dix, soit encore plus élevé qu’aujourd’hui. Pourquoi ? Parce que si Israël n’avait pas eu de budget de la défense aussi imposant en 1967, le pays aurait été liquidé par la coalition arabe qui encerclait Israël et qui s’apprêtait selon ses propres dires à jeter les juifs à la mer.

Beaucoup de temps s’est écoulé depuis, et on pourrait arguer que la situation a évolué, mais Cohn-Bendit fait preuve de peu de rigueur intellectuelle en faisant mine de croire qu’en si Israël évacuait la Cisjordanie, alors l’Iran, le Hamas et le Hezbollah ne menacerait plus l’Etat Juif et que le budget de la défense deviendrait donc superflu.

On aurait aimé que Daniel Cohn-Bendit prenne de la graine, et ne fasse pas aujourd’hui ce qu’il reprochait naguère à Aragon.

Le refus palestinien de négocier

Quoi que l’on pense du gouvernement israélien actuel, il est inacceptable de lui imposer des conditions préalables pour négocier, parce que quelles que soient les revendications territoriales des palestiniens, L’Histoire a démontré qu’Israël savait céder des territoires contre la paix quand il y avait lieu.

Il faut se souvenir de la campagne de dénigrement des années 1970 contre le premier Ministre Menahem Begin, dont on disait qu’il était un faucon, ce qui ne l’a pas empêche d’ordonner au général Ariel Sharon de faire évacuer manu militari les colons israéliens du Sinaï au nom de la paix. Il faut se souvenir de Moshé Dayan, qui disait qu’il valait mieux avoir Sharm-el-Sheikh sans la paix que la paix sans Sharm-el-Sheikh, après quoi il a fraternisé avec son ancien ennemi Sadate en lui rendant son territoire et son honneur. Il faut se souvenir du Premier Ministre Ariel Sharon qui a décidé le retrait de Gaza en espérant pacifier la frontière Sud d’Israël. Tout ceci pour attester que quand sonne l’heure de vérité, les leaders israéliens savent ce qu’ils ont à faire. Cela ne justifie ni leurs errements ni leurs erreurs en attendant, mais celles-ci sont rarement essentielles.

Pour comprendre ce que représentent les implantations en Cisjordanie il faut se souvenir de ses origines. Elles n’ont pas commencé directement après la Guerre des Six-Jours, parce les territoires qu’Israël avait conquis étaient considérés comme autant de cartes à jouer en échange d’une paix rapide. Quelques mois après la guerre il y eut les fameux trois « non » de la conférence de la Ligue Arabe à Khartoum (« non à la paix avec Israël, non à la reconnaissance d’Israël, non à toute négociation avec Israël »), où en dépit d’un intense effort diplomatique l’ensemble du monde arabe a décidé que la lutte devait se poursuivre jusqu’à la liquidation d’Israël.

C’est après cela que les israéliens, dépités par l’implacable hostilité du monde arabe, ont graduellement commencé à coloniser les Territoires afin de construire des frontières défendables. Et c’est la gauche, Itzhak Rabin en tête, qui a lancé cette colonisation en estimant que l’ancrage de la Cisjordanie dans Israël était justifié à la fois moralement et stratégiquement, d’autant qu’il n’y avait aucune base juridique pour la frontière, celle d’avant 1967 n’étant que la séquelle d’un armistice. Il est par ailleurs scandaleux qu’une partie de cette gauche qui a poussé des centaines de milliers d’israéliens à s’installer en Cisjordanie au nom de la défense du pays considère maintenant ces gens comme des pestiférés qui se mettent en travers de la paix.

Si les uns posent des conditions pour négocier il n’y aucune raison pour que les autres n’en posent pas. C’est ainsi que les israéliens pourraient arguer qu’il est hors de question de discuter avec une Autorité Palestinienne qui ne contrôle pas Gaza. Après tout il serait trop facile pour elle de signer un accord de paix avec Israël tout en conservant l’option terroriste de Gaza, où le Hamas continuerait à se faire assister par l’Iran, qui pourrait les équiper en armes de destruction massive.

Les israéliens ne posent pas de conditions préalables parce qu’ils veulent entendre tout ce que les palestiniens ont à dire sur tous les sujets, et leur opposer leur point de vue à eux dans le cadre d’un face-à-face. L’enjeu de l’éventuelle négociation peut d’ailleurs se résumer en peu de mots: les palestiniens voudront obtenir des frontières acceptables et le retour des réfugiés de 1948 en Israël, et les israéliens voudront obtenir des frontières acceptables et des garanties pour sa sécurité.

Les deux camps sont retranchés derrière leurs positions d’une manière qui semble insurmontable, mais la différence entre eux, c’est que les israéliens sont disposés à négocier. Ce n’est pas rien.

La Palestine ou l’art d’arriver en retard

Le journaliste Alain Frachon a récemment publié dans Le Monde.fr un article intitulé  » Faisons un rêve : un « oui » israélien à l’ONU « . Il se demande si soixante-quatre ans après la Résolution 181 de l’ONU de 1947 les Palestiniens obtiendraient enfin réparation.

Quelle étrange dialectique, quand on a à l’esprit que les israéliens ont dit « oui » en 1947. De quoi et de qui les palestiniens sont-ils censés obtenir réparation ? Y ont-ils droit du fait qu’ils ont refusé de partager la Palestine? Et si l’on considère que les palestiniens ont été abusés par le monde arabe qui leur a fait accroire qu’ils allaient chasser les juifs, n’est-ce pas à ce monde arabe de réparer ? Nous sommes en plein syllogisme.

S’il y a une partie qui à droit a réparation relativement à la Résolution de l’ONU de 1947, c’est bien Israël, qui malgré l’hostilité de l’ensemble du monde arabo-musulman est encore toujours disposé à partager la Palestine. Pas à n’importe quelles conditions, bien entendu, ni sans négocier avec les principaux intéressés.

Il y a quelque chose de surréaliste dans l’initiative palestinienne à vouloir s’imposer maintenant comme membre à part entière à l’ONU alors que cette possibilité leur a été offerte en 1947. Que de sang versé depuis, alors qu’il eût suffit qu’ils acceptent alors ce qu’ils réclament aujourd’hui.

Alain Frachon dit que les palestiniens ont raison de ne pas vouloir négocier directement avec Israël, parce que les accords d’Oslo n’ont débouché sur rien. Qu’est ce qui lui permet de suggérer que c’est la faute à Israël, malgré l’Intifada, malgré le retrait du Sud-Liban, malgré celui de Gaza, malgré les initiatives de paix de tous les gouvernements israéliens de tous les bords ?

Alain Frachon évoque le courage politique d’Yitzhak Rabin reconnaissant la légitimité du mouvement national palestinien. Qu’en est-il du courage de Benjamin Netanyahou, qui a accepté le principe de deux Etats pour deux peuples et qui a gelé les constructions en Cisjordanie dans l’espoir de négocier avec Mahmoud Abbas, qui pour sa part ne s’est manifesté que neuf mois plus tard juste pour dire qu’il ne voulait pas se mettre à table?

Le Président Obama a beaucoup de soucis ces jours-ci, notamment concernant la situation économique de son pays. Il vient de se débarrasser d’un poids en admettant qu’il avait fait fausse route en ce qui concernait le conflit israélo-palestinien. Il faut donc l’encourager maintenant parce qu’il est sur la bonne voie. Ce qui serait bien à ce stade, c’est qu’en guise d’échange de bons procédés, Benjamin Netanyahou déclare solennellement qu’Israël ne laissera jamais tomber l’Amérique.

Israël et ses amis

Quelle que soit la position que l’on adopte vis-à-vis du conflit israélo-arabe, on ne peut comprendre la politique de l’Etat Juif  que si l’on intègre d’abord l’idée que la préoccupation prioritaire de tout gouvernement d’Israël – quel que soit son bord – est la sécurité. La raison en est que s’il n’y a plus de sécurité, il n’y a plus d’Israël.

C’est pour cela que le traité de  paix avec l’Egypte comprend une clause de démilitarisation du Sinaï. C’est pour cela que si Israël restituait le Golan ce serait à condition de le démilitariser. C’est pour cela qu’Israël a transformé le Sud-Liban en zone-tampon pendant vingt ans. C’est pour cela qu’Israël a construit une barrière de séparation. C’est pour cela que l’Opération Plomb Durci a eu lieu. C’est pour cela qu’il y a des postes de contrôle sur les routes de Cisjordanie. C’est pour cela qu’Israël a réduit en poussière les projets nucléaires de l’Irak et de la Syrie. C’est pour cela qu’Israël s’oppose à la bombe atomique de l’Iran. Et ainsi de suite. La sécurité d’abord.

L’initiative palestinienne consistant à réclamer le statut de membre à part entière des Nations-Unies consiste à contourner Israël en s’adressant directement à la Communauté Internationale. L’explication en est que l’Autorité Palestinienne refuse de négocier avec Israël pour une série de raisons, dont le souhait du Hamas de liquider Israël par tous les moyens. L’Autorité Palestinienne espère ainsi obtenir de la Communauté Internationale une légitimité en tant qu’Etat tout en se passant d’en débattre avec Israël, croyant ainsi pouvoir lui imposer un voisinage  qui négligerait sa sécurité.

Lorsque l’Empire Ottoman a été démantelé pour être rendu à ses habitants il s’est agi de redécouper le Moyen-Orient de la manière la plus équitable possible. C’est ainsi que la Communauté internationale a identifié et reconnu les différentes populations qui y vivaient – dont les juifs – qui petit à petit se sont érigés en Etats. Parmi ceux-ci, le minuscule Etat d’Israël, sur base de ses droits historiques tels que proclamés par la Déclaration Balfour en 1917, la Conférence de San Remo en 1920, la Commission Peel en 1937 et les Nations-Unies en 1947. Le monde arabe a rejeté tout au long l’idée même d’un Etat pour le peuple juif, en déni constant de la part juive de la Palestine, qui existait bien avant que les palestiniens eux-mêmes ne se définissent comme peuple.

Malgré cette longue marche, et même s’il est vrai qu’il existe des palestiniens modérés, il y en a peu qui soient réellement sortis du déni d’Israël. Tout au plus envisagent-ils la liquidation d’Israël par des moyens non-violents.

Israël désire être en paix avec tout le monde, à commencer par ses voisins, mais pas au prix de sa sécurité. Et si on oppose à cela que la crainte d’Israël relève de la paranoïa et que cela risque d’indisposer même ses amis, alors c’est plutôt le problème des amis que celui d’Israël, parce que le peuple juif a largement droit à sa place de choix au panthéon de la paranoïa.

L’islamisme radical face à la démocratie

Toute idéologie qui aboutit au totalitarisme cesse de se conformer à ses propres règles et finit par avoir des objectifs tellement lointains qu’ils en deviennent indistincts. Le rapprochement que fit naguère la philosophe Hannah Arendt entre nazisme et stalinisme en leur trouvant comme point commun le totalitarisme peut s’appliquer à l’islamisme radical.

L’islamisme radical ne relève ni d’une guerre de civilisation ni d’une guerre de religion mais d’une guerre contre la démocratie. Il a comme point de départ le fondamentalisme religieux, mais celui-ci finit par muter en totalitarisme. Cela signifie que le moyen qu’a choisi l’islamisme radical pour s’imposer importe plus que la fin, qui est en principe la religion

Toute idéologie quelle qu’elle soit porte le germe du totalitarisme, qui si on lui cède la place ne connait pas de limite. Le totalitarisme emmène les masses à remplacer l’idéologie de référence par la volonté d’un Parti Unique perçu comme une divinité. La notion même de règle, de loi ou de code moral disparaît au bénéfice du Parti et de son chef. La volonté du chef n’est par ailleurs pas toujours claire, ce qui lui permet d’éliminer les individus de manière arbitraire. C’est ainsi que quand il lui arrive de changer d’avis, ceux qui l’ont servi peuvent être liquidés non pas parce qu’ils sont fautifs, mais parce qu’ils sont encombrants.

La démocratie est le moins mauvais des systèmes parce qu’elle n’est pas une idéologie mais aménage au contraire un espace ou les idéologies peuvent s’exprimer. La démocratie ne dit pas que les tous hommes sont pareils, mais que tous les hommes ont les mêmes droits. Ce principe est indispensable au bon fonctionnement de toute société moderne.

La démocratie a des faiblesses, parce qu’on peut être sceptique quant à la capacité des masses à être intelligentes ou à avoir bon cœur. Le fait que c’est la majorité qui avalise une politique ne témoigne en rien de sa vertu. Les hommes choisissent de privilégier une vision du monde plutôt qu’une autre en fonction de leur diversité, de leurs conditions de vie. Cependant ce qui rend la démocratie précieuse c’est que qu’elle permet de changer de régime quand celui-ci n’est pas conforme aux attentes.

C’est cette possibilité de changement, et elle seule, qui fait que la démocratie est le meilleur des systèmes.

 

Obama ou la vacance du pouvoir

Le Président des Etats-Unis a du pouvoir, mais tout comme dans d’autres démocraties sa marge de manœuvre est limitée par les médias, l’inertie des institutions et la dynamique d’une société complexe et mondialisée. Il est donc difficile pour l’opinion publique de se faire une idée globale du bien-fondé de sa politique intérieure ou extérieure. Reste la perception que l’on acquiert à travers les apparitions, la personnalité et le charisme du Président.

Barack Obama a commis toutes les erreurs imaginables concernant ce qu’il présentait comme sa doctrine lors de sa campagne électorale. Dernièrement il a encore atteint un sommet de dilettantisme en critiquant ouvertement l’agence de cotation qui a réduit la cote de crédit des Etats-Unis et qui a fait baisser Wall Street. Il a étayé son opinion en se référant au milliardaire Warren Buffet qu’il présentait comme omniscient. Cela n’a visiblement pas convaincu les millions américains qui l’écoutaient, parce qu’à peine son allocution terminée les marchés sont repartis à la baisse de plus belle.

La quinzaine précédente Obama avait donné l’image d’un leader aux abois face à la question du plafond de la dette de l’Etat. Il a laissé entendre que son pays, le plus riche et le plus puissant de la planète, pourrait être en cessation de paiement sous peu. L’argument est absurde quand on sait que l’Amérique connaît un régime fiscal clément et qu’elle dispose de moyens et d’outils financiers suffisamment solides pour assurer sa solvabilité, ce qui fait qu’agiter le spectre d’un défaut de paiement est inepte, et relève d’une démagogie digne d’une république bananière.

En ce qui concerne le conflit israélo-palestinien Obama est parvenu à indisposer à peu-près tous les intéressés. Quand il a commencé à faire ses visites d’Etat il a choisi avant tout d’honorer le Président Moubarak, aujourd’hui considéré comme criminel par son peuple, et de présenter sa vision du conflit israélo-palestinien à l’Université du Caire plutôt qu’à celle de Jérusalem. Lors de son discours il a par ailleurs fait une association d’idées douteuse en énumérant dans un même souffle la Shoah et le problème palestinien. Il a ensuite rendu visite à une série de pays de la région, mais a soigneusement évité Israël, la seule démocratie du Moyen-Orient, le seul pays auquel la nation américaine puisse s’identifier, et son allié le plus sûr.

Obama a rejeté les propositions de Netanyahu concernant le règlement du conflit israélo- palestiniens, mais quand Netanyahu les a réitérés devant les Congrès américain il a été ovationné avec un enthousiasme sans précédent par la totalité des représentants. A la suite de cela Obama s’est retrouvé isolé de son propre parti et s’est empressé d’ajuster le tir en se justifiant d’une manière confuse.

Obama a fait pression sur le gouvernement israélien pour qu’il gèle les constructions en Cisjordanie durant dix mois en échange d’une promesse d’un face-à-face entre Netanyahu et Mahmoud Abbas. Celui-ci a attendu neuf mois avant de se manifester, et cela uniquement pour dire que dix mois ce n’était pas suffisant, déclarant que le Président des Etats-Unis était monté avec lui sur un arbre, et puis qu’Obama en était redescendu tout seul en emportant l’échelle. Ceci dit il faut reconnaître qu’Obama a au moins réussi à démontrer que les implantations israéliennes n’avaient aucun rapport avec le conflit, et qu’arrêter les constructions en Cisjordanie ne servait strictement à rien, puisque que les palestiniens refusaient de négocier autre chose que la liquidation de l’Etat d’Israël.

Obama ne donne jamais l’impression d’avoir une vision, mais plutôt de se laisser porter par les évènements. Cet homme est un technocrate sans inspiration. Il n’est ni utile ni nuisible, mais inexistant.

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